INSTRUCTION PROVISOIRE N° 903/DEF/EMA/OL/GEND N° 5158/DEF/DAG/CX/3 relative à la réparation des dommages extra-contractuels en ex-Yougoslavie.
Du 14 mai 1996NOR D E F E 9 6 5 4 0 5 0 J
RÉFÉRENCES.
Décret 66-594 du 27 juillet 1966 (1) modifié relatif aux délégations de pouvoirs et de signature pour le règlement des dommages causés ou subis par les armées.
Arrêté du 27 juillet 1966 (2) modifié fixant les limites de compétence prévues par le décret relatif aux délégations de pouvoirs et de signature pour le règlement des dommages causés ou subis par les armées.
Décret no 91-1004 du 30 septembre 1991(3) fixant les attributions de la direction de l'administration générale du ministère de la défense.
Instruction générale 670 /DEF/DAG/CX/3 du 16 janvier 1989 (4) sur la réparation amiable ou judiciaire des dommages causés ou subis par les armées (à l'exception des dommages contractuels).
L'IFOR (5) (Implementation Force) a été déployée en ex-Yougoslavie pour veiller à la mise en œuvre des accords de paix conclus à Dayton (USA) et signés à Paris le 14 décembre 1995. Des forces françaises y participent (opération Salamandre) depuis sa création, le 20 décembre 1995. Les actions menées dans le cadre de cette opération peuvent être à l'origine de dommages causés ou subis dont il y a lieu d'assurer la réparation.
La présente instruction a pour objet de présenter le dispositif spécialement mis au point pour assurer le traitement des dommages extra-contractuels en ex-Yougoslavie :
ses modalités d'organisation et de fonctionnement (I) ;
les règles concernant le processus d'indemnisation (II).
1. Principes généraux d'organisation.
L'objectif majeur est de réaliser un cadre unique d'échelon déconcentré du traitement des dossiers de dommages survenus dans le cadre de l'IFOR (5).
La désignation d'un correspondant unique vise, d'une part, à simplifier et accélérer la procédure et, d'autre part, à homogénéiser le traitement des dossiers en apportant des solutions équivalentes aux dossiers de même nature.
1.1. Description du dispositif.
1.1.1. Composition du dispositif.
Le dispositif comprend deux niveaux : un échelon central et un échelon déconcentré.
1.1.1.1.
L'échelon central est constitué par la sous-direction du contentieux et des dommages de la direction de l'administration générale (DAG/CX).
Sa compétence et son rôle sont définis par le décret no 91-1004 du 30 septembre 1991, l' arrêté interministériel du 03 juin 1992 (BOC, p. 2070 ; BOEM 110*) et l' instruction générale 670 du 16 janvier 1989 (4).
Dans le cas présent des dommages nés en ex-Yougoslavie, l'échelon central a à connaître de tous les dommages aériens et maritimes. En outre, les dommages causés ou subis par les membres ou les biens des forces françaises en transit sur les territoires d'un certain nombre d'Etats (Slovaquie, République tchèque, République de Macédoine, Hongrie, Autriche, Suisse) sont également traités par l'échelon central.
1.1.1.2.
L'échelon déconcentré se décompose comme suit :
1. Une chaîne complète de réparation des dommages est mise en place au plan local.
Au sommet, le général commandant de la division multinationale du sud-est (DMNSE) (6), commandant interarmées, reçoit délégation de compétence en matière de règlements des dommages, conformément au décret du 27 juillet 1966 et à son arrêté d'application modifié du 27 juillet 1966.
Ce commandant interarmées peut accorder délégation de signature (voir ANNEXE I), en matière de dommages, au directeur du commissariat local.
Le directeur du commissariat local est habilité comme ordonnateur secondaire.
Le payeur aux armées de la DMNSE (7) est désigné comme comptable-payeur pour le règlement des dommages.
2. Une structure chargée d'instruire et régler les dossiers.
Au sein de la direction locale du commissariat a été créé tout exprès le bureau des dommages pour l'ex-Yougoslavie désigné sous l'appellation abrégée bureau DOMIFORFRANCE (8).
Sa compétence géographique correspond à la compétence territoriale de l'autorité délégataire. Elle couvre le territoire de Bosnie-Herzégovine ainsi que les territoires de Croatie et de République fédérative de Yougoslavie.
1.1.2. La compétence matérielle de l'échelon déconcentré.
Dans les limites de la compétence ainsi précisée, le bureau DOMIFORFRANCE (8) est compétent pour traiter les dommages extra-contractuels autres que ceux qui mettraient en cause les principes du droit aérien et maritime (dégradation de pistes d'atterrissages, de ports…).
L' arrêté du 27 juillet 1966 définit en son article 2 les seuils financiers de compétence de l'autorité déconcentrée :
décisions d'indemnités : 500 000 francs ;
décisions d'allocation d'indemnités provisionnelles : 150 000 francs ;
décisions de rejet : illimité ;
décisions de mise à charge à l'égard des tiers : illimité.
Au-delà de ces seuils, l'échelon central est compétent.
1.1.3. Les procédures particulières.
Deux procédures particulières sont mises en place afin de permettre un traitement plus rapide de certaines affaires et alléger le processus de réparation des dommages : la procédure d'urgence et la procédure gracieuse.
1.1.3.1. La procédure d'urgence.
Un certain nombre d'affaires ne nécessitent pas toujours une intervention lourde du bureau DOMIFORFRANCE (8). Certains dossiers peuvent en effet être avantageusement traités selon une procédure simplifiée.
Il en va ainsi des dommages qui sont tout à la fois :
causés à des tiers ;
n'ayant que des conséquences matérielles ;
pour un préjudice inférieur à 3 000 francs.
Cette indemnisation implique :
une constatation et une évaluation rapide du préjudice causé aux tiers (voir ANNEXE II) ;
l'attestation, par les autorités locales, de l'identité des victimes et de leur droit de propriété sur les biens dégradés ;
la signature d'une déclaration de désistement par la victime ainsi indemnisée (voir ANNEXE III).
L'intérêt de cette procédure est double :
éviter les délais et pesanteurs liés à un dispositif plus lourd faisant appel à l'intervention du ministère de l'intérieur bosniaque ou croate et du bureau des réclamations de l'IFOR (9) ;
régler en amont les procédures découlant de dommages incontestables ne mettant pas en jeu des intérêts très importants.
Le bureau DOMIFORFRANCE (8) versera au dossier les pièces susmentionnées ainsi que les justificatifs d'engagement des sommes.
1.1.3.2. La procédure gracieuse.
Le bureau DOMIFORFRANCE (8) intervient pour indemniser, à titre gracieux, les victimes de dommages ayant pour origine des fautes personnelles et détachables du service, commises par des membres français du contingent IFOR, et en rend compte aussitôt à l'échelon central qui peut décider d'engager une action récursoire.
Le remboursement de l'indemnisation est réclamé, au cas par cas, aux auteurs de fautes détachables du service à l'origine du dommage.
1.2. Principes de fonctionnement du bureau DOMIFORFRANCE (8).
1.2.1. Les missions du bureau.
En premier lieu, le bureau DOMIFORFRANCE (8) doit instruire et régler les dossiers conformément aux règles instituées par l' instruction générale 670 du 16 janvier 1989 .
En deuxième lieu, le bureau DOMIFORFRANCE (8) est le représentant des intérêts français dans les dossiers de réclamations impliquant le contingent français.
Des procédures négociées par l'IFOR (9) avec la Bosnie et la Croatie prévoient l'intervention de plusieurs institutions afin d'aboutir à des décisions quasi-amiables. Il s'agit :
d'abord du ministère de l'intérieur (bosniaque ou croate) qui reçoit et filtre l'ensemble des plaintes) ;
puis du bureau des réclamations de l'IFOR (9) correspondant du ministère de l'intérieur de Croatie et de Bosnie. Ici intervient le bureau DOMIFORFRANCE (8) qui est le correspondant français du bureau des réclamations de l'IFOR (9) ;
ensuite, de la commission, organe paritaire qui étudie les réclamations en cas de désaccord entre le ministère de l'intérieur et l'IFOR (9) ;
enfin, du tribunal arbitral, qui se prononce en cas :
de désaccord avec une décision unanime de la commission ;
d'absence de décision unanime de la commission.
Le bureau a donc pour mission :
de traiter directement les dommages de sa compétence au sein de cette procédure ;
de transmettre à l'échelon central les dossiers ressortissant de la compétence de celui-ci à la suite de réclamations engagées dans ce processus.
En troisième lieu, le bureau DOMIFORFRANCE (8) doit travailler en étroite collaboration avec DAG/CX en raison de l'indispensable effort d'homogénéisation du traitement des dossiers de dommages extra-contractuels entre les divers intervenants.
En quatrième lieu, le bureau DOMIFORFRANCE (8) doit communiquer un certain nombre de documents à l'échelon central.
Il s'agit :
d'un rapport d'activités transmis tous les deux mois et qui doit rendre compte des dossiers traités. En outre, il convient d'y dresser une typologie des dommages ainsi que de préciser les modalités de leur traitement ;
de l'ensemble des documents comptables et statistiques résultant de l'activité du bureau.
1.2.2. Les moyens mis à la disposition du bureau.
Le bureau DOMIFORFRANCE (8) peut s'adjoindre, par convention, les compétences de juristes locaux (avocats, professeurs de droit…) en vue d'être éclairé sur l'état des droits applicables en Bosnie-Herzégovine, Croatie et République fédérative de Yougoslavie ainsi que sur les diverses modalités de leur application.
Un expert automobile militaire est présent en permanence au sein du bureau DOMIFORFRANCE (8), la majeure partie des dommages ayant, selon toute probabilité, leur origine dans des accidents de la circulation.
En outre, un expert médical est désigné par le service de santé, chaque fois que le bureau DOMIFORFRANCE (8) en exprime la demande.
Par ailleurs, le concours d'un militaire de la gendarmerie est nécessaire au bureau DOMIFORFRANCE (8) afin de faciliter les rapports avec la prévôté et les services de police militaire des autres contingents de l'IFOR (9) ainsi que les services de police locaux.
2. Règles relatives au traitement des dossiers.
2.1. Déclenchement de la procédure.
Que les forces françaises soient à l'origine de dommages ou qu'elles soient les victimes d'accidents provoqués par des tiers, le bureau DOMIFORFRANCE (8) est saisi à partir de deux sources différentes :
De manière générale, les procès-verbaux de la prévôté relatifs à tous les accidents impliquant le contingent français doivent être impérativement transmis au bureau. Ils permettent à celui-ci d'ouvrir les dossiers.
Par ailleurs, il existe une procédure centralisée pour les plaintes de la population relatives aux dommages provoqués par les contingents nationaux. Ces plaintes sont recueillies par le ministère de l'intérieur de la nation hôte qui les transmet au bureau des réclamations de l'IFOR (9), lequel les répercute ensuite sur les services spécialisés des différents Etats participant à l'opération. Les réclamations concernant le contingent français sont également soumises à cette procédure.
2.2. Procédure de traitement des dossiers.
2.2.1. L'instruction des affaires.
Lorsqu'il a reçu les procès-verbaux et les plaintes, le bureau DOMIFORFRANCE (8) doit procéder à l'instruction des affaires. Pour ce faire, il est indispensable de se référer aux règles décrites dans l' instruction générale 670 du 16 janvier 1989 .
Le traitement des dossiers d'indemnisation de dommages est précédé d'un travail d'instruction :
recueil de toutes les informations destinées à permettre l'évaluation des préjudices matériels et corporels ;
enquêtes sur les responsabilités ;
expertises des dégâts matériels ;
enquêtes sur la situation des victimes de dommages corporels avant et après l'accident ;
expertises visant à fixer la durée de l'incapacité temporaire totale, du taux d'incapacité permanente partielle.
Le bureau DOMIFORFRANCE (8) effectue ce travail préalable et en assure la coordination.
Les tâches à effectuer par le bureau des dommages sont donc les suivantes :
1. Centraliser et classer tous les rapports, comptes rendus ou procès-verbaux concernant les faits survenus dans son ressort territorial et susceptibles de donner lieu à l'ouverture d'un dossier de dommages pour les forces engagées dans l'opération Salamandre.
2. Signaler aux autorités militaires ainsi qu'aux autres services relevant de ces autorités ceux des faits qui seraient susceptibles de les intéresser sur le plan administratif, disciplinaire ou judiciaire.
3. Recevoir les requêtes en indemnités présentées en matière de dommages extra-contractuels et constituer les dossiers conformément aux dispositions de l' instruction 670 du 16 janvier 1989 .
4. Faire effectuer toutes expertises nécessaires, en particulier médicales, et les constats contradictoires des dégâts causés au matériel de l'Etat ou à celui des tiers. Sauf en matière d'expertise automobile où la présence permanente d'un expert est prévue au sein du bureau DOMIFORFRANCE (8) le commandement désignera, sur les indications du bureau, un ou plusieurs experts militaires, maintenus dans leurs unités ou services mais prêts à répondre à la demande, au besoin par simple appel téléphonique du bureau chargé des dommages, afin d'effectuer sur place les expertises et les constats contradictoires prévus par l'instruction précitée.
5. Procéder à l'examen juridique des dossiers et rédiger le rapport juridique ainsi que le projet de décision à soumettre à l'autorité militaire ou, le cas échéant, le rapport juridique à joindre aux dossiers soumis à la décision du ministre.
6. Notifier ou faire notifier aux intéressés les décisions prises par le ministre ou par l'autorité militaire délégataire et provoquer l'émission des documents comptables correspondants.
7. Suivre, en liaison avec les services qualifiés du commissariat, la consommation des crédits, l'ordonnancement des dépenses et, le cas échéant, le versement au Trésor des indemnités réclamées aux tiers en matière de réparations civiles.
Un dossier de dommages doit être constitué dès que le fait qui motive son ouverture est connu. Chaque dossier de dommages doit comprendre plusieurs sous-dossiers, à savoir :
un sous-dossier « enquête » ;
un sous-dossier « préjudice causé aux tiers » distinct pour chacun des réclamants ;
un sous-dossier « préjudice subi par l'Etat » ;
un sous-dossier « pièces diverses ».
Le sous-dossier « enquête » contient tous les éléments relatifs aux circonstances dans lesquelles le fait générateur du dommage s'est produit : procès-verbaux d'enquête, croquis de l'état des lieux, témoignages ou pièces et, d'une façon générale, tous les éléments nécessaires pour porter une appréciation sur les responsabilités encourues de part et d'autre.
Le sous-dossier « préjudice causé aux tiers » comprend lui-même autant de sous-dossiers qu'il y a de requérants. Chacun des sous-dossiers contient la requête formulée par le demandeur, les pièces justificatives jointes à cette requête et les avis des experts de l'administration relatifs aux chefs de préjudice articulés ainsi que tous documents d'enquête jugés nécessaires pour permettre une équitable évaluation des dommages. Si un requérant fait valoir plusieurs chefs de préjudice, les documents concernant les dommages distincts doivent être groupés séparément.
Le sous-dossier relatif au « préjudice subi par l'Etat » contient le décompte et les pièces justificatives du dommage subi par l'administration.
Les divers documents qui encombreraient inutilement les autres sous-dossiers (bordereaux de transmissions, correspondances et notes de rappel, etc.) sont groupés dans un sous-dossier « pièces diverses ».
Pour les affaires dont le règlement relève uniquement de la compétence de l'échelon central, le dossier ainsi constitué sera complété par le rapport juridique (en double exemplaire) qui devra figurer immédiatement sous le bordereau d'envoi.
Si le dommage entre dans la limite des pouvoirs de décision attribués à l'autorité militaire territoriale, un autre sous-dossier sera constitué comprenant :
le rapport juridique ;
la décision prise ;
les pièces constatant sa notification ;
toutes les correspondances échangées avec les tiers, leurs représentants ou leurs compagnies d'assurances classées par ordre chronologique, la plus récente se trouvant sur le dessus.
Si la décision de l'autorité militaire territoriale se heurte à une fin de non-recevoir, le dossier ainsi présenté est transmis à l'échelon central par bordereau mentionnant les motifs de l'envoi.
Dans toute la mesure du possible, ce travail d'instruction doit privilégier les solutions de règlement amiable.
2.2.2. Remarques particulières sur le traitement des dossiers d'accidents de la circulation dans l'ex-Yougoslavie.
Les mouvements des membres du contingent français sont susceptibles d'engendrer des accidents de la circulation.
Le principe défini par la convention de La Haye du 4 mai 1971 relative à la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière est d'appliquer la loi du lieu de survenance du dommage.
Le traitement des dossiers devra donc être différent en fonction de l'Etat dans lequel l'accident a eu lieu.
Ainsi, en matière d'assurance automobile, il y a lieu de distinguer deux cas :
en Croatie et en Slovénie, la convention « carte verte » est applicable. Les dossiers pourront donc être normalement traités, en principe, entre les assurances locales et l'Etat français (qui est son propre assureur) ;
en Bosnie, l'accord « carte verte » ne fonctionne pas actuellement. Ceci implique une incertitude quant au fonctionnement des assurances dans ce pays.
D'une manière générale, il conviendra d'agir avec prudence. S'il s'avère que le droit local ne peut être appliqué, il faudra s'inspirer des règles qui régissent le traitement des dossiers de dommages de même nature, en France. Il sera toutefois nécessaire d'adapter le niveau des offres de transaction au contexte local.
Cette instruction est susceptible de recevoir un certain nombre de précisions et de modifications en fonction de l'évolution des connaissances de la situation existant sur les territoires des Etats de l'ex-Yougoslavie.
Le bureau DOMIFORFRANCE (8) est appelé, en principe, à être maintenu, selon des modalités qui seront précisées ultérieurement, au sein de l'élément postcurseur de l'opération Salamandre.
Il sera rendu compte, sous le présent timbre, des problèmes ou questions que peut soulever l'application de la présente instruction.
Pour le ministre de la défense et par délégation :
Le secrétaire général pour l'administration,
François ROUSSELY.
Le général d'armée aérienne, chef d'état-major des armées,
Jean-Philippe DOUIN.