AUTRE du Conseil d'État, Devèze.
Du 15 février 1952NOR
Vu la loi du 24 juin 1919, la loi du 3 mai 1921, la loi du 20 mai 1946, l' ordonnance du 31 juillet 1945 ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la défense nationale :
Considérant qu'aux termes de l'article premier de la loi du 3 mai 1921, « donneront droit à réparation, conformément aux dispositions des articles suivants, lorsque cette réparation ne pourra être obtenue par les recours de droit commun, les dommages corporels ou matériels causés aux tiers par suite d'explosion, déflagration, émanation de substances explosives, corrosives, toxiques… se trouvant : 1o dans les dépôts de munitions, navires de guerre, arsenaux et manufactures de l'Etat, ou encore dans les localités où des munitions ont été abandonnées sans surveillance » ; qu'en vertu de l'article 2, les accidents corporels sont réparés conformément aux dispositions de la loi du 24 juin 1919 sur les victimes civiles de la guerre ;
Considérant sans qu'il soit besoin, en l'espèce, de déterminer la portée de la loi du 3 mai 1921 en tant qu'elle concerne la réparation des dommages matériels, que les dispositions de ladite loi relatives aux dommages corporels ont été édictées sans limitation de temps et n'ont fait l'objet d'aucune abrogation expresse ou implicite ; que ces dispositions demeurent donc en vigueur tant en ce qui concerne le principe du droit à réparation que ses modalités d'application ; que d'ailleurs la loi du 24 juin 1919, à laquelle se réfère l'article 2, a été remise en vigueur par la loi du 20 mai 1946 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident mortel dont le sieur Devèze, premier époux de la dame Royer, a été victime, a eu pour cause une explosion survenue, le 18 octobre 1943, à la poudrerie nationale du Ripault ; que, pour demander réparation à l'Etat des suites dommageables dudit accident, les époux Royer font valoir d'une part, que les agents de l'administration ont commis des fautes qui ont rendu possible l'explosion et, d'autre part, que les opérations effectuées à la poudrerie Ripault comportaient des risques excédant ceux qui résultent normalement du voisinage ;
Considérant sur le premier point, qu'il n'est pas établi que l'explosion dont s'agit, survenue à une époque où l'accumulation et la manutention des explosifs avaient lieu à la poudrerie de Ripault, sous l'empire des nécessités nées de l'occupation, dans des conditions d'organisation sommaires, soit due à des fautes imputables à l'administration ;
Considérant sur le second point, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions de la loi du 3 mai 1921 que, dans le cas où la faute de l'administration n'est pas établie, le législateur a entendu, pour les dommages corporels consécutifs à l'un des faits énumérés à l'article premier précité, substituer à l'application des principes généraux concernant la responsabilité pour risques exceptionnels de voisinage le mode d'indemnisation forfaitaire prévu pour les victimes civiles de la guerre ; qu'ainsi, l'accident susrelaté entrant dans le champ d'application de ladite loi, il appartient aux époux Royer, s'ils s'y croient fondés, d'en réclamer le bénéfice et, le cas échéant, de saisir les juridictions de pensions, seules compétentes pour connaître des litiges relatifs à l'application des loi du 24 juin 1919, loi du 20 mai 1946 et loi du 3 mai 1921 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les époux Royer ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le secrétaire d'Etat à la présidence du conseil (direction des poudres) a rejeté leur demande tendant à l'augmentation de l'indemnité qui leur a été offerte ; … (rejet avec dépens).