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DIRECTION DES AFFAIRES JURIDIQUES : sous-direction du droit public et du droit privé

CIRCULAIRE N° 2594/DEF/CAB relative au contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Du 16 février 2009
NOR D E F D 0 9 5 0 2 8 6 C

Référence(s) : Code du 22 mai 2024 de la défense - Partie réglementaire IV. Le personnel militaire. (Dernière modification le 12 mars 2016 - Document consolidé le 28 mars 2016).

Code de procédure pénale, article 40 (n.i. BO).

Loi N° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Décret n° 2008-246 du 12 mars 2008 (n.i. BO).

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  530.1., 510-0.3.3.

Référence de publication : BOC n°10 du 27/2/2009

Introduction.

La loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté et le décret n° 2008-246 du 12 mars 2008 (1) pris pour son application ont confirmé la volonté de la France de se conformer aux règles pénitentiaires européennes et de respecter les stipulations du protocole facultatif à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, signé par la France le 16 septembre 2005.

La loi crée une nouvelle autorité administrative indépendante : le contrôleur général des lieux de privation de liberté, chargé d'assurer le contrôle et de garantir la transparence des lieux de privation de liberté. Il s'agit d'assurer le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes détenues ou retenues.

Le contrôleur général peut exercer sa mission en tous lieux de privation de liberté installés sur le territoire de la République. Les endroits fermés où sont effectuées des périodes d'isolement assortissant les sanctions d'arrêt prises en application de l'article R. 4137-29 du code de la défense relèvent donc de sa compétence.

Bien que n'étant pas le département ministériel principalement concerné par la création du contrôleur général des lieux privatifs de liberté, eu égard au faible nombre de ces lieux et au caractère résiduel de la pratique de l'isolement en leur sein, les armées veilleront néanmoins, dans l'éventualité d'une visite du contrôleur général ou de ses délégués, à offrir à ces derniers toutes facilités propres au bon déroulement de leur inspection.

La présente circulaire a pour objet de présenter cette nouvelle autorité de contrôle et entend préciser ses modalités d'intervention au sein des lieux d'isolement placés sous l'autorité du ministre de la défense.

1. PRÉSENTATION DU MÉCANISME DE CONTRÔLE.

Le mécanisme de contrôle des lieux de privation de liberté créé par la loi du 30 octobre 2007 repose sur un contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il s'agit de contrôler le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, en vérifiant les conditions de leur prise en charge.

Le contrôle du respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté s'exerce par le contrôle des conditions et des lieux dans lesquels elles sont détenues, retenues ou placées, et notamment l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité.


1.1. Le contrôleur général.

Le contrôleur général est l'autorité indépendante chargée du contrôle des lieux de privation de liberté. Il est indépendant et ne reçoit d'instruction d'aucune autorité.

1.2. Les contrôleurs et les collaborateurs.

Afin de permettre l'effectivité du contrôle des lieux de privation de liberté, le contrôleur général est assisté par des contrôleurs et des collaborateurs, soumis à sa seule autorité.

1.2.1. Les contrôleurs.

Les contrôleurs exercent les mêmes fonctions que le contrôleur général. Ils participent ainsi pleinement à la mission de contrôle.

Ils assistent le contrôleur général dans le contrôle des lieux de privation de liberté et exercent, par délégation, les pouvoirs d'investigation qui lui sont attribués par la loi.

Dans le cadre de leur mission, ils sont, tout comme le contrôleur général, astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont connaissance en raison de leur fonction.

Il en résulte que toute visite peut indifféremment être effectuée par le contrôleur général et les contrôleurs qu'il aura spécialement désignés à cet effet.

1.2.2. Les collaborateurs.

Les collaborateurs participent au seul fonctionnement du service administratif.

Ils n'ont pas vocation à effectuer des visites de lieux de privation de liberté. Ils assurent le bon fonctionnement des services du contrôleur général.

2. EXERCICE DU CONTRÔLE.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est chargé, sans préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités judiciaires ou juridictionnelles, de contrôler les conditions de prise en charge et, le cas échéant, de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux.

Dans le cadre de ses attributions, le contrôleur général exerce sa mission de contrôle essentiellement par des visites sur place et par le recueil de toute information ou pièce utile.

2.1. La saisine du contrôleur général.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est saisi par les autorités suivantes :

  • le Premier ministre ;
  • les membres du Gouvernement ;
  • les membres du Parlement ;
  • le Médiateur de la République ;
  • le Défenseur des enfants ;
  • le président de la commission nationale de la déontologie de la sécurité ;
  • le président de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Il a également la possibilité de s'autosaisir s'il l'estime opportun. À cette fin, toute personne physique, ainsi que toute personne morale s'étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux, peuvent porter à la connaissance du contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence.

La saisine du contrôleur général n'est subordonnée à aucune condition.

2.2. Les visites sur place.

2.2.1. Les lieux susceptibles de faire l'objet de visites.

La mission du contrôleur général ou des contrôleurs s'opère sur tous les lieux du territoire de la République où des personnes sont privées de liberté.

Le ministère de la défense est concerné par les endroits fermés où sont effectuées les périodes d'isolement assortissant les sanctions d'arrêt, en application de l'article R. 4137-29 du code de la défense, où que se trouvent ces lieux sur le territoire de la République.

Il résulte du principe d'application de la loi de l'État du pavillon que la compétence du contrôleur général des lieux de privation de liberté s'étend aux navires des forces armées.

L'article 8 de la loi du 30 octobre 2007 limite la compétence du contrôleur général des lieux de privation de liberté au territoire de la République. Il n'est donc pas compétent à l'égard des lieux de détention que renferment les stationnements des forces françaises à l'étranger.

2.2.2. Les modalités des visites sur place.

Les visites de contrôle peuvent être planifiées ou inopinées et avoir lieu tous les jours de l'année, de jour comme de nuit.

2.2.2.1. L'information immédiate des autorités hiérarchiques.

L'autorité militaire sous le commandement de laquelle le lieu privatif de liberté où sont effectuées les périodes d'isolement est placé rend immédiatement compte à la section juridique militaire de la division organisation des ressources humaines de l'état-major des armées :

  • des conditions de la visite du contrôleur général ;
  •  toute demande ou remarque émanant du contrôleur général.

Ce compte-rendu n'est pas une condition préalable à l'accès du contrôleur général ou des contrôleurs à l'enceinte militaire au sein de laquelle se trouve le lieu privatif de liberté où sont effectuées les périodes d'isolement.

2.2.2.2. Le libre accès aux lieux de privation de liberté.

Aucune restriction liée à l'organisation du service ne peut être opposée au contrôleur général ou au contrôleur qu'il a missionné pour effectuer une visite de contrôle.

Par conséquent, il appartient à l'autorité militaire, sous le commandement de laquelle le lieu privatif de liberté est placé, d'assurer au contrôleur général et à ses délégués un libre accès à ce lieu, et ce sans solliciter préalablement l'avis de l'autorité hiérarchique.

Lorsqu'ils demandent à accéder aux locaux pour effectuer une visite, les contrôleurs délégués du contrôleur général doivent présenter la pièce justifiant de leur qualité de contrôleur, ainsi que la lettre de mission signée du contrôleur général les habilitant à effectuer le contrôle du lieu de privation de liberté en cause.

Vous donnerez toutes consignes afin que, sur simple présentation des documents ci-dessus mentionnés, ils puissent accéder sans délai aux lieux qui sont l'objet de leur visite.

En revanche, un contrôleur qui serait dans l'impossibilité d'attester de la mission pour laquelle le contrôleur général lui a délégué son pouvoir de visite, ou qui ne pourrait pas présenter le document attestant de sa qualité de contrôleur, se verra refuser l'accès au lieu de privation de liberté.

Le contrôleur général et ses délégués sont compétents pour procéder au contrôle des lieux de privation de liberté situés à l'intérieur d'une zone protégée. Cependant, ils accèdent à ces lieux après s'être soumis aux règles particulières d'accès à la zone applicables aux tiers.

Pendant la visite, le contrôleur général et ses délégués se déplacent sans être accompagnés, sauf s'ils en font la demande.

2.2.2.3. Les limites du libre accès aux lieux de privation de liberté.

L'autorité militaire sous l'autorité de laquelle le lieu privatif de liberté est placé ne peut s'opposer à la visite du contrôleur général et de ses délégués que pour des motifs graves et impérieux, qu'elle doit justifier.

Ces motifs ne peuvent être liés qu'à :

  • la défense nationale ;
  • la sécurité publique ;
  • des catastrophes naturelles ;
  • l'existence de troubles sérieux au sein de l'établissement militaire devant être visité.

Il doit s'agir d'incidents graves troublant le fonctionnement de l'établissement militaire ou l'ordre public (une inondation majeure, un incendie, un mouvement collectif...). En aucun cas des incidents qui perturbent les conditions d'isolement, mais qui ne troublent pas le fonctionnement de l'établissement militaire, ne peuvent justifier le report d'une visite.

En tout état de cause, la décision de refuser l'accès du contrôleur général à un lieu privatif de liberté situé à l'intérieur d'une enceinte militaire relève du pouvoir d'appréciation appartenant à l'autorité sous le commandement de laquelle ce lieu est placé.

Lorsque l'autorité militaire s'oppose à la visite du contrôleur général ou du contrôleur qu'il aura délégué, il lui appartient, dans les plus brefs délais et par tout moyen, de porter à la connaissance du contrôleur général les faits exceptionnels justifiant sa décision de s'opposer à la visite.

L'autorité militaire informe alors, sans délai, la section juridique militaire de la division organisation des ressources humaines de l'état-major des armées.

Lorsque les circonstances justifiant le report d'une visite ont cessé, l'autorité en informe les services du contrôleur général. Une nouvelle visite peut alors avoir lieu.

Toute décision de report devra donner lieu, de la part de l'autorité militaire sous le commandement de laquelle le lieu privatif de liberté est placé, à un rapport circonstancié sur les motifs du report qui sera transmis par la voie hiérarchique à la section juridique militaire de la division organisation des ressources humaines de l'état-major des armées.

2.3. Le recueil de toute information ou pièce utile.

Dans l'exercice de son pouvoir d'investigation, le contrôleur général, ou le contrôleur qu'il aura délégué, peut obtenir toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission.

Le contrôleur général et les contrôleurs peuvent procéder non seulement à des visites et à des auditions, mais aussi demander la communication de toute pièce utile à l'exercice de leur mission.

Il appartient donc à l'autorité militaire de prendre toute mesure pour leur permettre de procéder aux entretiens souhaités et d'obtenir les pièces demandées.

2.3.1. Les entretiens.

Le contrôleur général, ou le contrôleur qu'il aura délégué, dispose non seulement du droit de se déplacer sans entrave dans le lieu visité, mais également de celui de s'entretenir sans témoin avec toute personne qui lui paraît nécessaire. Ces entretiens peuvent avoir lieu avant, pendant et après la visite de contrôle.

L'autorité militaire rend disponible tout personnel civil ou militaire et toute personne placée en isolement avec lesquels le contrôleur général ou son délégué souhaite s'entretenir.

L'autorité militaire met à la disposition du contrôleur général, ou du contrôleur qu'il aura délégué, un local approprié à la confidentialité des entretiens.

2.3.2. La communication des pièces utiles.

Il appartient à l'autorité militaire de procéder à la transmission de tout document dont le contrôleur général ou son délégué demande communication, sauf si cette transmission est susceptible de porter atteinte :

  • au secret de la défense nationale ;
  • à la sûreté de l'État ;
  • au secret médical.

Hormis ces réserves, le contrôleur général ou le contrôleur qu'il a délégué peut demander que lui soient transmis tous les documents justifiant ou fondant la privation de liberté.

La communication de documents susceptibles de porter atteinte au secret médical, ne peut être décidée que par l'autorité médicale responsable. Par conséquent, dans l'hypothèse où le contrôleur général souhaiterait avoir accès à de tels documents, il appartient à l'autorité militaire d'en aviser l'autorité médicale compétente, qui décidera de la communication des pièces demandées.

La communication des documents sollicités par le contrôleur général peut prendre la forme d'une communication sur place ou de copies délivrées au contrôleur général.

2.4. Le rapport de visite du contrôleur général.

À l'issue de chaque visite de contrôle, le contrôleur général rend un rapport de visite qui comporte des observations concernant en particulier l'état, l'organisation et le fonctionnement du lieu visité et la condition des personnes placées en isolement.

Ce rapport est élaboré à l'issue d'un échange entre le contrôleur général et le ministre de la défense, au cours duquel les observations sont recueillies pour être, par la suite, annexées au rapport de visite.

Ce rapport peut être rendu public, contenir des avis, des recommandations ou des propositions de modifications législatives et réglementaires.

S'il n'a aucune force obligatoire, le rapport du contrôleur général est néanmoins destiné à orienter l'action de l'administration. Ses observations devront donc retenir toute l'attention des services concernés du ministère.

Il est prévu une procédure normale par laquelle le contrôleur général saisit le ministre concerné et une procédure d'urgence par laquelle il peut, lorsqu'il constate une violation grave des droits fondamentaux, saisir directement l'autorité compétente.

Quelle que soit la procédure mise en œuvre, il appartient à l'autorité militaire d'informer sa hiérarchie sans délai.

2.4.1. La procédure normale.

À l'issue de chaque visite, le contrôleur général ou le contrôleur qu'il aura délégué adresse un rapport de visite aux ministres intéressés. Ces derniers transmettent, en réponse, leurs observations, soit parce qu'ils le jugent utile, soit parce que le contrôleur général l'a expressément demandé.

Le contrôleur général fixe le délai dans lequel les ministres doivent formuler leur réponse. Ce délai ne peut être inférieur à un mois.

Afin de permettre au ministre de la défense de faire connaître ses observations dans les meilleurs délais, l'autorité militaire sous le commandement de laquelle est placé le lieu privatif de liberté établit, aussitôt après la visite, un rapport détaillé et circonstancié du déroulement de la visite précisant son objet, les lieux visités, les personnes entendues et tout autre élément dont la communication lui paraît utile. Ce rapport est transmis par la voie hiérarchique.

Par conséquent, si en dehors de toute procédure d'urgence, le contrôleur général demande directement ses observations à l'autorité militaire sous le commandement de laquelle est placé le lieu privatif de liberté inspecté, il convient de transmettre, sans délai, la demande du contrôleur général à la section juridique militaire de la division organisation des ressources humaines de l'état-major des armées.

2.4.2. La procédure d'urgence.

S'il constate une violation grave des droits fondamentaux d'un militaire placé en isolement, le contrôleur général peut, sans délai, formuler ses observations directement aux autorités compétentes et leur demander leurs observations, dans un délai qu'il leur impartit et qui, à la différence de la procédure normale, peut être inférieur à un mois.

Cette procédure d'urgence vise à faciliter l'efficacité de l'intervention du contrôleur général lorsque des droits fondamentaux lui paraissent gravement atteints et, notamment, le droit au respect de la dignité humaine.

Si le contrôleur général saisit l'autorité militaire sous le commandement de laquelle est placé le lieu privatif de liberté inspecté, il appartient à cette dernière de répondre à ses observations dans le délai imparti. En tout état de cause, l'autorité militaire saisie en rendra compte à la section juridique militaire de la division organisation des ressources humaines de l'état-major des armées.

Enfin, le contrôleur général peut, dans les mêmes conditions que lors d'une visite initiale, procéder à un nouveau contrôle de l'établissement afin de vérifier si la violation constatée a cessé et, le cas échéant, rendre publiques ses observations, ainsi que les réponses formulées par l'autorité militaire.

2.5. Les observations relatives à des faits pouvant constituer une faute disciplinaire.

Outre les avis et recommandations qu'il formule dans son rapport de visite, le contrôleur général porte à la connaissance de l'autorité militaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires. Ces faits doivent faire l'objet d'un examen approfondi par l'autorité militaire. Cependant, cette dernière demeure pleinement titulaire de son pouvoir d'apprécier l'éventuelle opportunité des poursuites disciplinaires.

J'attache une grande importance à ce que les visites du contrôleur général des lieux privatifs de liberté se déroulent dans les meilleures conditions.

Vous voudrez bien veiller à la bonne application de cette circulaire au sein des lieux d'isolement placés sous votre autorité et me saisir, sous le présent timbre, de toute difficulté que vous rencontreriez dans son application.

Pour le ministre de la défense et par délégation :

Le directeur du cabinet civil et militaire,

André VIAU.