DIRECTIVE N° 231000/DEF/CAB relative à la lutte contre l'absentéisme des militaires.
Du 10 décembre 2009NOR D E F P 0 9 5 3 5 0 0 X
Préambule.
L'article L. 4121-5 du code de la défense précise que les « militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu ».
Cette disposition est l'une des caractéristiques fondamentales de l'état militaire.
La lutte contre toute forme d'absentéisme constitue donc une priorité en matière de gestion des ressources humaines, le service dans les armées imposant un engagement sans faille et de tous les instants.
La présente directive ministérielle a pour objet de définir, prévenir, réduire et mesurer l'absentéisme des militaires afin que soit préservée la capacité opérationnelle des forces.
S'appuyant sur cette directive, les chefs d'état-major ou autorités correspondantes pour les formations rattachées peuvent prendre des dispositions particulières par instruction, afin de préciser certains points et apporter des solutions à certaines de leurs difficultés propres.
Ces instructions s'appliquent aux militaires affectés dans des organismes relevant de leur autorité, ainsi qu'aux militaires affectés dans des organismes interarmées, sous réserve des dispositions propres à ces organismes.
1. Définition de l'absentéisme.
Relève de l'absentéisme toute période d'absence volontaire du militaire s'inscrivant en dehors du cadre réglementaire ou qui abuse de ce cadre par un prétexte illégitime. |
Cette définition permet de prendre en compte :
- les absences irrégulières ;
- les congés de maladie requalifiés d'abusifs, suite à contrôle médical.
Dans ce dernier cas, la notion « d'absentéisme sous couvert médical » sera employée.
Il appartient aux commandants de formation administrative de veiller à ce que les militaires placés sous leurs ordres ne soient pas absents pour des motifs fallacieux.
2. Prévention de l'absentéisme sous toutes ses formes.
Les causes de l'absentéisme sont multiples et souvent complexes, conjuguant plusieurs facteurs. Ceux-ci peuvent être liés aux intéressés : fragilité des individus, préoccupations d'ordre personnel, manque de motivation, difficulté ou refus d'adaptation à la vie militaire. Ils peuvent être aggravés par la conjoncture : sollicitations extérieures, pressions familiales, suractivité ou, au contraire, sous-activité. Enfin, ils peuvent être exacerbés par la faiblesse de la cohésion, des tensions dans les relations humaines ou des manquements de l'encadrement.
C'est pourquoi il convient d'insister sur l'importance que revêtent :
- le style de commandement ;
- la connaissance personnelle des subordonnés depuis le chef de proximité jusqu'au commandant de formation administrative ;
- l'implication des cadres de contact dans la gestion des carrières, et notamment dans le dialogue et l'information qui invitent le militaire à se projeter dans l'avenir ;
- l'action des présidents de catégorie et correspondants d'unité élémentaire dans la perception du moral et dans la consolidation du dialogue en complément de l'action quotidienne du commandement ;
- la pratique du parrainage des jeunes militaires de toutes les catégories.
3. Prévention et traitement des absences irrégulières.
3.1. Prévention des absences irrégulières.
Il est demandé aux commandants de formation administrative de faire lire et signer aux futurs militaires, lors de la souscription du premier engagement, le texte relatif aux sanctions encourues en cas de désertion (1).
Il leur appartient aussi de veiller à ce que leurs subordonnés connaissent les éléments qui caractérisent l'absence irrégulière et l'infraction de désertion ainsi que les conséquences induites par ce type de comportement, tant sur le plan disciplinaire, que sur le plan pénal et le plan financier. Un contrôle régulier de la connaissance de ces éléments par leurs subordonnés doit être assuré.
Pour ce faire, des séances d'informations sur les conséquences de l'absence irrégulière et de la désertion, adaptées au public visé, doivent être dispensées dans les unités.
3.2. Sanctions.
3.2.1. Sanctions pénales.
En application des articles 40 et 698-1 du code de procédure pénale, les infractions de désertions doivent être dénoncées systématiquement au procureur de la République, indépendamment de la situation individuelle du déserteur (2). L\'attention du ministère de la justice (3) a été récemment attirée sur la problématique de la désertion afin que les magistrats du Parquet soient sensibilisés à l\'impérieuse nécessité d\'y apporter des réponses fermes, en saisissant le plus souvent possible la juridiction de jugement aux fins de condamnation.
3.2.2. Sanctions financières.
3.2.2.1. Dispositions anciennes (annulées).
La direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) avait, par note n° 200976/DEF/DFP/FM2 du 26 mai 1993 (n.i. BO), établi que le non versement de la solde ne devait intervenir qu\'après signalement par l\'autorité militaire de la désertion, donc à l\'issue du délai de grâce.
La DRH-MD estimait dans cette note que la période du délai de grâce (de 6 à 15 jours avant que le militaire ne soit reconnu déserteur en temps de paix selon les dispositions du code de justice militaire), considérée comme une absence irrégulière, pouvait être sanctionnée sur le plan disciplinaire, mais pas sur le plan financier. Dans la mesure où, avant l\'expiration de ce délai, le militaire n\'est pas encore déserteur, le ministère de la défense avait choisi de ne pas interrompre le versement de la solde durant cette période.
3.2.2.2. Dispositions nouvelles.
Il est désormais considéré que l'absence de « service fait », peut entraîner le non versement de la solde dès le premier jour d'absence irrégulière et avant expiration du délai de grâce, à l'instar des dispositions applicables aux fonctionnaires. Ces dispositions prévoient que le fonctionnaire perçoit un traitement pour « service fait » et qu'en cas d'absence irrégulière, il ne peut donc prétendre à une rémunération. Une jurisprudence constante du Conseil d'État (4) énonce que ces dispositions s'appliquent également aux militaires.
En outre, l'article 5. de l'instruction n° 201187/DEF/SGA/DFP/FM/1 du 2 octobre 2006 relative aux permissions et aux congés de fin de campagne des militaires, dispose que les périodes d'absence irrégulière sont décomptées des droits à permission de longue durée.
Ainsi, le commandant de formation administrative peut :
- soit demander que le militaire absent irrégulièrement ne soit pas rémunéré (5) (absence de « service fait ») ;
- soit décompter les périodes d'absence irrégulière des droits à permission de longue durée des périodes d'absence irrégulière.
L'instruction n° 101000/DEF/SGA/DRH-MD du 4 février 2009 relative aux droits financiers du personnel militaire, de ses ayants droit et de ses ayants cause et l'instruction n° 201187/DEF/SGA/DFP/FM/1 du 2 octobre 2006 précitée seront mises à jour en ce sens par la direction des ressources humaines du ministère de la défense.
4. Prévention et sanction de l'absentéisme sous couvert médical (6).
(Modifié : Directive du 09/03/2010.)
Certains militaires, fréquemment absents de leur unité, bénéficient d\'une couverture réglementaire par le biais de certificats d\'arrêts de travail dont le caractère bien fondé peut paraître sujet à caution. Ces absences relèvent en fait de l\'absentéisme et pénalisent la capacité opérationnelle des forces et par conséquence le bon fonctionnement du service.
S\'il n\'est pas possible de juger a priori du caractère abusif d\'un certificat d\'arrêt de travail octroyé à un militaire, la lutte contre un tel comportement relève de l\'engagement de tous. Il appartient donc au commandement de proximité, avec le concours du service de santé des armées, de déterminer, selon la situation personnelle du militaire, si son placement en congé de maladie est susceptible de relever de l\'absentéisme sous couvert médical.
L\'instruction n° 201189/DEF/SGA/DFP/FM/1 du 2 octobre 2006 relative aux congés liés à l\'état de santé susceptibles d\'être attribués aux militaires prévoit des dispositions en matière de lutte contre l\'absentéisme sous couvert médical, et met notamment en place un contrôle médical (Cf. point 4.3. infra) en cours de congé de maladie.
En cas de suspicion de certificat d\'arrêt de travail abusif, le commandant de formation administrative doit demander à la direction régionale du service de santé des armées (DRSSA) de faire procéder à un examen médical du militaire malade.
Afin de garantir une réelle efficacité au dispositif, ce contrôle doit être ciblé et l\'opportunité d\'y recourir doit être décidée à partir d\'une analyse de la situation. La réalisation au préalable d\'un contrôle de commandement (Cf. point 4.2. infra) y contribue.
4.1. Obligations du militaire bénéficiant d'un arrêt de travail.
(Modifié : Directive du 09/03/2010.)
Les militaires doivent être informés, à intervalles réguliers, de l\'obligation qu\'ils ont de prévenir ou faire prévenir leur unité lorsqu\'un certificat d\'arrêt de travail leur est délivré. Il est en effet impératif que le commandement puisse prendre les mesures appropriées afin de pallier les défections et préserver ainsi la capacité opérationnelle des forces.
L\'instruction relative aux congés liés à l\'état de santé, précitée, dispose que le militaire doit faire parvenir à son unité ce certificat (imprimé Cerfa) dans les 48 heures qui suivent sa prescription.
Nonobstant ces dispositions règlementaires, il est impératif que le militaire prévienne ou fasse prévenir son unité, par téléphone de préférence, dans les 24 heures, en cas d\'absence pour maladie.
Les commandants de formation administrative doivent veiller au respect de cette obligation par leurs subordonnés :
- lors de son arrivée dans l\'unité, le militaire est informé par tout moyen de l\'obligation de rendre compte s\'il n\'est pas en mesure de rejoindre son unité ;
- le militaire qui désobéit aux ordres et ne prévient pas son unité en cas d\'absence pour maladie, peut faire ipso facto, à son retour, l\'objet d\'une procédure disciplinaire (7).
Ces dispositions visent à responsabiliser les militaires et à donner au commandement les moyens de connaître, au plus tôt, la situation des effectifs de chaque unité et les missions pouvant leur être confiées.
Elles visent également à rappeler à chaque militaire qu\'il se doit d\'être solidaire de son unité et ne doit pas faire subir à ses camarades les conséquences de ses manquements.
Enfin, et conformément à l\'instruction n° 1700/DEF/DCSSA/AST/AS du 28 janvier 2002 relative au suivi et au contrôle de l\'aptitude médicale, il est rappelé que tout militaire ayant bénéficié d\'un certificat d\'arrêt de travail de 21 jours ou plus doit se soumettre à une visite médicale dès la reprise du service.
Les médecins d\'unités pourront ainsi vérifier l\'aptitude des intéressés et les commandants de formation administrative établir un suivi des différents arrêts de travail.
4.2. Contrôle de commandement.
(Modifié : Directive du 09/03/2010.)
Le contrôle de commandement consiste à vérifier que le militaire, en congé de maladie, respecte les conditions d\'exécution de son certificat d\'arrêt de travail.
Le commandant de formation administrative contrôle, notamment (8), que le militaire ne s\'absente pas du lieu où il a déclaré prendre son congé de maladie, hors des créneaux pendant lesquels il est autorisé à le faire. Cette vérification s\'opère par un contact téléphonique avec le militaire, puis, le cas échéant, par la visite d\'un représentant du commandement à l\'intéressé.
Il est préconisé, afin de garder une certaine souplesse à ce dispositif, que la visite au militaire se fasse, le cas échéant, dans un cadre interarmées. Le commandant de formation administrative peut donc demander la collaboration du commandant de l\'unité la plus proche du lieu où l\'intéressé a déclaré prendre son congé de maladie. Après accord entre les deux commandants de formation administrative intéressés, la visite au militaire malade peut, le cas échéant, être effectuée par un cadre appartenant à la formation administrative la plus proche de la résidence de l\'intéressé.
Le militaire absent aux heures prescrites par le certificat d\'arrêt de travail est astreint, dès que le commandant de formation administrative a établi le contact avec lui, à rédiger un compte rendu relatant les motifs de son absence.
4.3. Contrôle médical.
(Modifié : Directive du 09/03/2010.)
Ce contrôle est prévu par l\'article 4. de l\'instruction relative aux congés liés à l\'état de santé, précitée.
En cas de suspicion de certificat d\'arrêt de travail abusif, ou s\'il s\'avère, après contrôle de commandement, que le militaire ne respecte pas les prescriptions de son certificat d\'arrêt de travail, le commandant de formation administrative doit se rapprocher de la direction régionale du service de santé des armées (DRSSA) pour qu\'elle fasse contrôler, par un médecin des armées, le bien-fondé médical du congé de maladie.
En effet, l\'impact psychologique de ces contrôles sur les militaires « tentés » par l\'absentéisme sous couvert médical devrait avoir un caractère fortement dissuasif.
Le militaire qui est déclaré apte au travail lors de ce contrôle médical et qui ne rejoint pas son affectation est considéré en absence irrégulière et supporte les conséquences disciplinaires, voire financières, prévues à cet effet. Si la durée de l\'absence irrégulière dépasse les délais de grâce, le militaire sera déclaré déserteur et aura à en supporter les conséquences pénales.
En outre, les médecins d\'unité, en liaison avec le commandement, sont fondés à signaler aux DRSSA, les situations correspondant à des délivrances de certificats d\'arrêts de travail non justifiés.
Lorsque le caractère abusif d\'un certificat d\'arrêt de travail est avéré, les DRSSA transmettent cette information, dans le cadre de leur exercice de médecine de contrôle, à leurs homologues du contrôle médical de la caisse primaire d\'assurance du lieu d\'exercice des médecins prescripteurs.
La caisse primaire d\'assurance maladie, si elle constate les mêmes abus, a en effet le pouvoir d\'engager à l\'encontre du praticien les procédures prévues par le code de la sécurité sociale (9).
5. Mesure et suivi de l'absentéisme.
5.1. Suivi par le biais des systèmes d'information des ressources humaines.
Il est demandé aux armées et formations rattachées d'exploiter, par le biais des systèmes d'information des ressources humaines (SIRH), les données relatives à l'absentéisme.
Deux indicateurs doivent en particulier être analysés :
- le premier relatif au suivi de l'absence irrégulière ;
- le deuxième relatif au suivi des congés liés à l'état de santé (congés de maladie, congés de longue maladie et congés de longue durée pour maladie).
5.2. Autres suivis.
(Modifié : Directive du 09/03/2010.)
Les DRSSA recensent les contrôles médicaux demandés par les commandants de formation administrative et les résultats de ces contrôles sous forme de tableau annuel. Ce tableau doit faire apparaître notamment :
- le nombre de contrôles demandés par les commandants de formation administrative ;
- le nombre de contrôles médicaux effectivement réalisés, en distinguant les contrôles réalisés sur place des contrôles réalisés sur pièce (10) ;
- le nombre de congés de maladie interrompus à la suite d\'un contrôle médical.
Les bureaux du personnel des formations administratives recensent le nombre de certificats d\'arrêts de travail délivrés ainsi que la durée totale des absences de chacun des militaires de l\'unité qui en résulte.
L\'ensemble de ces éléments statistiques est transmis, sous forme de bilan, le 31 décembre de chaque année, aux états-majors ou directions concernés et à la direction centrale du service de santé des armées.
La présente directive sera publiée au Bulletin officiel des armées.
Notes
Pour le ministre de la défense et par délégation :
Le directeur du cabinet civil et militaire,
Laurent BILI.