LOI N° 55-385 relatif à état d'urgence.
Du 03 avril 1955NOR
L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET LE CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUE ONT DÉLIBÉRÉ,
L'ASSEMBLÉE NATIONALE A ADOPTÉ,
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PROMULGUE LA LOI DONT LA TENEUR SUIT :
Niveau-Titre TITRE PREMIER.
Art. 1er.
(Modifié : ordonnance du 14/05/2009 et loi du 17/05/2011).
L'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, des départements d'outre-mer, des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique.
Art. 2.
(Nouvelle rédaction : ordonnance du 15 /04/1960).
L'état d'urgence est déclaré par décret en Conseil des ministres. Ce décret détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur.
Dans la limite de ces circonscriptions, les zones où l'état d'urgence recevra application seront fixées par décret.
La prorogation de l'état d'urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi.
Art. 3.
(Nouvelle rédaction : ordonnance du 15/04/1960).
La loi autorisant la prorogation au-delà de douze jours de l'état d'urgence fixe sa durée définitive.
Art. 4.
(Nouvelle rédaction : ordonnance du 15/04/1960).
La loi portant prorogation de l'état d'urgence est caduque à l'issue d'un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du gouvernement ou de dissolution de l'Assemblée nationale.
Art. 5.
La déclaration de l'état d'urgence donne pouvoir au préfet dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l'article 2. :
1. D'interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixées par arrêté ;
2. D'instituer, par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ;
3. D'interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics.
Art. 6.
(Complété : loi du 07/08/1955 ; modifié : loi du 17/05/2011).
Le ministre de l'intérieur dans tous les cas peut prononcer l'assignation à résidence dans une circonscription territoriale ou une localité déterminée de toute personne résidant dans la zone fixée par le décret visé à l'article 2. dont l'activité s'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics des circonscriptions territoriales visées audit article.
L'assignation à résidence doit permettre à ceux qui en sont l'objet de résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d'une agglomération.
En aucun cas, l'assignation à résidence ne pourra avoir pour effet la création de camps où seraient détenues les personnes visées à l'alinéa précédent.
L'autorité administrative devra prendre toutes dispositions pour assurer la subsistance des personnes astreintes à résidence ainsi que celle de leur famille.
Art. 7.
(Modifié : loi du 17/05/2011).
Toute personne ayant fait l'objet d'une des mesures prises en application de l'article 5. (3°), ou de l'article 6. peut demander le retrait de cette mesure. Sa demande est soumise à une commission consultative comprenant des délégués du Conseil général désignés par ce dernier.
La composition, le mode de désignation et les conditions de fonctionnement de la commission seront fixés par un décret en Conseil d'État.
Les mêmes personnes peuvent former un recours pour excès de pouvoir contre la décision visée à l'alinéa 1er ci-dessus devant le tribunal administratif compétent. Celui-ci devra statuer dans le mois du recours. En cas d'appel, la décision du Conseil d'État devra, intervenir dans les trois mois de l'appel.
Faute par les juridictions ci-dessus d'avoir statué dans les délais fixés par l'alinéa précédent, les mesures prises en application de l'article 5. (3°) ou de l'article 6. cesseront de recevoir exécution.
Art. 8.
(Modifié : loi du 17/05/2011).
Le ministre de l'intérieur, pour l'ensemble du territoire où est institué l'état d'urgence, et le préfet, dans le département, peuvent ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature dans les zones déterminées par le décret prévu à l'article 2.
Peuvent être également interdites, à titre général ou particulier, les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre.
Art. 9.
Les autorités désignées à l'article 6. peuvent ordonner la remise des armes de première, quatrième et cinquième catégories définies par le décret du 18 avril 1939.
Les armes de la cinquième catégorie remises en vertu des dispositions qui précèdent donneront lieu à récépissé. Toutes dispositions seront prises pour qu'elles soient rendues à leur propriétaire en l'état où elles étaient lors de leur dépôt.
Art. 10.
La déclaration de l'état d'urgence s'ajoute aux cas visés à l'article 1er. de la loi du 11 juillet 1938 sur l'organisation générale de la nation en temps de guerre pour la mise à exécution de tout ou partie des dispositions de ladite loi en vue de pourvoir aux besoins résultant de circonstances prévues à l'article 1er.
Art. 11.
(Modifié : ordonnance du 15/04/1960).
Le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence peuvent par une disposition expresse :
1. Conférer aux autorités administratives visées à l'article 8. le pouvoir d'ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit ;
2. Habiliter les mêmes autorités à prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales.
Les dispositions du paragraphe 1. du présent article ne sont applicables que dans les zones fixées par le décret prévu à l'article 2. ci-dessus.
Art. 12.
(Modifié : lois du 07/08/1955 et du 15/06/2000).
Lorsque l'état d'urgence est institué, dans tout ou partie d'un département, un décret pris sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre de la défense nationale, peut autoriser la juridiction militaire à se saisir de crimes, ainsi que des délits qui leur sont connexes, relevant de la cour d'assises de ce département.
La juridiction de droit commun reste saisie tant que l'autorité militaire ne revendique pas la poursuite et dans tous les cas, jusqu'à l'ordonnance prévue à l'article 133. du code d'instruction criminelle(1). Si, postérieurement à cette ordonnance, l'autorité militaire compétente pour saisir la juridiction militaire revendique cette poursuite, la procédure se trouve, nonobstant les dispositions de l'article 24., dernier alinéa, du code de justice militaire, portée de plein droit devant la chambre des mises en accusation prévue par l'article 68. du code de la justice militaire, lorsque la chambre de l'instruction saisie n'a pas encore rendu son arrêt, soit devant la juridiction militaire compétente ratione loci lorsqu'un arrêt de renvoi a été rendu. Dans ce dernier cas, les dispositions de l'alinéa ci-après sont applicables, et il n'y a pas lieu pour la Cour de cassation, de statuer avant le jugement sur les pourvois qui ont pu être formés contre cet arrêt. Le tribunal militaire est constitué, et statue, dans les conditions fixées aux deux derniers alinéas de l'article 10. du code de justice militaire.
Lorsque le décret prévu à l'alinéa du présent article est intervenu, dans les circonscriptions judiciaires précisées audit décret et pour toutes les procédures déférées à la juridiction militaire, il ne pourra être exercé aucune voie de recours contre les décisions des juridictions d'instruction, y compris l'arrêt de renvoi, à l'exception de l'opposition contre les ordonnances statuant sur une demande de mise en liberté devant la chambre des mises en accusation qui statuera dans la quinzaine. Une nouvelle opposition ne pourra être élevée que contre une ordonnance rendue plus de deux mois après une précédente décision de rejet de la chambre des mises en accusation.
Les pourvois en cassation contre les décisions des juridictions d'instruction ne peuvent être formés qu'après jugement statuant au fond et, s'il y a lieu, en même temps que le pourvoi élevé contre celui-ci. Ils sont portés devant un tribunal militaire de cassation établi par décret en se conformant aux articles 126. à 132. du code de justice militaire et statuant dans les conditions de forme et de fond prévues aux articles 133. à 155. dudit code.
Aucune voie de recours, même en cassation, ne pourra également être exercée contre les décisions des juridictions d'instruction de droit commun statuant sur des faits prévus audit décret à l'exclusion de l'appel devant la chambre des mises en accusation.
Art. 13.
Les infractions aux dispositions des articles 5., 6., 8., 9. et 11. (2°) seront punies d'un emprisonnement de huit jours à deux mois et d'une amende de 11 euros à 3 750 euros ou de l'une de ces deux peines seulement. L'exécution d'office, par l'autorité administrative, des mesures prescrites peut être assurée nonobstant l'existence de ces dispositions pénales.
Art. 14.
Les mesures prises en application de la présente loi cessent d'avoir effet en même temps que prend fin l'état d'urgence.
Toutefois, après la levée de l'état d'urgence, les tribunaux militaires continuent de connaître des crimes et délits dont la poursuite leur avait été déféré.
Niveau-Titre Titre II.
Art. 15.
(Abrogé : loi du 17/05/2011).
Art. 16.
(Abrogé : loi du 17/05/2011).
Art. 17.
(Créé : Ordonnance du 14/05/2009).
Pour l'application de la présente loi :
a) À Mayotte :
1. La référence au département est remplacée par la référence à Mayotte ;
2. La référence au préfet est remplacée par la référence au représentant de l'État à Mayotte ;
3. À l'article 5., les mots : « dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l'article 2. » sont remplacés par les mots : « lorsque Mayotte est compris en tout ou partie dans une circonscription prévue à l'article 2. » ;b) À Saint-Barthélemy :
1. La référence au département est remplacée par la référence à Saint-Barthélemy ;
2. La référence au préfet est remplacée par la référence au représentant de l'État à Saint-Barthélemy ;
3. La référence au conseil général est remplacée par la référence au conseil territorial ;
4. À l'article 5., les mots : « dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l'article 2. » sont remplacés par les mots : « lorsque Saint-Barthélemy est compris en tout ou partie dans une circonscription prévue à l'article 2. » ;c) À Saint-Martin :
1. La référence au département est remplacée par la référence à Saint-Martin ;
2. La référence au préfet est remplacée par la référence au représentant de l'État à Saint-Martin ;
3. La référence au conseil général est remplacée par la référence au conseil territorial ;
4. À l'article 5., les mots : « dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l'article 2. » sont remplacés par les mots : « lorsque Saint-Martin est compris en tout ou partie dans une circonscription prévue à l'article 2. » ;d) À Saint-Pierre-et-Miquelon :
1. La référence au département est remplacée par la référence à Saint-Pierre-et-Miquelon ;
2. La référence au conseil général est remplacée par la référence au conseil territorial ;
3. À l'article 5., les mots : « au préfet dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l'article 2. » sont remplacés par les mots : « au préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon, lorsque Saint-Pierre-et-Miquelon est compris en tout ou partie dans une circonscription prévue à l'article 2. » ;e) Dans les îles Wallis et Futuna :
1. La référence au département est remplacée par la référence aux îles Wallis et Futuna ;
2. La référence au préfet est remplacée par la référence à l'administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna ;
3. La référence au conseil général est remplacée par la référence à l'assemblée territoriale ;
4. À l'article 5., les mots : « dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l'article 2. » sont remplacés par les mots : « lorsque les îles Wallis et Futuna sont comprises en tout ou partie dans une circonscription prévue à l'article 2. » ;f) En Polynésie française :
1. La référence au département est remplacée par la référence à la Polynésie française ;
2. La référence au préfet est remplacée par la référence au haut-commissaire de la République en Polynésie française ;
3. La référence au conseil général est remplacée par la référence à l'assemblée de la Polynésie française ;
4. À l'article 5., les mots : « dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l'article 2. » sont remplacés par les mots : « lorsque la Polynésie française est comprise en tout ou partie dans une circonscription prévue à l'article 2. » ;g) En Nouvelle-Calédonie :
1. La référence au département est remplacée par la référence à la Nouvelle-Calédonie ;
2. La référence au préfet est remplacée par la référence au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ;
3. La référence au conseil général est remplacée par la référence au congrès de la Nouvelle-Calédonie ;
4. À l'article 5., les mots : « dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l'article 2. » sont remplacés par les mots : « lorsque la Nouvelle-Calédonie est comprise en tout ou partie dans une circonscription prévue à l'article 2. ».
La présente loi sera exécutée comme loi de l'État.
Fait à Paris, le 3 avril 1955.
René COTY.
Par le Président de la République :
Le président du conseil des ministres,
Edgar FAURE.
Le ministre délégué à la présidence du conseil,
Gaston PALEWSKI.
Le garde de sceaux, ministre de la justice.
SCHUMAN.
Le ministre des affaires étrangères,
Antoine PINAY.
Le ministre de l'intérieur,
Maurice BOURGES-MAUNOURY.
Le ministre de la défense nationale et des forces armées,
Pierre KNIG.
Le ministre des finances et des affaires économiques,
Pierre PFLIMLIN.
Le ministre des travaux publics, des transports et du tourisme,
Édouard CORNIGLION-MOLINIER.
Le ministre de l'industrie et du commerce,
André MORICE.
Le ministre de l'agriculture,
Jean SOURBET.
Le ministre de la santé publique et de la population,
Bernard LAFAY.
Le ministre de la marine marchande,
Paul ANTIER.
Le ministre des postes, télégraphes et téléphones,
Édouard BONNEFOUS.