> Télécharger au format PDF
ÉTAT-MAJOR DE L'ARMÉE DE TERRE : bureau politique des ressources humaines

INSTRUCTION N° 300009/DEF/EMAT/CAB/CEMAT relative aux dépistages à l'initiative de l'autorité militaire de la consommation excessive d'alcool et de l'usage de produits stupéfiants applicables au personnel de l'armée de terre.

Du 05 octobre 2011
NOR D E F T 1 1 5 1 9 0 2 J

Préambule.

La consommation d'alcool ou l'usage de produits stupéfiants altère les facultés mentales et physiques.

L'ivresse et l'usage de produits stupéfiants ou de médicaments détournés de leur usage ne sont pas compatibles avec le métier de militaire, lequel exige une maîtrise de soi et une capacité permanente d'évaluation du danger. Certaines activités spécifiques requièrent, en outre, à l'égard de l'alcool une abstinence préalable stricte.

Les sujétions particulières de la fonction militaire permettent de soumettre l'ensemble des militaires au dépistage de consommation de stupéfiants ou d'alcool.

1. Principes généraux.

1.1. Le fondement légal du dépistage.

Le code de la défense en son article L. 4132-1. dispose que « nul ne peut être militaire s\'il ne présente les aptitudes exigées pour l\'exercice de la fonction ». Le conseil d\'État (avis n° 373.397 du 26 octobre 2006 (1)) a reconnu au ministre de la défense le pouvoir d\'instituer des dépistages d\'une consommation de stupéfiants ou de médicaments détournés de leur usage ou d\'une consommation excessive d\'alcool. Par conséquent, le commandement est fondé à réaliser des dépistages de l\'usage de drogue et de l\'alcoolémie.

L\'instruction n° 5549/DEF/CAB du 19 avril 2007 organise ce pouvoir de dépistage selon qu\'il est à l\'initiative de l\'autorité militaire ou du service de santé des armées (SSA). La présente instruction traite des modalités d\'application du dépistage à l\'initiative de l\'autorité militaire au sein de l\'armée de terre.

1.2. Objectif du contrôle.

Le contrôle effectué par le commandement sous forme de dépistage des produits psychotropes et toxiques a pour objectif :

  • d'assurer la sécurité de l'exercice du métier pour l'individu contrôlé et pour les tiers qu'ils soient militaires ou civils ;
  • de prévenir tout individu du danger que sa consommation représente pour lui-même.

Aucun dépistage ordonné par le commandement ne doit avoir pour objet la détermination de l'aptitude médicale du militaire concerné.

Le dépistage de commandement n'a pas pour objectif immédiat d'initier une prise en charge thérapeutique, néanmoins l'intéressé peut-être orienté vers le service de santé.

1.3. La légitimité de la sanction.

Le commandement est fondé à prononcer des sanctions disciplinaires à l\'encontre des militaires qui ont commis des fautes, en service ou hors service,  liées à l\'abus d\'alcool ou à l\'usage de produits stupéfiants, car elles entachent gravement la réputation et la considération du militaire. La liste des substances classées comme stupéfiants est fixée par arrêté du 22 février 1990 (A) cité en référence.

1.4. Les modes de dépistage.

Deux modes de dépistage sont à la disposition du commandement :

  • un dépistage à visée préventive, individuel ou collectif permettant au commandement de s\'assurer que le personnel concerné est en mesure de tenir son emploi sans mettre en jeu la sécurité, qu\'il s\'agisse de sécurité routière, de sécurité au travail ou de sécurité du personnel subordonné ;
  • un dépistage de vérification, réalisé lorsque le commandement constate le comportement anormal d\'un individu à propos de sa consommation probable de toxiques ou d\'alcool. Ce dépistage a pour objet de confirmer la présence des substances concernées.

Ces modes de dépistages sont différents de ceux qui peuvent être pratiqués par le service de santé des armées à la demande du commandement : dépistage systématique, dépistage ciblé, dépistage aléatoire, dont les modalités sont explicitées par l\'instruction n° 5549/DEF/CAB du 19 avril 2007. Le dépistage systématique effectué avant l\'engagement définitif, et lors de la visite d\'aptitude périodique en vue d\'occuper certains emplois, est défini pour l\'armée de terre par l\'instruction n° 812/DEF/EMAT/PRH/EG/SO/MDR du 6 mai 2004, modifiée. Le résultat du dépistage pratiqué par le service de santé des armées ne peut être communiqué au commandement que sous la forme d\'une appréciation de l\'aptitude médicale.


2. Les conditions du dépistage.

2.1. Les conditions matérielles.

Les tests de dépistage mis en œuvre au sein de l\'armée de terre par l\'autorité militaire sont ceux définis par la norme française (NF) en vigueur en matière d\'alcoolémie et ceux préconisés par le service de santé des armées en matière de dépistage d\'usage de drogue. Les moyens de dépistage peuvent être fournis par le service de santé des armées ou obtenus auprès d\'organismes privés. Le personnel habilité à réaliser un dépistage est celui désigné par le commandant de la formation, à l\'exclusion du personnel relevant du service de santé des armées ou du personnel du service médical de l\'unité.

2.2. Les conditions juridiques.

Afin que le contrôle ne puisse pas être contesté, le cadre juridique suivant doit être respecté :

  • un dépistage ne peut être effectué sur une personne à son insu ;
  • un dépistage peut être inopiné ;
  • un dépistage est ordonné soit sur la base de la constatation d\'un comportement anormal, laissé à l\'appréciation du commandement, soit dans un cadre préventif lié aux conditions d\'exercice du métier ;
  • un dépistage est limité au seul objet pour lequel il a été institué (par exemple un dépistage de commandement ne peut être utilisé à des fins médicales) ;
  • le personnel doit être informé des substances prohibées.

Le dépistage peut être réalisé en tout lieu en situation de service quel que soit le mode de dépistage. Toutefois, hors service à l\'intérieur des enceintes militaires, seul le dépistage de vérification peut être ordonné sur la base de la constatation d\'un comportement anormal. En revanche aucun contrôle ne peut être ordonné sur le personnel se trouvant en situation hors service et en dehors des enceintes militaires. Le comportement des militaires dans ce dernier cas de figure ressort des dispositions légales auxquelles tout citoyen doit se conformer, mais n\'est pas exclusif d\'une sanction disciplinaire en cas d\'infraction.

3. La responsabilité du commandement.

3.1. Le rôle du commandement.

Le commandement est responsable du respect de la discipline et doit veiller à la sécurité dans l\'exécution du service. À ce titre, à tous les niveaux hiérarchiques, il s\'assure que le personnel militaire est en pleine possession de ses moyens pour tenir son emploi ; à défaut ou en cas de soupçon, le commandement est alors fondé à prendre des mesures de précaution provisoires et à réaliser des actions de dépistage de la drogue ou de l\'alcoolémie. L\'aptitude médicale à l\'emploi et au service est appréciée uniquement par le service de santé des armées.

Le commandement assure un rôle actif en matière de prévention, afin de se prémunir contre le développement dans l\'armée de terre du phénomène de la toxicomanie et de la consommation excessive d\'alcool. Pour cela :

  • il met en œuvre toutes les mesures adéquates pour informer le personnel militaire sur les risques sanitaires et de sécurité ainsi que sur les conséquences disciplinaires que représente une consommation excessive d\'alcool ou l\'usage même occasionnel de produits psycho-actifs. Les cadres feront tout particulièrement l\'objet d\'une information régulière sur les principes énoncés par la présente instruction ;
  • il doit encourager le militaire fautif à suivre un stage de sensibilisation prévu par la législation (cf. loi n° 2007-297 du 5 mars 2007(B) relative à la prévention de la délinquance). Dans ce cadre, et sans préjuger des initiatives internes, le commandement doit s\'attacher à instaurer des relations avec les organismes locaux extérieurs à la défense et susceptibles de participer à ces stages ou de les organiser.

Enfin, il exerce une répression rigoureuse à l\'égard des contrevenants, en mettant en œuvre les sanctions disciplinaires appropriées. Il peut solliciter le concours de la gendarmerie nationale ou de toute autre autorité compétente, pour mener les contrôles, avec toutes les conséquences pénales éventuelles que cela implique pour les individus sujets du contrôle.

3.2. Le règlement de service intérieur de la formation administrative.

Ce document constitue l\'outil permettant de communiquer au personnel militaire de la formation la liste des produits prohibés (produits stupéfiants ou médicaments détournés de leur usage) ou pouvant mettre en cause son aptitude médicale. Aucun militaire ne peut ainsi prétendre ignorer les sujétions auxquels il est soumis. À cet égard, le point suivant devra être inséré au règlement du service intérieur des formations :

  • « il est interdit de consommer, sans prescription médicale, les substances suivantes : le cannabis, les opiacés, les amphétamines et leurs dérivés, la cocaïne et ses dérivés, l\'acide lysergique diéthylamide (LSD) ou toute autre substance mentionnée dans l\'arrêté du 22 février 1990 (A) . ».

3.3. La fiche individuelle d'appétence pour les toxiques.

Le commandant de la formation établit (ou complète s\'il y a récidive) une fiche individuelle d\'appétence aux toxiques (FIAT) pour un militaire dont l\'usage de drogue ou l\'ivresse répétée a été mis en évidence.

La FIAT relate les faits reprochés et précise la catégorie dans laquelle est classé le personnel (cf. annexes I. et II.). Elle est personnellement communiquée à l\'intéressé et conservée selon la procédure décrite en annexes I. et II., en particulier lors des changements d\'affectation. La FIAT est détruite à l\'expiration du délai prévu (1 an ou 5 ans) qui peut être réduit de moitié si l\'intéressé accepte de suivre un stage de sensibilisation (annexe III.).

L\'ivresse répétée ou tout dépistage de toxiques dont le résultat est positif donne lieu à l\'établissement d\'une FIAT, qui ne se substitue pas à la procédure disciplinaire. La FIAT est un outil pédagogique distinct de la sanction. Toute sanction disciplinaire infligée pour des motifs liés à la consommation d\'alcool ou de drogue implique l\'établissement d\'une FIAT.

Ce document, conservé sous pli « confidentiel » dans le dossier du personnel, constitue pour le militaire qui en est l\'objet une incitation à ne pas récidiver et à modifier son comportement.

Dès lors, la FIAT offre l\'opportunité au commandement local, par une approche nouvelle, d\'avoir une vision objective et globale de la situation du personnel de sa formation. Toutefois les FIAT ne pourront pas faire l\'objet d\'un traitement automatisés ou de tout autre fichier sous quelque forme que ce soit.

La FIAT constitue un élément d\'appréciation supplémentaire à la disposition du commandant de la formation pour tous les actes de gestion.

4. Les conséquences disciplinaires.

Les conséquences de l\'état d\'ébriété sur l\'emploi sont soumises à l\'appréciation du commandement, et le personnel concerné peut être sanctionné sans confirmation médicale préalable.

Les comportements et agissements déviants relevés en-dehors du service et à l\'extérieur d\'un établissement militaire peuvent être sanctionnés sur le plan disciplinaire conformément à l\'instruction n° 200690/DEF/SGA/DFP/FM/1 du 30 mai 2006 ; la motivation en droit des faits pouvant, par exemple, être celle de l\'atteinte à la dignité militaire ou au renom de l\'armée.

Tout militaire refusant de se soumettre à un dépistage d\'une consommation de stupéfiants ou d\'alcool ordonné par le commandement peut faire l\'objet d\'une sanction disciplinaire.

5. Les dispositions particulières.

5.1. Personnel de la réserve.

Soumis au règlement de discipline générale (cf.. art. L. 4143-1. du code de la défense), le personnel de la réserve opérationnelle peut faire l\'objet de dépistages dans le cadre des périodes d\'activité.

5.2. Personnel civil.

L'ivresse ou l'usage de produits stupéfiants, dûment constatés, constituent à eux seuls des comportements susceptibles d'entraîner une sanction disciplinaire.

La mise en oeuvre des procédures de contrôle de l'imprégnation alcoolique ou de dépistage de drogue précisées par la présente instruction s'effectue, le cas échéant et si nécessaire, localement à l'issue d'une concertation entre l'autorité militaire, la commission d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le médecin de prévention.

6. Texte abrogé.

L\'instruction n° 300009/DEF/EMAT/CAB/CEMAT du 15 janvier 2009 relative aux dépistages à l\'initiative de l\'autorité militaire de la consommation excessive d\'alcool et de l\'usage de produits stupéfiants applicables au personnel de l\'armée de terre, est abrogée.

Pour le ministre de la défense et des anciens combattants et par délégation :

Le général d'armée,
chef d'état-major de l'armée de terre,

Bertrand RACT-MADOUX.

Annexes

ANNEXE I. Fiche individuelle d'appétence pour les toxiques - Alcool.

ANNEXE II. Fiche individuelle d'appétence pour les toxiques - Drogue.

ANNEXE III. STAGES DE SENSIBILISATION AUX MéFAITS DE LA DROGUE OU DE L'ALCOOL.

L\'objet d\'un stage de sensibilisation est de faire évoluer le comportement des individus. Il s\'agit de la manifestation de la volonté de l\'intéressé de ne pas récidiver et d\'abandonner ses habitudes de consommation ou de renoncer aux écarts occasionnels. Ce dispositif est initié par le suivi individualisé de la FIAT.

La participation à un stage permet au militaire de réduire de moitié la durée de suivi particularisé mis en place avec la FIAT.

Les stages de sensibilisation aux méfaits de la drogue et de l\'alcool sont proposés aux contrevenants et mis en place dans les conditions suivantes :

  • ils sont délivrés par des organismes extérieurs au ministère de la défense spécialisés dans ce type d\'action avec le concours :
    • de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) ;
    • des chefs de projet départementaux de lutte anti-drogue désignés par les préfets dans chaque département ;
    • des associations de lutte contre l\'alcoolisme ;
  • le temps passé dans ces stages est pris en dehors des heures de service ;
  • le militaire prend à sa charge une partie du coût du stage.

Cela ne préjuge pas de stages qui seraient organisés et financés par le ministère de la défense, que l\'individu pourrait suivre pendant les heures de service.