INSTRUCTION N° 0-24338-2011/DEF/EMM/AEM relative à l'habilitation des officiers de la marine à rechercher et constater des infractions en matière de lutte contre la piraterie, le trafic de stupéfiants ou de migrants en mer.
Du 03 octobre 2011NOR D E F B 1 1 5 1 9 5 5 J
Préambule.
La loi n° 2011-13 du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l\'exercice des pouvoirs de police de l\'État en mer a modifié les textes législatifs visés en références a) et b). L\'étendue des infractions pénales que des officiers de la marine peuvent être habilités à constater, ainsi qu\'à en rechercher et appréhender les auteurs, s\'en trouve modifiée.
La présente instruction a pour but de rappeler l\'objet et l\'étendue de cette habilitation prévue par la loi et les règlements [références b), c), d) et e) (1)] tout en précisant les modalités pratiques de la procédure d\'habilitation. Elle rend caduque la lettre citée en réference f) (2).
1. CHAMP D'APPLICATION DES HABILITATIONS.
1.1. Des différents types de pouvoirs de police.
Deux types de pouvoirs peuvent être conférés aux militaires de la marine nationale (officiers et officiers mariniers) par les lois et règlements : ceux ayant trait à l\'exercice de la police administrative en mer et ceux relatifs à la police judiciaire.
Les pouvoirs de police administrative donnent la capacité aux commandants des bâtiments et des aéronefs de l\'État de faire respecter les textes de droit applicables à une situation donnée. Concrètement, ces pouvoirs permettent d\'exécuter l\'approche puis la reconnaissance d\'un navire, d\'ordonner l\'envoi à son bord d\'une équipe de visite pour procéder à une enquête de pavillon et, ou le déroutement d\'un navire.
L\'exercice des pouvoirs de police administrative est généralement synonyme de contrainte pour le navire contre lequel ils s\'exercent. Des mesures de coercition peuvent être appliquées aux personnes.
Ils s\'exercent sous la responsabilité du préfet maritime ou du délégué du gouvernement pour l\'action de l\'État en mer outre-mer.
Les pouvoirs de police judiciaire sont liés à la commission d\'une infraction. Ils visent principalement à rechercher ou constater une infraction et à rechercher et appréhender leur(s) auteur(s). Ils recouvrent aussi les mesures conservatoires liées à la préservation des éléments constitutifs de l\'infraction (une saisie par exemple).
Ils s\'exercent sous la responsabilité du procureur de la République.
1.2. Des différentes habilitations.
Les officiers ou officiers mariniers peuvent recevoir des habilitations ès fonctions, eu égard à leur qualité de commandant ou de commandant en second d\'un bâtiment de l\'État, ou encore de commandant d\'un aéronef de l\'État, chargé de la surveillance en mer. C\'est le cas de toutes les habilitations de police administrative et de la plupart des habilitations de police judiciaire.
Les habilitations peuvent aussi être nominatives. Elles sont dans ce cas délivrées par une autorité administrative. Elles concernent les officiers mariniers dans le domaine de la police des pêches mais également les habilitations de police judiciaires propres à trois infractions : la piraterie, le trafic de stupéfiants et celui de migrants en mer.
La présente instruction ne concerne que ces trois dernières habilitations, prévues par les articles 4., 16. et 23. de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 modifiée. Elles seules sont soumises à un formalisme particulier, fixé par les décrets en Conseil d\'État c), d), et e) (1).
2. Personnes concernées par les habilitations.
Les décrets relatifs à la lutte contre le trafic de stupéfiants et de migrants d\'une part, et celui relatif à la lutte contre la piraterie d\'autre part, emploient une terminologie différente pour désigner les titulaires de certaines fonctions ou officiers de certains corps qui peuvent recevoir une habilitation nominative. En pratique, seuls des officiers peuvent être habilités.
Les gendarmes maritimes, déjà titulaires d\'une habilitation d\'officier et d\'agent de police judicaire ne sont pas concernés par ces dispositions.
2.1. Officiers devant être habilités.
Les officiers suivants doivent systématiquement faire l\'objet d\'une demande d\'habilitation auprès de l\'autorité compétente, au titre de la lutte contre les trois infractions mentionnées :
les commandants et commandants en second d\'éléments navals susceptibles de naviguer hors des eaux territoriales ;
à bord de ces mêmes éléments navals :
le commissaire de la marine affecté à bord ;
l\'officier de spécialité fusilier ;
à défaut, l\'officier exerçant auprès du commandant les fonctions relatives à la sûreté et à la protection de l\'élément naval ;
les commandants de bord des aéronefs de l\'État, chargés de la surveillance en mer. En pratique, cela concerne tous les officiers affectés dans les flottilles, dès lors que la surveillance des espaces maritimes fait partie des missions de l\'unité - ce qui exclut les avions de chasse - et qu\'ils sont susceptibles d\'y prendre part en tant que commandant d\'aéronef.
2.2. Officiers pouvant être habilités.
Les commandants et commandants en second des sous-marins.
Les officiers mis pour emploi à bord d\'un bâtiment de l\'État, quelle qu\'en soit l\'administration. Il peut s\'agir d\'officiers (y compris de réserve) de spécialité fusilier ou commissaires de la marine, d\'administrateurs ou d\'officiers du corps technique et administratif des affaires maritimes, lorsqu\'ils prennent part à une mission à bord d\'un bâtiment de l\'État, relevant de la marine ou d\'une autre administration.
Les officiers des autres armées exerçant la fonction de commandant de bord d\'un aéronef chargé de la surveillance maritime. Cela peut notamment être le cas avec les aéronefs embarqués ou les hélicoptères outre-mer.
Il revient au commandant de zone maritime d\'inviter l\'autorité organique compétente à formuler une demande d\'habilitation pour les officiers mentionnés à ce point, en fonction de son appréciation des menaces et de la capacité de l\'élément à intégrer un dispositif aéromaritime de lutte contre la piraterie, le trafic de stupéfiants ou de migrants.
La demande d\'habilitation peut ne concerner qu\'un type d\'infraction en particulier.
3. Procédure d'habilitation.
La possession et la capacité de présenter l\'habilitation réglementaire lors des opérations de lutte contre la piraterie, le trafic de stupéfiants ou de migrants en mer est une condition substantielle de validité de la procédure judiciaire qui suivra. Le fait de ne pas la joindre au procès verbal ou le défaut d\'habilitation font encourir la nullité de la procédure, sauf en cas de réquisition expresse du procureur de la République.
Par anticipation, il convient de demander l\'habilitation des officiers mentionnés au point 2.1. dès le début de leur affectation.
L\'habilitation individuelle est délivrée par le préfet maritime en métropole ou le délégué du gouvernement pour l\'action de l\'État en mer outre-mer, dans le ressort duquel est située la résidence administrative de la personne à habiliter. Cela correspond à sa formation d\'affectation ou au lieu d\'affectation de son détachement permanent.
Il convient de préciser que la nouvelle rédaction de l\'article D. 3223-54. du code de la défense ouvre la possibilité aux commandants de zone maritime des zones ne ressortissant pas de la compétence d\'un préfet maritime ou d\'un délégué du gouvernement pour l\'action de l\'État en mer, de délivrer des habilitations. Cela ne concerne que les officiers des éléments navals affectés à titre permanent dans leurs zones.
La demande d\'habilitation est adressée au préfet maritime ou au délégué du gouvernement pour l\'action de l\'État en mer par l\'autorité organique ou localement, par le commandant en sous-ordre de l\'autorité organique. Les commandants en sous-ordre rendent nécessairement compte des demandes d\'habilitations qu\'ils formulent et de la suite qui leur est donnée aux autorités organiques pour le compte desquelles ils agissent.
Il appartient à chaque autorité organique d\'entretenir la liste des officiers habilités au sein de leur force.
Conformément à l\'article 776. alinéa 1 du code de procédure pénale (3), le préfet maritime ou le délégué du gouvernement pour l\'action de l\'État en mer se fera délivrer le bulletin n° 2 du casier judiciaire de la personne à habiliter. L\'autorité administrative dispose d\'une compétence discrétionnaire pour refuser de délivrer une habilitation à un officier dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire ne serait pas vierge.
La délivrance de l\'habilitation ne requiert pas l\'assentiment de l\'autorité judiciaire. Toutefois, le préfet maritime ou le délégué du gouvernement pour l\'action de l\'État en mer informe les procureurs près le tribunal de grande instance et la cour d\'appel dans le ressort desquels ils se trouvent.
Un modèle de décision d\'habilitation est donné en annexe I.
4. Validité et effets de l'habilitation.
Une fois délivrée, l\'habilitation demeure valable quelque soit la zone maritime dans laquelle elle est amenée à produire des effets. La fin d\'affection ou la perte de la qualité pour laquelle l\'officier était habilité met fin, de fait, à l\'habilitation. Une condamnation pénale inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire d\'un officier habilité ne met pas automatiquement fin à l\'habilitation. Toutefois, lorsque le commandement a connaissance de la condamnation pour des faits délictueux ou criminels de l\'un de ses officiers habilités, il est tenu d\'en avertir le préfet maritime ou le délégué du gouvernement pour l\'action de l\'État en mer ayant délivrée l\'habilitation. Ce dernier dispose alors d\'une compétence discrétionnaire pour maintenir, ou retirer, l\'habilitation initialement consentie. D\'une manière générale, l\'autorité administrative compétente peut révoquer à tout moment l\'habilitation qu\'elle a délivrée.
Lorsque plusieurs officiers sont habilités à bord d\'un même élément naval, le choix de l\'agent chargé de procéder aux constations d\'infractions, de rechercher et d\'appréhender leur(s) auteur(s) demeure en tout temps de la responsabilité du commandant de cet élément. Une fois ce choix opéré, il convient de considérer qu\'en vue de l\'exercice de sa compétence judiciaire, cet agent est placé immédiatement sous l\'autorité du procureur de la République, responsable des actes de police judiciaire qui serviront à la procédure ultérieure.
Conformément aux articles 4., 16. et 23. de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 modifiée, les officiers habilités en matière de lutte contre la piraterie, le trafic de stupéfiants et de migrants en mer peuvent, sous l\'autorité du procureur de la République :
constater des infractions et les consigner dans un procès-verbal qui fera foi jusqu\'à preuve du contraire ;
rechercher et appréhender le ou les auteurs desdites infractions.
Nota. L\'appréhension doit ici être entendue au sens juridique du terme. L\'appréhension physique de l\'auteur d\'une infraction peut être effectuée par les membres de l\'équipe de visite, sous la responsabilité de l\'officier habilité.
Ils peuvent également, sur autorisation expresse du procureur de la République, transmise par tout moyen :
procéder à la saisie des objets et documents liés aux infractions en matière de piraterie ;
procéder à des perquisitions et à des saisies de produits stupéfiants ou de tout objet lié à la commission d\'une infraction à la législation sur les stupéfiants ou constitutive d\'un trafic de migrant. Le procureur de la République peut autoriser ces perquisitions en dehors des heures prévues par le code de procédure pénale.
En cas d\'extrême urgence, les officiers habilités peuvent agir sans attendre l\'autorisation du procureur de la République. Il lui est rendu compte sans délai des actes accomplis.
5. Dispositions diverses.
La présente instruction sera publiée au Bulletin officiel des armées.
La lettre n° 0-50297-2007/DEF/EMM/AEM du 25 juillet 2007 (2) relative à l\'habilitation des officiers de la marine à rechercher et constater les infractions en matière de trafic de stupéfiants ou de migrants commises en mer est abrogée.
Pour le ministre de la défense et des anciens combattants et par délégation :
Le contre-amiral,
autorité de coordination de la fonction garde-côtes et des affaires internationales,
Georges BOSSELUT.