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DIRECTION CENTRALE DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES : Bureau études générales ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES : Division organisation-logistique

INSTRUCTION N° 175/DEF/EMA/OL/2 - N° 237/DEF/DCSSA/ETG relative au secret professionnel médical dans les armées.

Du 26 janvier 1982
NOR

Préambule.

Les personnels militaires et civils des armées sont non seulement soumis à l'impératif de discrétion professionnelle résultant de leurs statuts spécifiques mais aussi aux dispositions du code pénal visant le secret professionnel médical qui leur font obligation de ne rien révéler des secrets médicaux venus à leur connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leur activité spécifique.

C'est dire que la portée des obligations du secret médical dans les armées s'étend bien au-delà des personnels appartenant au service de santé. En outre, les caractéristiques propres à l'exercice de la médecine au sein des armées confèrent au secret médical certaines particularités que traduit l'article 45 du décret du 16 janvier 1981 , fixant les règles de déontologie applicables aux médecins et aux pharmaciens chimistes des armées.

C'est pourquoi la présente instruction pose les conditions spécifiques de mise en œuvre du secret médical dans les armées :

  • en définissant d'abord les différentes catégories de personnels des armées soumis aux obligations du secret médical ;

  • en précisant, ensuite et surtout, la conduite à tenir dans les diverses circonstances où le secret médical peut être invoqué, notamment dans le cadre des rapports du médecin des armées avec son chef de corps, avec ses malades ou avec des tiers demandeurs de renseignements médicaux.

1. Fondement juridique et étendue des obligations du secret professionnel médical et de ses dérogations légales et jurisprudentielles.

1.1. Fondement juridique du secret professionnel médical.

Le secret professionnel médical tire son fondement des dispositions de l'article 378, alinéa 1, du code pénal :

« Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession ou par fonctions temporaires ou permanentes des secrets qu'on leur confie qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateur, auront révélé des secrets seront punis d'un emprisonnement… »

1.2. Étendue des obligations du secret professionnel médical.

  21. Les faits couverts par le secret professionnel médical.

L'obligation du secret professionnel s'analyse comme l'interdiction posée par la loi, qui s'impose non seulement à tous les membres d'une profession médicale ou paramédicale mais aussi à toutes autres personnes dépositaires de secrets médicaux du fait de leur activité, de rien révéler de ce qui est venu à leur connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leur profession ou activité.

Cette interdiction porte non seulement sur les faits médicaux qui leur ont été confiés, mais également sur ce qu'ils ont vu, entendu, découvert ou compris dans le cadre de leur profession ou de leur activité, même s'il s'agit de faits connus ou susceptibles de l'être.

  22. Le personnel des armées assujetti au secret professionnel médical.

Dans les armées sont assujettis aux obligations du secret professionnel médical tous les personnels qui exercent, même à titre temporaire, une activité médicale, paramédicale, médico-administrative ou de gestion de dossiers médicaux ou de dossiers contenant des informations médicales, ainsi que les personnels ayant, du fait de leurs fonctions, connaissance de secrets médicaux.

Ces obligations visent particulièrement :

  • 1. Les médecins des armées et les médecins civils conventionnés par les armées, qui doivent les uns et les autres appliquer de façon active les obligations du secret médical.

  • 2. Les pharmaciens chimistes et chirurgiens-dentistes des armées, les officiers du corps technique et administratif du service de santé des armées, les militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées, les sous-officiers, officiers mariniers et les militaires du rang occupant une fonction paramédicale ou médico-administrative.

  • 3. Les autorités hiérarchiques qui, soit dans les conditions visées aux articles 5 et 6 de la présente instruction, soit sur les bâtiments de la marine à la mer dépourvus de médecin et du fait des responsabilités qui leur incombent alors en matière d'hygiène et d'état de santé de leur équipage, peuvent devenir dépositaires de secrets médicaux qui leur sont confiés ou sont venus à leur connaissance.

  • 4. Les personnels militaires et civils des armées qui assistent les médecins dans leurs tâches ou accomplissent des fonctions de secrétariat, notamment dans les hôpitaux des armées, dans les centres médicaux et infirmeries relevant de chacune des armées ainsi que dans tous les bureaux de l'administration centrale, du service national, et des services extérieurs du ministère chargé des armées et qui sont appelés à connaître ou traiter des dossiers médicaux.

1.3. Les dérogations légales et jurisprudentielles au secret médical.

  31. Les dérogations légales.

Le respect du secret professionnel médical est une obligation légale et d'ordre public qui s'impose à tous les personnels visés à l'article 2 ci-dessus, « hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateur ».

C'est pourquoi un certain nombre de dérogations légales au secret médical ont été rendues nécessaires, dans les cas envisagés, par l'existence d'un intérêt collectif supérieur à celui de l'individu. La liste et le contenu de ces dérogations légales sont donnés en annexe à la présente instruction.

  32. Les dérogations jurisprudentielles.

En raison du nombre réduit de ces dérogations légales, les tribunaux de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif ont été amenés dans leurs jugements, devant le silence ou les insuffisances de la loi, à prendre des décisions qui délimitent l'étendue et la portée du secret médical.

Ces dérogations jurisprudentielles concernent notamment la mise en œuvre du secret professionnel médical vis-à-vis des malades, des tiers, des administrations et des juridictions judiciaires ou administratives ainsi que le partage du secret professionnel entre médecins. Les dispositions de l' instruction technique 230 /DEF/DCSSA/ETG du 30 décembre 1980 relative au secret professionnel médical des médecins des armées s'appuient largement sur les dérogations de cette nature.

2. Rapports du médecin d'unité et de son chef hiérarchique, au regard des obligations du secret professionnel médical.

2.1. Le secret professionnel du médecin d'unité dans sa fonction de médecin traitant.

L'existence d'une relation de confiance totale entre le médecin et ses malades conditionne l'exercice de la médecine de soins dans les unités. C'est pourquoi, en présence de patients dont l'état de santé ne présente pas d'implications statutaires ou réglementaires ni de conséquences sur la mission ou la sécurité de l'unité, le médecin d'unité doit respecter scrupuleusement les dispositions légales visant le secret médical dont l'observation stricte renforce la confiance que lui accorde le personnel.

Les prescriptions de traitement, billets de consultation ou d'hospitalisation rédigés par le médecin d'unité, la correspondance d'ordre purement médical, tout comme les constatations cliniques et renseignements techniques consignés sur les registres, dossiers et documents médicaux qu'il détient et renseigne en vertu de dispositions réglementaires, sont couverts par le secret médical et échappent à tout visa de son chef hiérarchique.

Enfin, lorsqu'un militaire est, notamment, adressé à une consultation d'hygiène mentale soit de sa propre initiative, soit sur les conseils de son médecin d'unité ou de ses chefs, sa démarche doit être protégée par le secret médical vis-à-vis de l'institution militaire lorsqu'elle n'entraîne pas de conséquence sur la situation statutaire ou réglementaire du militaire en cause. Cette attitude s'impose aussi bien dans l'intérêt de ce militaire que dans celui de la collectivité à laquelle il appartient ; elle implique qu'aucune mention de cette consultation n'apparaisse sur un document administratif.

Par exception à ces dispositions et en vertu des dérogations légales au secret médical, notamment celles de l'article 5 de la loi no 55-356 du 3 avril 1955 (BO/G, p. 2225), visant l'instruction des pensions militaires d'invalidité, les renseignements médicaux que le médecin d'unité porte sur les documents portant constatations d'une blessure, maladie ou infirmité survenue pendant ou à l'occasion du service (registre des constations, certificats d'origine de blessures ou de maladies, etc.) peuvent être communiqués aux chefs hiérarchiques et au personnel administratif des corps chargé de constituer et d'instruire les dossiers de demande de pension militaire d'invalidité.

2.2. Le secret professionnel du médecin d'unité dans sa fonction de médecin expert.

  51. Expertises exclusives de toute action thérapeutique.

Le médecin des armées exerce sa fonction d'expert en vertu de textes réglementaires propres aux armées ou sur demande de son chef hiérarchique ou d'une autre autorité hiérarchique. La relation qui s'établit alors entre lui et le militaire qu'il examine en vue de formuler une proposition d'expertise visant son aptitude à servir dans un emploi déterminé ou concernant sa situation statutaire ou réglementaire, n'est plus de même nature que la relation thérapeutique dans laquelle le médecin traitant est d'abord un confident pour le malade.

Lorsqu'il agit exclusivement comme expert mandaté par l'institution militaire, le médecin d'unité doit avertir le militaire examiné que sa fonction d'expert lui fait perdre sa qualité de confident du patient. Il doit limiter les informations, destinées à appuyer et justifier ses propositions, aux seuls éléments de fait qui lui apparaissent strictement nécessaires pour éclairer l'autorité ayant prescrit l'expertise, en fonction des décisions à prendre dans chaque cas d'espèce.

En raison des traces qu'elles laissent, le médecin d'unité doit faire preuve de la plus grande réserve à l'égard des constatations médicales qu'il porte sur les certificats d'aptitude ou d'expertise ; il ne doit consigner sur ces documents que les seules données générales nécessaires à la compréhension et à la justification de ses propositions techniques à l'exclusion de tous renseignements médicaux transcrits en clair ou en code.

En outre, les indications portées par les unités dans la colonne « motif de consultation » des cahiers de visites réglementaires doivent se limiter à des renseignements portant exclusivement sur le but de la visite d'expertise concernée, à l'exclusion de tout motif de consultation fondé sur l'indication de renseignements médicaux précis. En effet, l'inscription d'une conclusion d'expertise qui serait portée sur un registre de visites en face d'un motif de consultation fondé sur des indications médicales serait de nature à officialiser ces renseignements et constituerait, de ce fait, un manquement aux obligations du secret professionnel.

  52. Expertises prolongées par une action thérapeutique.

Lorsqu'une expertise conduit à la découverte d'une affectation nécessitant un traitement, le médecin d'unité doit déterminer avec discernement les éléments de fait qu'il prendra en compte et communiquera pour justifier ses conclusions et propositions et les éléments strictement médicaux qu'il laissera dans l'ombre comme relevant uniquement d'une démarche thérapeutique qui sera entreprise alors dans les conditions précisées à l'article 4 ci-dessus.

  53. Expertises rendues nécessaires à la suite d'une action thérapeutique.

  531. Dans l'exercice de sa fonction de thérapeute, le médecin d'unité peut être amené à découvrir une affection qui présente un risque vital pour le patient ou peut même retentir sur la sécurité, la mission ou l'efficacité opérationnelle de l'unité si une décision visant l'aptitude ou l'emploi du malade n'est pas prise. Dans ce cas, le médecin doit privilégier son devoir de protéger éventuellement contre lui-même le militaire dont il a la charge et, dans tous les cas, de sauvegarder la mission et la sécurité de son unité, au détriment du souci compréhensible qu'il peut avoir de préserver la relation de confiance qui le lie au malade. Il lui appartient alors d'expliquer à son patient qu'il n'est pas seulement un malade mais, avant tout, un militaire soumis à des normes d'aptitude et d'emploi réglementaires auxquelles on ne peut déroger et également un membre d'une collectivité dont l'état de santé personnel concerne également l'unité dont il relève.

Si le médecin d'unité estime que la relation de confiance qu'il entretient avec son malade peut constituer un obstacle à une appréciation objective de l'état physique de ce patient, il doit prendre la décision de le faire expertiser par un médecin des armées, extérieur à l'unité.

  532. Du fait de l'isolement de son bâtiment à la mer ou de son unité à terre, le médecin peut se trouver dans une situation susceptible d'avoir des répercussions soit sur la sécurité ou la capacité opérationnelle de l'unité soit sur la vie d'un ou plusieurs membres de cette collectivité. Le médecin traitant doit alors s'effacer devant l'expert qui a le devoir d'informer et d'éclairer son chef hiérarchique, dans le respect de l'éthique professionnelle et dans le cadre des relations de confiance réciproques, des constatations qu'il a faites, afin de permettre que soient prises, en toute connaissance de cause, les décisions appropriées à la situation. Le chef hiérarchique sera tenu de respecter la part du secret que le médecin lui aura fait partager dans l'intérêt du malade et de l'unité.

2.3. Le secret professionnel du médecin d'unité dans sa fonction de prévention et de conseiller de son chef hiérarchique et cas particulier à la marine.

Le médecin d'unité doit s'intégrer pleinement dans la formation au sein de laquelle il sert, afin de pouvoir remplir efficacement le rôle important qui lui revient en matière de prévention, d'hygiène et de sécurité collective. Cependant, la place à part qu'il occupe dans la formation fait que son chef hiérarchique ne saurait le considérer ni comme un technicien particulier qui se substitue à lui pour des raisons de compétence dans ses responsabilités à l'égard de la santé de ses subordonnés, ni comme un informateur qui devrait partager avec lui le secret médical en toutes occasions.

À cet égard, les relations entre le médecin d'unité et son chef hiérarchique revêtent un caractère pragmatique qui échappe à toute réglementation rigide. Elles doivent se dérouler dans un climat de confiance réciproque permettant au médecin de déterminer librement le contenu des constatations, faites dans l'exercice de son activité, qu'il doit porter à la connaissance de son chef hiérarchique en vue de susciter de sa part les décisions qui lui reviennent en matière de moral, d'amélioration des conditions de vie, d'hygiène, de sécurité et de prévention. Il doit ainsi, notamment, alerter son chef hiérarchique des situations médicales particulières qui entraînent des risques potentiels pour le personnel, la mission et la sécurité de la formation.

Si le médecin d'unité ne peut être contraint à dire plus que ce qui lui paraît nécessaire pour justifier ses conclusions ou éclairer la prise de décision de son chef hiérarchique, en revanche, il ne doit jamais se retrancher derrière les obligations du secret médical pour opposer un refus systématique au légitime désir de son chef hiérarchique de connaître le résultat pratique de ses constatations lorsque l'intérêt, la sécurité ou la mission de l'unité sont en jeu ou lorsque ces constatations « sont de nature à rendre nécessaire, dans l'intérêt du service ou dans l'intérêt du patient, des actions de médecine préventive ou curative, individuelle ou collective », comme le prévoit l'article 45 du décret du 16 janvier 1981 fixant les règles de déontologie applicables aux médecins des armées.

Dans le cas, particulier à la marine, où un officier marinier, quartier-maître ou matelot infirmier est embarqué sur un bâtiment à la mer sans médecin, cet infirmier doit rendre compte à l'autorité responsable de l'hygiène et de la santé à bord, de tous les éléments susceptibles d'avoir des répercussions sur la vie, la sécurité et la disponibilité des personnels ainsi que sur la capacité opérationnelle du bâtiment.

3. Le secret professionnel médical vis-à-vis du malade, des tiers et des juridictions pénales.

3.1. Le secret professionnel médical vis-à-vis du malade ou de ses proches.

  71. Inopposabilité du secret professionnel par le médecin à ses malades.

Dans le cadre de sa relation avec ses malades, le médecin des armées ne peut leur opposer le secret médical car ils ont le droit d'être tenus au courant par lui-même de leur état de santé. Cependant, il doit faire preuve d'une grande prudence lorsqu'il s'agit d'une affection grave ou d'un pronostic fatal à brève échéance ; pour des raisons légitimes qu'il juge en son âme et conscience, il peut alors être amené à tenir son malade dans l'ignorance de ce diagnostic ou de ce pronostic.

  72. Le secret professionnel vis-à-vis des proches du malade.

Le médecin des armées doit toujours envisager avec la plus grande circonspection la communication de renseignements médicaux aux proches ou aux ayants droit du malade, car elle ne peut se faire que s'il est bien établi que les intérêts de ces derniers ne divergent pas de ceux du malade ; le médecin doit, notamment, se garder de confier au conjoint d'un de ses malades un certificat comportant des précisions d'ordre médical, de crainte que ce document ne puisse ultérieurement être utilisé à l'encontre des intérêts de son patient.

  73. Inopposabilité du secret médical par l'administration des armées aux demandeurs de documents médicaux à caractère nominatif les concernant.

Aux termes de l'article 6 bis de la loi 78-753 du 17 juillet 1978 citée en référence, les requérants ont droit à la communication par les administrations des documents médicaux à caractère nominatif les concernant. Ces dispositions visent, notamment, la communication administrative par les hôpitaux et par les services médicaux des armées des documents contenant les observations ou les constatations médicales faites à l'occasion d'une hospitalisation, d'une consultation, d'une expertise médicale ou d'une visite d'aptitude.

Cette communication administrative de documents médicaux, qui se passe en dehors de la relation directe du médecin des armées et de son patient, visée au paragraphe 71 ci-dessus, ne peut se faire que par l'intermédiaire d'un médecin désigné à cet effet par le requérant, selon les dispositions de l'article 6 bis de la loi précitée qui ne font pas obstacle à ce que ce médecin ne soit pas le praticien traitant du demandeur.

Le dossier médical d'un malade hospitalisé ou consultant restant la propriété de l'hôpital ou du service médical des armées concerné, cette communication s'effectue, aux termes de l'article 4 de la loi du 17 juillet 1978 précitée, soit par consultation gratuite sur place soit par délivrance de photocopies des documents demandés, aux frais du requérant ; le médecin désigné par le malade à cet effet a le choix entre l'un ou l'autre de ces procédés. Dans le cas particulier d'une expertise judiciaire, la communication du rapport d'expertise ne peut être faite qu'au seul tribunal ayant commis l'expert.

3.2. Le secret professionnel médical vis-à-vis des tiers demandeurs de renseignements médicaux.

  81. Informations relatives aux hospitalisations.

Les dates d'entrée et de sortie d'hôpital ne sont pas couvertes par le secret médical, à condition qu'aucune indication en clair ne soit donnée sur la nature de l'affection motivant l'hospitalisation. Les chefs de corps reçoivent les avis et dates d'admission et de sortie d'hôpital de leurs ressortissants ; ces avis ne doivent, cependant, comporter aucune indication sur le service hospitalier ayant traité le malade ou sur le diagnostic de l'affection en cause.

Sous réserve des dérogations légales répertoriées en annexe à la présente instruction, la déclaration aux services de police des malades hospitalisés, avec indication du motif d'admission et du service d'hospitalisation, constitue un manquement au respect du secret médical. Toutefois le médecin chef d'un hôpital des armées ou d'une infirmerie d'unité, de garnison ou de place est tenu de confirmer à un service de police qui lui en fait la demande la présence dans sa formation ou son infirmerie d'un malade ou blessé faisant l'objet d'une information judiciaire ; de même, le secret médical ne peut être opposé aux investigations d'un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire d'un juge d'instruction ou sur réquisition d'un procureur de la République en vue de savoir si un individu faisant l'objet d'une procédure pénale a été ou non hospitalisé.

  82. Communication de renseignements médicaux aux administrations publiques ou privées.

Les obligations du secret professionnel font obstacle à la fourniture ou à l'échange de renseignements médicaux entre différentes administrations, même dans le cas où celles-ci relèvent du ministère chargé des armées. Les seules dérogations à cette règle concernent les renseignements médicaux nécessaires à l'instruction des dossiers de pension visés par l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite et par l'article 5 de la loi no 55-356 du 3 avril 1955 non codifiée au code des pensions militaires d'invalidité (1).

C'est pourquoi les documents médicaux motivant l'exemption du service national actif ou la réforme pour inaptitude au service national actif de postulants à un emploi public ou privé ne peuvent jamais être transmis aux services de recrutement publics ni aux services privés d'embauche qui en font la demande. Ces informations à caractère médical doivent, en revanche, être communiquées sur leur demande aux postulants eux-mêmes, par l'intermédiaire d'un médecin désigné par eux à cet effet, comme le prévoient les dispositions de la loi 78-753 du 17 juillet 1978 précitée, qui ne comportent aucune restriction quant au type de médecin pouvant à cet effet servir d'intermédiaire.

3.3. Le secret professionnel vis-à-vis des juridictions, des services de police ou des agents de la direction de la protection et de la sécurité de la défense.

  91. Témoignage en justice du médecin et des personnels des armées assujettis au secret médical.

Le médecin des armées, qui n'a pas été commis comme expert, ainsi que les autres catégories de personnels des armées assujettis au secret médical, cités en justice comme témoin au cours d'un procès pénal, doivent, en vertu des dispositions des articles L. 109, L. 326 et L. 438 du code de procédure pénale, comparaître devant le tribunal et ne peuvent refuser de prêter serment avant de connaître les questions qui leur sont posées. Toutefois ils peuvent ensuite refuser leur témoignage lorsqu'il s'agit d'un fait dont ils ont eu connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de leur fonction et couvert par le secret professionnel.

  92. Communication de documents médicaux à une juridiction pénale ou administrative.

Le médecin des armées ne peut, en aucun cas, même sur injonction, sans violer le secret auquel il est astreint en sa qualité de médecin traitant, communiquer soit à une juridiction pénale, soit à une juridiction administrative un dossier médical ou des renseignements médicaux couverts par le secret médical ; il ne peut pas davantage faire des révélations à un médecin chargé d'une mission d'expertise par une juridiction pénale. Ces dispositions s'appliquent également aux autres catégories de personnel des armées assujetties au secret médical et visées au paragraphe 22 ci-dessus.

Cependant, rien ne s'oppose à ce qu'un malade produise lui-même devant une juridiction pénale ou administrative des documents ou certificats médicaux qui le concernent et qui lui ont été remis, à cet effet et en main propre, par son médecin traitant ou consultant.

En outre, les juridictions pénales d'instruction ou de jugement ont, en vertu des dispositions des articles L. 81 et L. 92 du code de procédure pénale, la faculté de procéder à la saisie des documents médicaux nécessaires à la manifestation de la vérité au moyen d'une perquisition opérée soit dans le cabinet d'un médecin des armées soit dans tout local militaire où sont déposés les renseignements recherchés. Dans ce cas, la perquisition, effectuée soit par le juge d'instruction soit par un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire, doit se faire en présence du médecin-chef de l'unité. Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire, chargé de provoquer « toutes mesures pour que soit assuré le respect du secret professionnel », au cours de cette opération, ne pourra autoriser la présence du chef de corps ou de son représentant à l'intérieur du cabinet médical durant la perquisition, alors même que ce dernier aura été dûment et réglementairement averti, au préalable, de la perquisition en cause.

  93. Renseignements médicaux demandés par les autorités de police ou par les agents de la direction de la protection et de la sécurité de la défense.

Un médecin des armées n'est pas tenu de déférer à une demande de renseignements médicaux émanant d'une autorité de police administrative ou judiciaire, sauf dans le cas où il fait l'objet d'une réquisition individuelle prise en vue de procéder à des investigations médico-légales, en application des dispositions de l'article L. 367 du code de la santé publique, ou de celles des articles L. 60 et L. 74 du code de procédure pénale et L. 84 du code de justice militaire. Ces dispositions s'appliquent également aux autres catégories du personnel des armées assujetties au secret médical et visées au paragraphe 22 de la présente instruction.

Les autorités investies de ce pouvoir de réquisition sont soit le procureur de la République territorialement compétent, soit un commissaire de police, soit un officier de police judiciaire (maire de commune, militaire de la gendarmerie, etc.), soit une des autorités auxquelles les dispositions de l'article 88 du code de justice militaire attribuent, à l'intérieur des établissements militaires et sur les bâtiments de la marine, des pouvoirs d'investigations semblables à ceux des officiers de police judiciaire.

Le médecin des armées ainsi requis agit alors en qualité d'expert judiciaire ; dans son rapport ou certificat, il ne doit révéler que les constatations médicales qui peuvent fournir des réponses aux questions qui lui ont été posées par l'autorité publique qui l'a requis.

En revanche, un médecin des armées n'est pas tenu de répondre à une demande de renseignements médicaux émanant des agents de la direction de la protection et de la sécurité de la défense qui, n'ayant jamais la qualité d'autorité de police administrative ou judiciaire, ne peuvent en aucun cas le requérir à cet effet.

4. Dispositions diverses.

4.1. Mise en application de la présente instruction.

Les dispositions contenues dans la présente instruction prendront effet du jour de sa publication au Bulletin officiel des armées. Elles feront l'objet, en tant que de besoin, d'une actualisation périodique en vue de les adapter à l'évolution de la législation et de la jurisprudence visant le domaine du secret professionnel médical.

4.2. Difficultés pouvant résulter de la mise en application des dispositions de l'instruction.

Les difficultés soulevées éventuellement par la mise en application de la présente instruction qui ne pourraient pas être résolues, à leur niveau, par les directeurs régionaux du service de santé, seront portées à la connaissance de la direction centrale du service de santé des armées, sous présent timbre. Elles pourront, si le besoin s'en fait sentir, faire l'objet d'une saisine du conseil de déontologie médicale des armées, dans les conditions prévues par le décret 81-60 du 16 janvier 1981 cité en référence.

Pour le ministre de la défense et par délégation :

Le général d'armée, chef d'état-major des armées,

J. LACAZE.

Le médecin général inspecteur, directeur central du service de santé des armées,

Ch. TOURNIER-LASSERVE.

Annexe

ANNEXE I. Les dérogations légales aux obligations du secret médical.

  • 1. Déclaration des naissances : article 56 du code civil.

  • 2. Déclaration des décès : décret du 28 mars 1960 (BOEM 305*) abrogeant l'article L. 77 du code civil.

  • 3. Déclaration des maladies contagieuses : articles L. 11, L. 12 et L. 13 du code de la santé publique. La liste des maladies à déclaration obligatoire et des maladies à déclaration facultative est fixée par un décret et révisée dans la même forme ; elle se trouve reproduite dans le guide d'exercice professionnel édité par l'ordre national des médecins.

  • 4. Déclaration des maladies vénériennes : articles L. 257 à L. 262 du code de la santé publique.

  • 5. Certificats médicaux d'internement : articles L. 333 et L. 344 du code de la santé publique.

  • 6. Déclaration des alcooliques dangereux pour autrui : article L. 355-2 du code de la santé publique.

  • 7. Déclaration concernant les incapables majeurs devant être placés sous la sauvegarde de la justice : article L. 326-1 du code de la santé publique.

  • 8. Déclaration obligatoire des maladies professionnelles ou des maladies à caractère professionnel non comprises dans la liste des maladies professionnelles fixée par décret : article L. 500 du code de la sécurité sociale. La liste des maladies professionnelles à déclaration obligatoire est reproduite dans le guide d'exercice professionnel édité par l'ordre national des médecins.

  • 9. Certificats médicaux concernant les accidents du travail : article L. 473 du code de la sécurité sociale.

  • 10. Renseignements médicaux d'ordre général et collectif relatif aux risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles devant être fournis à l'occasion d'enquêtes sur les conditions d'hygiène et de sécurité menées par les caisses régionales de sécurité sociale : article L. 422 du code de la sécurité sociale.

  • 11. Déclaration des toxicomanes : articles L. 355-14 à L. 355-21 du code de la santé publique.

  • 12. Déclaration facultative des avortements criminels : article L. 378, 3e alinéa du code pénal.

  • 13. Certificats médicaux concernant les maladies ou infirmités des enfants en bas âge : articles L. 164-1 et 164-2 du code de la santé publique.

  • 14. Déclaration facultative des sévices ou privations sur la personne des mineurs de quinze ans : article L. 378, 3e alinéa, du code pénal.

  • 15. Divulgation des crimes et délits : article L. 40 du code de procédure pénale et article L. 62 du code pénal.

  • 16. Investigation médico-légale sur réquisition émanant d'une autorité de police judiciaire : article 1367 du code de la santé publique, L. 60 et L. 74 du code pénal ou L. 84 du code de la justice militaire.

  • 17. Rapport d'un médecin chargé d'une mission d'expertise par une juridiction pénale : articles L. 156 et L. 158 du code de procédure pénale et article L. 131 du code de la justice militaire.

  • 18. Communication de renseignements ou documents médicaux aux administrations chargées de l'instruction des demandes de pensions militaires d'invalidité : article 5 de la loi no 55-356 du 3 avril 1955 non codifiée au code des pensions militaires d'invalidité (1).

  • 19. Communication de renseignements ou documents médicaux aux administrations chargées de l'instruction des demandes de pension de retraite des fonctionnaires pour invalidité ne résultant pas de l'exercice de leur fonction : article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

  • 20. Délivrance aux ayants droit (veuve et orphelin) d'un ancien militaire décédé dans ses foyers des suites d'une blessure ou maladie contractée ou aggravée en service, d'un certificat médical faisant ressortir de façon précise la relation de cause à effet entre le décès et la blessure ou maladie en cause : article L. 45 du code des pensions militaires d'invalidité.

  • 21. Obligation de communication par les administrations publiques aux personnes qui le demandent de documents de caractère nominatif les concernant sans que des motifs tirés du secret médical puissent leur être opposés : ces informations à caractère médical ne peuvent cependant être communiquées que pas l'intermédiaire d'un médecin désigné à cet effet par les requérants : article 6 bis de la loi 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public.

  • 22. Déclaration facultative avec l'accord de la victime, des sévices constatés dans l'exercice de la profession et permettant au médecin de présumer qu'un viol ou un attentat à la pudeur a été commis : article L. 378, 4e alinéa, du code pénal, loi no 80-1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs.

Notes

    1Voir code annoté des pensions militaires d'invalidité sous l'article L. 45.