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DIRECTION DES AFFAIRES JURIDIQUES : division des affaires pénales militaires ; bureau études et organisation

INSTRUCTION N° 30619/DEF/SGA/DAJ/DAPM/EDP relative aux poursuites pénales à l'encontre des membres des forces armées.

Du 23 septembre 2015
NOR D E F D 1 5 5 1 6 2 5 J

Pièce(s) jointe(s) :     Une annexe et deux appendices.

Texte(s) abrogé(s) : Instruction N° 21420/DEF/SGA/DAJ/ APM/EO du 23 octobre 2001 relative aux poursuites pénales à l'encontre des membres des forces armées.

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  540.2.2.

Référence de publication : BOC n°46 du 15/10/2015

La présente instruction a pour objet de fixer, en ce qui concerne les armées et les formations rattachées, les modalités pratiques d'application des dispositions du code de procédure pénale (CPP) et du code de justice militaire (CJM), complétées par l'arrêté du 14 février 2001 modifié, relatif à la désignation des autorités militaires habilitées à dénoncer les infractions ou à donner un avis préalable en matière de poursuites pénales.

Elle tient compte également de la carte des nouvelles juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire telle que définie par le décret n° 82-1120 du 23 décembre 1982 modifié, fixant la liste et le ressort des juridictions compétentes pour connaître des infractions en matière militaire et de sûreté de l'Etat.

Elle n'est applicable qu'en temps de paix et tant que n'ont pas été mises en place les juridictions militaires dont l'établissement est prévu par les articles 699-1 et 700 du code de procédure pénale à l'occasion de certaines situations de crise grave (mobilisation, mise en garde, état de siège, état d'urgence).

1. COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS.

1.1. Pour les infractions commises sur le territoire national.

Il importe de distinguer les infractions qui relèvent de la compétence des juridictions de droit commun (cf. point 1.1.1.) de celles qui relèvent de la compétence des juridictions spécialisées en matière militaire (cf. point 1.1.2.).

Dans le cadre de cette distinction, la notion d'exercice du service mentionnée dans le nouvel article 697-1 du code de procédure pénale doit être appréciée avec une portée plus large que celle d'exécution du service retenue dans la précédente rédaction. Elle renvoie à toutes les infractions qui ont un lien suffisant et direct avec l'activité du personnel militaire concerné.


1.1.1. Les infractions relevant de la compétence des juridictions de droit commun.

Il s'agit des infractions de droit commun suivantes :

  • les crimes et délits commis en dehors de l'exercice du service (que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur d'une emprise militaire) ;

  • les infractions commises par les militaires de la gendarmerie dans l'exercice de leurs fonctions relatives à la police judiciaire ou à la police administrative (hors du maintien de l'ordre) ;

  • les contraventions commises dans l'exercice ou hors de l'exercice du service.

Ces infractions relèvent de la cour d'assises quand elles sont qualifiées de crimes, du tribunal correctionnel (appellation du tribunal de grande instance ou de première instance siégeant en matière pénale) quand elles sont qualifiées de délits, ou du tribunal de police quand elles sont qualifiées de contraventions.

S'agissant de la compétence territoriale, les infractions sont concurremment portées devant la juridiction du lieu de l'infraction, celle du lieu de la résidence de l'un des participants, du lieu de l'arrestation de l'un d'eux, ou celle du lieu de détention de l'auteur condamné pour autre cause (articles 43, 52, 382, 522 et 664 du code de procédure pénale). En pratique, la compétence du tribunal du lieu de commission de l'infraction est privilégiée.

1.1.2. Les infractions relevant de la compétence des juridictions spécialisées en matière militaire.

Ces infractions donnent lieu à l'application de règles particulières de compétence (articles 697, 697-1, 697-2 et 697-3 du code de procédure pénale). Il s'agit :

  • des infractions militaires, prévues et réprimées par le livre III. du code de justice militaire (art. L321-1 à L324-11) ;

  • des crimes et les délits de droit commun commis par les militaires dans l'exercice du service ;

  • des crimes et délits de droit commun commis par les militaires de la gendarmerie dans le service du maintien de l'ordre ;

Selon leur nature criminelle ou délictuelle, ces infractions seront déférées, à une cour d'assises ou à un tribunal correctionnel, spécialisés en matière militaire (article 697 du code de procédure pénale). La liste de ces juridictions à compétence particulière figure en annexe. Les contraventions ne relèvent pas de la compétence des juridictions spécialisées.

La compétence territoriale de ces juridictions spécialisées est déterminée conformément aux articles 43, 52, 382 et 663 du code de procédure pénale. Elles sont également compétentes à raison du lieu d'affectation ou de débarquement des militaires (article 697-3 du code de procédure pénale).

Pour les infractions commises à bord d'un navire de la marine nationale ou d'un aéronef militaire ou à leur encontre, sont compétentes les juridictions spécialisées en matière militaire sur le ressort desquelles est situé le port d'attache ou l'aérodrome de rattachement (article 697-2 du code de procédure pénale).

Ces compétences spécifiques par rapport aux autres critères doivent être privilégiées.

1.2. Pour les infractions commises hors du territoire national.

L'article 697-4 du code de procédure pénale prévoit que les infractions de toute nature commises hors du territoire de la République par les membres des forces armées françaises, d'une part, ou à l'encontre de celles-ci dans les cas prévus aux chapitres premier. et III. (co-auteur, etc.) du titre II. du livre premier. du code de justice militaire, d'autre part, relèvent de la compétence de la chambre spécialisée en matière militaire du tribunal de grande instance de Paris.

2. LA DÉNONCIATION ET L'AVIS.

2.1. Champ d'application des procédures spécifiques de l'avis et de la dénonciation (article 698-1 du code de procédure pénale).

Dans le cadre des procédures relevant de la compétence des juridictions spécialisées (cf. points 1.1.2. et 1.2.), il est prévu que le procureur de la République dispose préalablement à la mise en mouvement de l'action publique d'éléments d'appréciation spécifiques transmis par l'autorité militaire.

Ces informations peuvent être transmises soit directement par l'autorité militaire lorsque celle-ci signale les faits, c'est la dénonciation (cf. point 2.3.) ; soit en réponse à une demande formulée par l'autorité judiciaire, c'est l'avis (cf. point 2.4.).

Les procédures d'avis et de dénonciation ne s'appliquent pas devant les juridictions de droit commun évoquées au point 1.1.1.

2.2. Les autorités compétentes.

Il résulte de la combinaison de l'article 698-1 du code de procédure pénale et de l'article L211-1 du code de justice militaire que le ministre de la défense est l'autorité compétente, par principe, pour rédiger les avis et les dénonciations. Pour des raisons pratiques, il peut néanmoins habiliter certaines autorités militaires à procéder, sous son autorité, aux dénonciations ou aux avis.

2.2.1. Le ministre de la défense.

Le ministre de la défense doit être saisi des procédures susceptibles d'avoir d'importantes répercussions médiatiques ou politiques, d'impacter l'image du ministère dans son ensemble ou présentant une difficulté technique particulière (faits à caractère sexuel, de malversations économiques et financières, diffamation par voie de presse, etc.). Dans ces cas, les éléments nécessaires à la rédaction de la dénonciation ou de l'avis sont transmis sans tarder à l'administration centrale (direction des affaires juridiques, division des affaires pénales militaires) accompagnés des propositions motivées de l'autorité militaire.

De façon plus générale, tous les cas particuliers nécessitant un traitement spécifique peuvent être soumis à l'administration centrale sous le même timbre.

Le ministre exerce une compétence exclusive en matière de dénonciation ou d'avis lorsqu'il s'agit :

  • d'accidents ayant causé décès ou blessures graves ;

  • de faits mettant en cause des officiers ;

  • de faits commis dans le service du maintien de l'ordre ;

  • de faits imputables aux membres des forces stationnant ou opérant hors du territoire de la République lorsqu'une autorité militaire habilitée n'a pas été établie localement.

Le ministre exerce enfin sa compétence à l'égard des personnels militaires qui ne relèvent pas d'une des autorités habilitées mentionnées au point suivant (cf. point 2.2.2.).


2.2.2. Les autorités militaires habilitées par le ministre.

Les autorités militaires habilitées par le ministre de la défense pour dénoncer au procureur de la République les infractions énumérées aux points 1.1.2. et 1.2., ou pour donner à ce magistrat leur avis sur l'opportunité de poursuivre les auteurs de ces infractions sont désignées par l'arrêté du 14 février 2001 modifié. Il s'agit :

  • des commandants de zone terre, à l'égard des militaires de l'armée de terre appartenant aux formations stationnées dans la zone ;

  • des commandants d'arrondissement maritime, et le commandant de la marine à Paris, chacun en ce qui le concerne, à l'égard des militaires de la marine et de la gendarmerie maritime appartenant aux formations stationnées dans l'arrondissement ou en Île-de-France ;

  • du directeur des ressources humaines de l'armée de l'air (DRH-AA), à l'égard des militaires de l'armée de l'air et de la gendarmerie de l'air ;

  • des commandants de région de gendarmerie situés au siège de la zone de défense et de sécurité à l'égard des militaires de la gendarmerie départementale (y compris de la gendarmerie de l'armement et celle des transports aériens), de la gendarmerie mobile et de la garde républicaine appartenant aux formations stationnées dans la région ;

  • des commandants supérieurs des forces armées dans les départements et territoires d'outre-mer à l'égard des militaires des trois armées relevant de leur commandement ;

  • des commandants territoriaux de la gendarmerie outre-mer à l'égard des militaires de la gendarmerie relevant de leur commandement.

Pour les faits commis hors du territoire de la République, le ministre de la défense a habilité :

  • pour l'Allemagne : le commandant des forces françaises et de l'élément civil stationnés en Allemagne à l'égard des membres des forces ou des personnes à la suite de l'armée en vertu d'une autorisation, stationnant sur le territoire de cet État étranger ;

  • pour Djibouti, le Gabon et le Sénégal : les commandants des forces françaises à l'égard des membres des forces armées stationnant sur le territoire de ces États étrangers.

Le pouvoir conféré par l'habilitation est attaché à la fonction ; il n'est pas personnel. L'officier exerçant l'intérim est investi du même pouvoir.

2.3. La dénonciation.

La dénonciation est l'acte par lequel le ministre de la défense (ou l'autorité militaire habilitée par lui) saisit officiellement le procureur de la République compétent des infractions dont il (elle) a eu connaissance.

Cette situation suppose qu'une procédure pénale ne soit pas déjà engagée pour les faits en question et que l'autorité militaire soit suffisamment renseignée à leur égard.

La dénonciation prévue par l'article 698-1 du code de procédure pénale, formulée conformément au modèle figurant en appendice I.A., laisse le procureur de la République libre d'engager des poursuites ou de classer le dossier sans suite.

Cependant, pour permettre à ce magistrat de prendre sa décision en pleine connaissance de cause, il est nécessaire que l'autorité militaire assortisse sa dénonciation de considérations tirées, par exemple, de la conduite habituelle du militaire intéressé, de la proposition de mutation dont celui-ci a pu faire l'objet, de la punition disciplinaire éventuellement prononcée, de la répercussion des faits sur la discipline, ou de tous autres éléments susceptibles de renseigner le procureur de la République sur l'opportunité d'exercer des poursuites.

Un dossier, à joindre à la dénonciation, doit être constitué par la formation administrative à laquelle appartient le militaire concerné. Il comprend en double exemplaire, notamment pour les dossiers de désertion, les pièces énumérées au point 5.1. de l'instruction 955/DEF/EMA/OL/2 du 28 mai 1996 modifiée, relative à l'absence irrégulière et à la désertion :

  • un exposé circonstancié des faits ;

  • un rapport sur la manière de servir de l'intéressé, faisant état, éventuellement, de ses antécédents disciplinaires non amnistiés ;

  • un relevé des punitions relatif aux faits en cause ; ce document précisera pour les arrêts, outre leur durée et leur modalité d'exécution, leur date de prise d'effet ou, mieux, la date d'expiration de la punition. Il sera établi, le cas échéant, un relevé « néant » ;

  • un état signalétique et des services de l'intéressé.

L'attention est attirée sur la nécessité de constituer très rapidement ce dossier, afin que la dénonciation puisse être adressée dans les plus brefs délais au procureur de la République près le tribunal compétent.

Il est à noter qu'il n'y a pas lieu de dénoncer à l'autorité judiciaire les désertions intervenues durant la période probatoire prévue à l'article 8. du décret n° 2008-961 du 12 septembre 2008 modifié, relatif aux militaires engagés.

2.4. L'avis.

Dans les autres cas où il n'aura pas été saisi par une dénonciation, le procureur de la République devra, préalablement à la mise en mouvement de l'action publique, adresser une demande d'avis à l'autorité militaire (article 698-1 du code de procédure pénale).

Cette demande d'avis sera accompagnée d'éléments de procédure judiciaire (enquête de gendarmerie dans la majorité des cas) afin de fournir les informations nécessaires à la compréhension des faits et à la rédaction de l'avis.

Elle n'est pas obligatoire en cas de crime ou délit flagrant.

2.4.1. La forme.

L'avis demandé par le parquet est rédigé sous la forme du modèle figurant en appendice I.B., en l'adaptant au cas considéré, le cas échéant.

L'autorité militaire motive son avis en faisant valoir les arguments juridiques ou d'opportunité appropriés.

Il lui est aussi permis de discuter tel ou tel élément constitutif de l'infraction relevée, de proposer une qualification pénale mieux adaptée, de citer les mesures d'ordre disciplinaire ou statutaire dont le militaire concerné a pu faire l'objet, etc.

2.4.2. Le délai.

L'avis doit être donné dans le délai d'un mois à compter de la date de la demande. Il peut se faire que l'autorité militaire ne soit pas toujours en mesure de fournir dans ce délai un avis aussi circonstancié qu'elle l'aurait souhaité ; par exemple lorsqu'une commission d'enquête désignée par le commandement n'a pas terminé ses travaux. Dans l'hypothèse, elle doit rendre dans le délai un premier avis qui pourra annoncer un avis complémentaire ultérieur.

Le délai normal d'un mois peut être réduit par le parquet s'il constate l'urgence. Dans cette hypothèse, l'autorité militaire donne son avis dans le délai imparti en s'affranchissant, au besoin, de la forme habituelle pour lui substituer celle d'un message. Il importe, en tout état de cause, que l'avis soit écrit.

Pour les avis relevant de la compétence du ministre, les éléments nécessaires à leur rédaction sont transmis sans tarder à l'administration centrale (direction des affaires juridiques, division des affaires pénales militaires) accompagnés des propositions motivées de l'autorité militaire.

2.5. Transmission des avis et dénonciations.

Au cours de la première quinzaine de chaque mois, les copies des avis et des dénonciations adressés aux parquets durant le mois précédent sont, à titre de compte-rendu, adressées à l'administration centrale (direction des affaires juridiques, division des affaires pénales militaires).

3. Dispositions diverses.

L'instruction n° 21420/DEF/SGA/DAJ/APM/EO du 23 octobre 2001 relative aux poursuites pénales à l'encontre des membres des forces armées est abrogée.

Cette instruction sera publiée au Bulletin officiel des armées.

Le ministre de la défense,

Jean-Yves LE DRIAN.

Annexe

Annexe. LISTE DES NOUVELLES JURIDICTIONS DE DROIT COMMUN SPÉCIALISÉES EN MATIÈRE MILITAIRE.

Appendice I.A Dénonciation.

Appendice I.B Avis.