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MINISTÈRE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE LA GUERRE :

DÉCRET N° 52-1000 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi n o 51-538 du 14 mai 1951 relative au statut des personnes contraintes au travail en pays ennemi, en territoire étranger occupé par l'ennemi ou en territoire français annexé par l'ennemi. (radié du BOEM 308.2.7.).

Du 17 août 1952
NOR

Précédent modificatif :  Erratum de classement du 13 mai 2014 : suppression du BOEM 308.2.7.

Référence de publication : <em>BO/A,</em> p. 1710.

LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DES MINISTRES, MINISTRE DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,

Sur le rapport du ministre des anciens combattants et victimes de la guerre, du ministre de l'intérieur, du ministre du travail et de la sécurité sociale, du secrétaire d'État au budget et du secrétaire d'État à la présidence du Conseil,

Vu la loi 51-538 du 14 mai 1951 (BOEM/G 315, p. 66) relative au statut des personnes contraintes au travail en pays ennemi, en territoire étranger occupé par l'ennemi ou en territoire français annexé par l'ennemi, notamment l'article 17 aux termes duquel « un décret portant règlement d'administration publique, pris sur proposition des ministres des finances, des anciens combattants et victimes de la guerre, fixera les modalités d'application de la présente loi dans un délai de trois mois à compter de sa promulgation » ;

Vu les décrets no 51-46951-47051-471 du 24 avril 1951 portant respectivement codification des textes législatifs, des règlements d'administration publique et des textes réglementaires (décrets) concernant les pensions militaires d'invalidité, les diverses pensions d'invalidité soumises à un régime analogue, les droits et avantages attachés à la qualité d'ancien combattant ou de victime de la guerre, notamment les articles D. 431 et D. 525 ;

Le Conseil d'État entendu,

DÉCRÈTE :

Niveau-Titre TITRE PREMIER. Bénéficiaires

Art. 1er.

Bénéficient des dispositions du présent décret :

  • a).  Les Français ou ressortissants des pays d'outre-mer au sens de l'article L. 137 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre susvisé, les étrangers dont les pays ont conclu un accord de réciprocité avec la France en matière de réparations à accorder aux victimes de la guerre, les réfugiés statutaires qui, ayant fait l'objet d'un ordre de réquisition résultant des actes, dont la nullité a été expressément constatée, dits loi du 4 septembre 1942, décret du 19 septembre 1942, loi du 16 février 1943, loi du 1er février 1944 ou victimes de rafles, ont été contraints de quitter le territoire national et astreints au travail dans les pays ennemis ou occupés par l'ennemi ;

  • b).  Les Français ou ressortissants des pays d'outre-mer, les étrangers et les réfugiés statutaires visés au a précédent qui ont été transférés par contrainte dans les mêmes conditions et astreints au travail dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ou dans les territoires annexés par l'Allemagne au cours de la guerre.

Les demandes des personnes victimes de rafles et des personnes qui, domiciliées dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle avant l'annexion de fait, ont fait l'objet d'une mesure de réquisition les éloignant de leur domicile prise en application d'autres actes que ceux mentionnés au a du présent article, sont soumises, pour examen, à la commission nationale prévue à l'article 5 ci-dessous. A titre exceptionnel, les personnes domiciliées dans les autres départements et requises dans les mêmes formes peuvent bénéficier des dispositions du présent décret après avis de ladite commission nationale.

Art. 2.

Le bénéfice des dispositions du présent décret est subordonné à la condition que la contrainte prévue à l'article précédent ait été subie pendant au moins trois mois. Cette période commence à courir à la date à laquelle la contrainte est devenue effective. Elle prend fin au moment où ils ont recouvré leur liberté, au plus tard à la fin de leur permission, si, à cette date, ils ont rempli, par suite de leur refus de repartir pour le lieu de travail, les conditions prévues pour obtenir le bénéfice des dispositions de la loi 50-1027 du 22 août 1950 (BO/G, p. 3651 ; BO/A, p. 2506) portant statut du réfractaire, ou à la date de leur rapatriement lorsque celui-ci est intervenu moins de trois mois après le 8 mai 1945. En cas de rapatriement postérieur à cette date, leur dossier est obligatoirement soumis à la commission nationale prévue à l'article 5 du présent décret.

Aucune condition de durée n'est exigée en cas d'évasion, de rapatriement sanitaire ou de décès.

Art. 3.

Ne peuvent prétendre au bénéfice de l'application du présent décret les individus visés à l'article 15 de la loi susvisée du 14 mai 1951 .

Niveau-Titre TITRE II. Procédure de reconnaissance des droits

Art. 4.

La qualité de bénéficiaire de la loi 51-538 du 14 mai 1951 susvisée est reconnue, sur demande, par le ministre des anciens combattants et victimes de la guerre qui peut déléguer ses pouvoirs aux préfets (1).

L'avis de la commission départementale et, le cas échéant, de la commission nationale, dont les compositions sont déterminées ci-après, sera préalablement recueilli. Il sera délivré au bénéficiaire ou, à défaut, à son ayant cause une carte dont les caractéristiques seront fixées par arrêté du ministre des anciens combattants et victimes de la guerre pris après avis de l'Office national des anciens combattants et victimes de la guerre.

Art. 5.

La commission nationale prévue à l'article 9 de la loi 51-538 du 14 mai 1951 susvisée comprend :

D'une part :

  • le directeur de l'office national des anciens combattants et victimes de la guerre ou son représentant, président,

  • le directeur du contentieux, de l'état civil et des recherches ou son représentant,

  • le directeur des pensions et des services médicaux ou son représentant,

  • un représentant du ministre du travail et de la sécurité sociale,

  • un représentant du ministre de l'intérieur,

  • un représentant du ministre du budget ;

D'autre part :

  • six représentants des associations intéressées, à savoir :

  • un représentant des groupements d'Alsaciens et Mosellans intéressés,

  • cinq représentants des groupements nationaux les plus représentatifs des autres personnes visées au présent décret.

Ces six représentants sont désignés par arrêté du ministre des anciens combattants et victimes de la guerre sur la proposition du groupement intéressé.

Art. 6.

La commission départementale prévue à l'article 9 de la loi 51-538 du 14 mai 1951 susvisée comprend :

D'une part :

  • le préfet, président de l'office départemental des anciens combattants et victimes de la guerre ou, à son défaut, le secrétaire général de l'office départemental des anciens combattants et victimes de la guerre, président,

  • le délégué interdépartemental du ministère des anciens combattants et victimes de la guerre ou son représentant,

  • le secrétaire général de l'office départemental des anciens combattants et victimes de la guerre ou son représentant,

  • le trésorier-payeur général ou son représentant,

  • un représentant du ministre du travail et de la sécurité sociale ;

D'autre part :

  • cinq représentants des associations départementales ou des sections départementales des organisations nationales les plus représentatives des personnes visées au présent décret.

En ce qui concerne les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, la représentation des intéressés est assurée de la façon suivante :

  • trois représentants des associations d'Alsaciens et Mosellans intéressés ;

  • deux représentants des associations départementales ou des sections départementales des organisations nationales les plus représentatives des autres personnes visées au présent décret.

Les représentants des organisations sont désignés par arrêté du ministre des anciens combattants et victimes de la guerre sur proposition des groupements nationaux ou des associations d'Alsaciens et Mosellans intéressés.

Art. 7.

La commission nationale et les commissions départementales sont réunies sur convocation de leur président, qui fixe l'ordre du jour des séances.

En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.

Les fonctions de secrétaire et de rapporteur de la commission sont assurées par des fonctionnaires de l'office national ou des offices départementaux, suivant qu'il s'agit de la commission nationale ou des commissions départementales.

Un procès-verbal est établi après chaque séance et adressé aux membres de la commission.

Art. 8.

Toute personne désirant obtenir le bénéfice des dispositions de la loi 51-538 du 14 mai 1951 susvisée doit adresser sa demande :

  • 1. Si elle est domiciliée en France métropolitaine ou en Algérie, au préfet, président de l'office départemental des anciens combattants et victimes de la guerre du département dans lequel elle est domiciliée ;

  • 2. Si elle est domiciliée dans un département ou dans un pays d'outre-mer ou à l'étranger, au préfet, président de l'office départemental des anciens combattants et victimes de la guerre du département où se sont produits les actes et les faits mentionnés à l'article premier du présent décret ;

  • 3. Si elle réside momentanément hors de France, au président de l'office départemental du lieu de son domicile.

Dans le cas où le domicile ou le lieu de résidence se trouvent à l'étranger, les demandes sont transmises par l'intermédiaire de l'autorité consulaire française compétente.

Sans préjudice des droits reconnus aux intéressés en matière de pension, la demande doit être produite dans le délai d'un an à compter de la date de publication du présent décret.

En cas de décès ou de disparition, la demande peut être présentée, dans le même délai, par le conjoint, les descendants ou les ascendants du défunt ou du disparu. Elle doit être adressée à l'office départemental des anciens combattants et victimes de la guerre du département où réside le demandeur.

Art. 9.

Les demandes doivent être accompagnées des pièces susceptibles d'établir la qualité de bénéficiaire du présent décret, à savoir notamment : une copie certifiée conforme de l'ordre de réquisition ou une attestation de l'entreprise qui a reçu cet ordre, précisant que l'intéressé employé dans ses services a quitté le travail après avoir reçu un ordre de réquisition ou indiquant que les services français ou allemands ont prélevé dans son entreprise un certain nombre de travailleurs en vue d'un départ pour l'Allemagne ou pour un territoire occupé ou annexé par les Allemands et que l'intéressé figurait parmi eux. A défaut il sera produit un certificat du maire de la commune mentionnant ces renseignements.

Ces pièces n'auront pas à être produites si elles l'ont été en vue de l'obtention d'un certificat modèle A ou M délivré antérieurement par le ministère des anciens combattants et victimes de la guerre. Dans ce cas, la copie certifiée conforme dudit certificat sera versée au dossier.

A ces pièces devront être joints :

  • en cas d'évasion ou de défection au terme d'une permission : deux témoignages circonstanciés attestant sur l'honneur la matérialité de l'évasion ou de la défection et un récit de l'évasion par le requérant lui-même ; l'honorabilité des témoins doit être certifiée :

    • s'ils résident en France ou dans les pays d'outre-mer, par le commissaire de police ou le maire ou le représentant local de la France,

    • s'ils résident à l'étranger, par l'autorité consulaire française compétente ;

  • en cas de rapatriement sanitaire : le bulletin de retour délivré par les autorités ennemies, ou, à défaut, un certificat du maire de la commune attestant la matérialité du retour et mentionnant la raison de ce retour ;

  • en cas de décès : un acte de décès ;

  • en ce qui concerne les personnes domiciliées dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle et y exerçant leur activité, qui ont été contraintes au travail dans les conditions fixées à l'article 1er, dernier alinéa, une déclaration souscrite par le demandeur attestant sur l'honneur qu'il n'a pas appartenu à une formation politique nationale socialiste.

Les pièces justificatives présentées par les intéressés doivent mentionner les dates pouvant servir à fixer le début et la fin de la période de contrainte. La copie certifiée conforme de la carte de rapatriement sera jointe au dossier. Ces pièces pourront être produites postérieurement au dépôt des demandes de carte, lorsque les intéressés auront justifié, au moment de leur présentation, qu'ils se sont déjà mis en instance pour les obtenir.

Art. 10.

Les demandes sont obligatoirement soumises à la commission départementale compétente qui émet un avis sur le droit à la qualité de bénéficiaire des dispositions du présent décret, après étude des dossiers qui lui sont adressés. Elle apprécie, le cas échéant, la valeur de tous documents que les intéressés auraient cru devoir joindre à leur demande lorsque ceux-ci sont dans l'impossibilité de fournir une ou plusieurs des pièces mentionnés à l'article précédent.

Dans les cas douteux ou à défaut d'autres moyens il peut être procédé, par les soins des préfets, à toute enquête jugée nécessaire.

Art. 11.

Sans préjudice des dispositions du présent décret qui prévoient que l'avis de la commission nationale doit être obligatoirement recueilli par le ministre des anciens combattants et victimes de la guerre, cet avis est également exigé :

  • 1. Si, en cas de décision de rejet, une réclamation a été formulée par l'intéressé dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision ;

  • 2. Si le dossier examiné concerne un Alsacien ou un Mosellan domicilié à l'époque hors du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle qui a été affecté au travail dans ces trois départements.

Niveau-Titre TITRE III. Droits des bénéficiaires de la loi du 14 mai 1951

Art. 12.

Pour les personnes contraintes au travail au sens de l'article 2 de la loi du 14 mai 1951 susvisée, dont la qualité est reconnue compte tenu des justifications exigées en application des dispositions des articles 9 et 10 du présent décret, les infirmités résultant des blessures de toutes sortes ou de maladies imputables soit directement, soit par aggravation, à la période de contrainte visée à l'article 1er ci-dessus sont réputées effets directs ou indirects de la guerre et ouvrent droit à pension au titre de la législation régissant les victimes civiles de la guerre.

Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables :

  • a).  Aux ressortissants français de la métropole et des territoires d'outre-mer et aux autochtones des pays d'outre-mer au sens de l'article L. 137 du code des pensions ;

  • b).  Aux étrangers dont les pays ont conclu des accords de réciprocité avec la France ;

  • c).  Aux réfugiés statutaires en France auxquels la législation relative aux pensions des victimes civiles de la guerre a été étendue.

Art. 13.

Lorsque les intéressés n'apportent pas la preuve que leurs infirmités sont imputables à la période de contrainte et que l'administration n'apporte pas la preuve contraire, la présomption d'origine leur est appliquée dans les conditions prévues aux alinéas 7, 8, 9 et 10 de l'article 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

En tout état de cause, la preuve de la filiation entre les infirmités constatées dans les délais de présomption et les infirmités invoquées doit être médicalement établie.

Art. 14.

Les ayants cause des personnes contraintes au travail ont droit à pension dans les conditions fixées par la législation régissant les victimes civiles de la guerre :

  • a).  Lorsque le décès, survenu au cours de la période de contrainte, est de ce fait légalement présumé imputable à la contrainte imposée par l'ennemi, sauf preuve contraire ;

  • b).  Lorsque le décès, survenu après le rapatriement, est la conséquence d'infirmités constatées dans les délais et conditions prévues aux alinéas 7, 8, 9 et 10 de l'article 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et aurait ouvert droit à la présomption d'origine définie à l'article précédent du présent décret ;

  • c).  Lorsque le décès, survenu après le rapatriement, est imputable à une infirmité pensionnée ou ayant ouvert droit à pension, soit par preuve, soit par présomption au titre de l'article précédent du présent décret.

Art. 15.

En vue de faire valoir le droit qui leur est reconnu à l'article 7 de la loi du 14 mai 1951 susvisée, une attestation sera délivrée aux intéressés, sur leur demande, par le ministre des anciens combattants et victimes de la guerre.

Art. 16.

Les bénéficiaires du présent décret ont droit au port d'un insigne dont le modèle sera défini par arrêté du ministre des anciens combattants et victimes de la guerre.

La carte visée à l'article 4 du présent décret vaut autorisation du port de l'insigne.

Niveau-Titre TITRE IV. Dispositions diverses

Art. 17.

La carte et l'insigne prévus respectivement aux articles 4 et 16 ci-dessus peuvent être attribués, au titre de la guerre 1914-1918, sur leur demande et selon les mêmes modalités, aux Français, aux ressortissants des pays d'outre-mer, aux étrangers dont les pays ont conclu un accord de réciprocité avec la France et aux apatrides ayant commencé à résider en France avant le 2 août 1914, qui ont été contraints, dans les conditions fixées à l'article 1er ci-dessus, de quitter le territoire national et astreints au travail dans les pays ennemis ou occupés par l'ennemi.

Art. 18.

La carte prévue à l'article 4 ci-dessus a force probante au lieu et place de tous certificats, attestations ou cartes délivrés précédemment et, notamment, des certificats modèle A délivrés aux intéressés et des certificats modèle M délivrés à leurs ayants cause.

Toutefois, ces certificats resteront provisoirement valables pour l'application des textes législatifs et réglementaires antérieurs à la publication de la loi du 14 mai 1951 susvisée, jusqu'à une date qui sera fixée par arrêté.

Art. 19.

Un arrêté interministériel fixera les conditions dans lesquelles seront indemnisés de leurs frais de déplacement les membres non fonctionnaires des commissions instituées aux articles 5 et 6 ci-dessus.

Art. 20.

Le ministre des anciens combattants et victimes de la guerre, le ministre des finances et des affaires économiques, le ministre du travail et de la sécurité sociale, le ministre de l'intérieur, le ministre de la défense nationale, le secrétaire d'État au budget et le secrétaire d'État à la présidence du Conseil sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 17 août 1952.

Antoine PINAY.

Par le président du conseil des ministres,

ministre des finances et des affaires économiques :

Le ministre des anciens combattants et victimes de la guerre,

Emmanuel Temple.

Le ministre de l'intérieur,

Charles Brune.

Le ministre de la défense nationale,

R. Pleven.

Le ministre du travail et de la sécurité sociale,

Pierre Garet.

Le secrétaire d'État au budget,

Jean Moreau.

Le secrétaire d'État à la présidence du Conseil,

Guy Petit.