ARRÊTÉ relatif à l'organisation du ministère de la défense dans les domaines de la sécurité nucléaire.
Du 20 août 2015NOR D E F D 1 5 1 8 8 0 3 A
Le ministre de la défense,
Vu le code de la défense ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code du travail ;
Vu le décret n° 70-878 du 29 septembre 1970 modifié relatif au Commissariat à l'énergie atomique ;
Vu le décret n° 2000-585 du 28 juin 2000 modifié fixant les attributions du service de soutien de la flotte ;
Vu le décret n° 2009-1178 du 5 octobre 2009 modifié portant organisation de l'administration centrale du ministère de la défense ;
Vu le décret n° 2009-1179 du 5 octobre 2009 modifié fixant les attributions et l'organisation du secrétariat général pour l'administration du ministère de la défense ;
Vu le décret n° 2009-1180 du 5 octobre 2009 modifié fixant les attributions et l'organisation de la direction générale de l'armement ;
Vu le décret n° 2011-775 du 28 juin 2011 relatif à l'audit interne dans l'administration,
Arrête :
TITRE Ier
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Art. 1er. - L'objet du présent arrêté est de définir la répartition des responsabilités au sein du ministère de la défense dans le domaine de la sécurité nucléaire lors de la conception, l'exploitation et le démantèlement des installations, systèmes et activités suivants :
-
installations nucléaires de base secrètes (INBS) mentionnées au 1° de l'article L. 1333-15 du code de la défense, y compris les installations individuelles qui les composent ;
-
systèmes nucléaires militaires (SNM) mentionnés au 2° de l'article L. 1333-15 du code de la défense ;
-
moyens et installations de soutien associés ;
-
transports internes.
Ar. 2. - Dans chacune des phases de vie des systèmes, les responsabilités sont réparties dans les conditions définies ci-après entre :
-
une autorité de conception d'ensemble et des autorités de conception ;
-
un exploitant délégué, qui s'appuie sur une chaîne de mise en œuvre pouvant comporter des autorités de niveau intermédiaire, des responsables d'installations, systèmes et activités et des autorités militaires territoriales.
Chaque autorité définie par le présent arrêté garantit au ministre de la défense, à son niveau de responsabilité, la conformité aux exigences en matière de sécurité nucléaire lors des différentes phases de vie des installations, systèmes et activités définis à l'article 1er.
Art. 3. - Les dispositions générales du présent arrêté relatives à la conception, la réalisation, le fonctionnement, la mise à l'arrêt définitif, le démantèlement, l'entretien et la surveillance des INBS, SNM, moyens et installations de soutien associés et des transports internes s'appliquent sans préjudice des responsabilités propres aux différentes entités du ministère de la défense, et des attributions du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) définies par le décret n° 70-878 du 29 septembre 1970 susvisé notamment au titre de la décision du Premier ministre fixant les modalités de réalisation des armements nucléaires entre le ministère de la défense et le CEA.
Art. 4. - Pour l'application du présent arrêté, on entend par :
-
moyens et installations de soutien associés : moyens et installations, mobiles ou non, qui participent à l'exploitation ou contribuent à la sûreté nucléaire ;
-
services de soutien et d'administration : tels que définis dans le titre III, du livre II, de la partie 3 de la partie réglementaire du code de la défense, service de soutien de la flotte tel que défini dans le décret n° 2000-585 du 28 juin 2000 susvisé et service d'infrastructure de la défense tel que défini dans le décret n° 2009-1179 du 5 octobre 2009 susvisé ;
-
transports internes : transports réalisés exclusivement sur une voie non ouverte à la circulation publique, entre INBS ou SNM relevant de la même emprise ou du même site, et nécessaires à l'exploitation des systèmes et moyens objets du présent arrêté ;
-
INBS : les installations nucléaires de base secrètes relevant de la compétence du ministre de la défense conformément à l'article R.* 1333-40 du code de la défense ;
-
référentiel de sûreté : ensemble des rapports, études, documents de sûreté et d'exploitation, prévus aux articles R.* 1333-40 à R.* 1333-50 et R.* 1333-61 à R.* 1333-67 du code de la défense, destinés à matérialiser la prise en compte de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, et nécessitant une approbation du ministre ou du délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les installations et activités intéressant la défense (DSND).
TITRE II
ORGANISATION ET RESPONSABILITÉS
Chapitre Ier
Autorité de conception d'ensemble et autorités de conception
Section 1
Autorité de conception d'ensemble
Art. 5. - L'autorité de conception d'ensemble est l'autorité responsable de l'acquisition de la sécurité nucléaire, de la cohérence d'ensemble du référentiel de conception et de sûreté nucléaire et radioprotection associé et du maintien dans le temps de cette cohérence, pendant toutes les phases de vie des systèmes.
Pour les installations, systèmes et activités définis à l'article 1er, le délégué général pour l'armement exerce les responsabilités d'autorité de conception d'ensemble. Il peut déléguer ses attributions et sa signature à une personne dûment désignée pour l'exercice de cette compétence.
Art. 6. - Dans le cadre des dispositions définies au titre Ier, l'autorité de conception d'ensemble définit et propose à l'approbation du ministre de la défense, après avis du DSND, les exigences en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.
En matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, elle est responsable de la cohérence et de la complémentarité des exigences relevant de la responsabilité d'autorités de conception et fixe, après avis de ces dernières, les objectifs et les règles applicables.
Elle élabore le référentiel de sûreté en lien avec les autorités de conception et le futur exploitant délégué du système. A ce titre, elle assure le dialogue avec l'autorité de sûreté nucléaire de défense suivant les dispositions définies dans le code de la défense aux articles R.* 1333-37-1, R.* 1333-38, R.* 1333-44 à 67.
Au stade d'utilisation, l'autorité de conception d'ensemble approuve, suivant les modalités qu'elle fixe en relation avec l'exploitant délégué, les modifications, dès lors qu'elles sont susceptibles d'avoir des conséquences significatives sur les performances d'ensemble dont la sûreté nucléaire et la radioprotection.
Elle réalise les réexamens périodiques de sûreté, en collaboration avec l'exploitant délégué et les autorités de conception concernées.
Elle participe à l'analyse du retour d'expérience et conduit, pour les aspects relevant de l'ingénierie de conception, les actions qui en découlent.
Section 2
Les autorités de conception
Art. 7. - L'autorité de conception est responsable de l'atteinte et de la démonstration des objectifs et exigences en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection qui lui sont fixés pour toute la vie du système, et ce dans le cadre de l'ensemble des performances allouées à ce système.
En conséquence, en accord avec l'autorité de conception d'ensemble :
-
elle applique le référentiel de sûreté ;
-
elle définit et applique un référentiel technique de conception cohérent avec ce référentiel de sûreté ;
-
elle assure au profit de l'autorité de conception d'ensemble et de l'exploitant délégué le suivi en configuration des sous-ensembles qui lui sont attribués. En relation avec l'exploitant délégué et l'autorité de conception d'ensemble, elle instruit les modifications matérielles et documentaires et leur impact sur le référentiel de sûreté ;
-
elle analyse le retour d'expérience et conduit, pour les aspects relevant de l'ingénierie de conception, les actions qui en découlent.
Art. 8. - Concernant la liste des autorités de conception et de leurs domaines de responsabilités afférents, tout aménagement nécessaire aux dispositions de l'article 3 est arrêté par décision du président du comité directeur du programme d'ensemble concerné après avis conforme des maîtrises d'ouvrages impliquées.
Chapitre II
Chaîne de mise en œuvre
Art. 9. - Chaque exploitant délégué définit une chaîne de mise en œuvre pouvant comprendre :
-
des autorités de niveau intermédiaire ;
-
des responsables d'installations, systèmes ou activités définis à l'article 1er ;
-
des autorités militaires territoriales.
Section 1
Les exploitants délégués
Art. 10. - Les exploitants délégués sont responsables de la mise en œuvre des INBS, des SNM, des moyens et installations de soutien associés et des transports internes et du maintien de leur sécurité nucléaire, dans le cadre du référentiel de conception et de sûreté notifié, dans chacune des phases de vie des systèmes.
Pour les installations, systèmes et activités définis à l'article 1er dont il a la responsabilité, l'exploitant délégué définit les principes d'organisation pour maintenir la sécurité nucléaire. Il prend les décisions de son ressort ou les propose à l'approbation du ministre et lui rend compte du niveau de sécurité nucléaire des installations et systèmes concernés. A ce titre, il assure dans son domaine de responsabilité le dialogue avec l'autorité de sûreté nucléaire de défense suivant les dispositions définies dans le code de la défense aux articles R.* 1333-37-1, R.* 1333-38, R.* 1333-44 à R.* 1333-67.
Il exerce ses responsabilités en lien avec l'autorité de conception d'ensemble mentionnée à l'article 5 et les autorités de conception mentionnées à l'article 7.
Pour l'exercice de ses responsabilités, il peut donner des directives à, ou assurer une coordination entre, des services de soutien et d'administration qui ne lui sont pas hiérarchiquement subordonnés, et en contrôler la mise en œuvre.
Il met en place une organisation du retour d'expérience.
L'exploitant délégué définit et met en place une organisation, des moyens matériels et humains et des méthodes d'interventions, en cas d'événement susceptible d'entraîner une situation d'urgence radiologique.
Art. 11. - Les responsabilités d'exploitant délégué sont exercées par :
1° Le délégué général pour l'armement pour les SNM navals jusqu'à la fin des opérations de qualification qui précèdent la première sortie à la mer et à partir du début des opérations conduisant à l'arrêt définitif des chaufferies nucléaires embarquées.
Il exerce également ces responsabilités s'agissant des INBS et des transports internes du port de Cherbourg.
2° Le chef d'état-major de la marine pour les SNM navals à l'issue des opérations de qualification précédant la première sortie à la mer jusqu'au début des opérations conduisant à l'arrêt définitif des chaufferies nucléaires embarquées. Il exerce également ces responsabilités s'agissant des SNM aéronautiques en service dans la marine, des INBS, moyens et installations associés en service implantés à Toulon, Brest et l'île Longue, et des transports internes exécutés à l'intérieur de ces sites.
3° Le chef d'état-major de l'armée de l'air pour les SNM en service dans l'armée de l'air, les INBS en service implantées dans les bases aériennes et au centre spécial militaire de Valduc.
Pour les cas non traités au présent article, l'exploitant délégué des INBS, des SNM, des moyens et installations associés et des transports internes afférents avant leur mise en service et pour le démantèlement est désigné au cas par cas par le ministre de la défense.
Section 2
Les autorités de niveau intermédiaire
Art. 12. - L'exploitant délégué peut s'appuyer sur des autorités de niveau intermédiaire. Celles-ci appliquent, et font appliquer aux responsables d'installations, systèmes et activités définis à l'article 1er les principes d'organisation définis par l'exploitant délégué pour maintenir la sécurité nucléaire. Elles font appliquer les règles et les prescriptions relatives à la sécurité nucléaire et participent à l'élaboration des documents d'exploitation du référentiel de sûreté. En coordination avec les directeurs centraux, elles déclinent aux représentants locaux des directeurs des services de soutien et d'administration les objectifs à atteindre en matière de sécurité nucléaire. Les autorités de niveau intermédiaire participent au retour d'expérience.
Art. 13. - Les commandants de forces nucléaires sont l'autorité de niveau intermédiaire dans le cadre de leurs responsabilités définies dans le code de la défense à l'article R.* 1411-6.
Les commandants d'arrondissement maritime concernés sont l'autorité de niveau intermédiaire pour les installations des ports de Brest et de Toulon et les sous-marins lorsqu'ils sont reliés à une INBS de ces ports. L'amiral commandant les forces sous-marines et la force océanique stratégique est autorité de niveau intermédiaire pour les installations, systèmes et activités de la base opérationnelle de l'île Longue.
Dans les autres cas, chaque exploitant délégué, dans le périmètre prévu à l'article 11, désigne les autorités de niveau intermédiaire prévues à l'article 12.
Section 3
Le responsable d'installations, systèmes ou activités
Art. 14. - Pour les installations, systèmes et activités définis à l'article 1er, l'exploitant délégué désigne le responsable en charge de la mise en œuvre et de la garantie du respect du référentiel de sûreté. Ces responsables sont désignés comme responsables d'installations, de systèmes ou d'activités.
Art. 15. - Les responsables d'installations, systèmes ou activités prennent toutes les dispositions permettant de respecter les exigences de la sécurité nucléaire. Ils exploitent les systèmes et installations conformément au référentiel approuvé et notifié et s'assurent du respect des prescriptions. Ils informent dans les meilleurs délais les autorités compétentes selon les modalités définies par l'exploitant délégué en cas d'anomalie ayant ou pouvant avoir une incidence sur la sécurité nucléaire.
Lorsque la mise en œuvre d'INBS ou des moyens et installations de soutien associés est confiée par contrat à un opérateur industriel, le responsable d'INBS ou des moyens et installations de soutien associés assure la surveillance de l'opérateur sans préjudice des attributions de la maîtrise d'ouvrage.
Art. 16. - Pour l'exercice de leurs responsabilités, et sans préjudice des responsabilités de l'autorité militaire territoriale, les commandants de base aérienne pour l'armée de l'air et les responsables d'emprise pour la DGA peuvent donner des directives à, ou assurer une coordination entre, des services de soutien et d'administration qui ne leur sont pas hiérarchiquement subordonnés, ou des intervenants extérieurs, et en contrôler la mise en œuvre.
Section 4
Les autorités militaires territoriales
Art. 17. - Une autorité militaire territoriale assure la préparation de la gestion et de la conduite à tenir en cas de situation d'urgence radiologique et de situation d'exposition durable. Dans de telles situations, elle coordonne les actions conduites par les responsables cités aux sections 2 et 3 du présent chapitre et les services compétents de l'Etat sur le plan de la sécurité.
Dans tous les cas, elle assure la surveillance radiologique de l'environnement.
En situation d'urgence radiologique, elle a autorité sur les échelons locaux des services de soutien et d'administration.
L'autorité militaire territoriale est l'interlocuteur des préfets pour toute question relative à la sécurité nucléaire.
Sur les sites de la marine, une autorité militaire territoriale coordonne, sur le plan de la sécurité, les actions conduites par les responsables cités à la section 3 et les services compétents de l'Etat. Elle s'appuie pour cela sur les commandants de base navale ou de base opérationnelle qui par ailleurs exercent des responsabilités de chef d'emprise.
Art. 18. - Les autorités militaires territoriales sont :
1° Pour les bases navales, les commandants d'arrondissement maritime. Pour la base opérationnelle de l'île Longue, ces responsabilités sont partagées entre le commandant d'arrondissement maritime et l'amiral commandant les forces sous-marines et la force océanique stratégique, selon des modalités définies par l'exploitant délégué.
2° Pour les bases aériennes à vocation nucléaire et le centre spécial militaire de Valduc, un officier général désigné par le chef d'état-major de l'armée de l'air.
Les responsabilités d'autorité militaire territoriale peuvent être déléguées au commandant de base aérienne, navale ou opérationnelle.
Chapitre III
La fonction de soutien
Art. 19. - Les services de soutien et d'administration assurent dans leur domaine respectif, au profit de l'autorité de conception d'ensemble et de l'exploitant délégué, les prestations nécessaires au respect des exigences en matière de sécurité nucléaire.
Les directeurs centraux des services de soutien et d'administration mettent en place les processus, les organisations, les ressources et les moyens matériels et humains adaptés aux exigences en matière de sécurité nucléaire.
Dans le cadre de leur mission de soutien, ils informent l'autorité de conception d'ensemble et l'exploitant délégué en cas d'écart ou d'évolution ayant ou pouvant avoir une incidence sur la sécurité nucléaire des systèmes ou installations soutenues.
Chapitre IV
Les fonctions de contrôle interne, audit interne et inspection des mesures de sécurité nucléaire
Art. 20. - Les exploitants délégués et l'autorité de conception d'ensemble mettent en œuvre, chacun en ce qui le concerne, un dispositif de contrôle interne, d'audit interne et d'inspection visant à assurer la maîtrise des risques entraînés par les systèmes, activités et installations cités à l'article 1er.
Art. 21. - Les exploitants délégués et l'autorité de conception d'ensemble disposent chacun d'un ou plusieurs « inspecteurs de mesures de sécurité nucléaire » qui leur rendent compte directement.
Les inspecteurs de mesures de sécurité nucléaire effectuent des missions d'audit interne ou d'inspection dans le domaine de la sécurité nucléaire au sein des entités relevant de l'exploitant délégué et au sein des services de soutien et d'administration. Ils apportent à l'exploitant délégué et à l'autorité de conception d'ensemble, de manière indépendante et objective, une assurance sur le degré de maîtrise des opérations. Ils s'assurent de l'effectivité et de l'efficacité des dispositifs de contrôle interne et du respect du référentiel de sûreté nucléaire approuvé.
Ils sont informés en cas d'événements ayant ou ayant pu avoir une incidence sur la sécurité nucléaire, tant dans les phases d'exploitation que de maintenance.
Ils peuvent conduire des inspections conjointes leur permettant de contrôler la bonne mise en œuvre de la politique générale de sécurité nucléaire.
TITRE III
DISPOSITIONS FINALES
Art. 22. - L'arrêté du 27 novembre 2003 relatif à l'organisation du ministère de la défense pour l'exploitation des systèmes nucléaires militaires et des installations nucléaires de base secrètes dans les domaines de la sécurité nucléaire est abrogé.
Art. 23. - Le chef d'état-major des armées, le délégué général pour l'armement, le secrétaire général pour l'administration, le chef d'état-major de la marine et le chef d'état-major de l'armée de l'air sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait le 20 août 2015.
Jean-Yves LE DRIAN.