INSTRUCTION N° 827/DEF/EMA/SLI/DO relative au soutien interarmées des opérations.
Du 15 mai 2008NOR D E F E 0 8 5 1 3 7 8 J
Préambule.
Les engagements des forces armées françaises sont caractérisés par un ensemble de facteurs qui doit être pris en compte dans la conception du soutien des opérations. On peut en particulier retenir :
- le contexte multinational des opérations dans le cadre d'organisations internationales, voire de coalitions de circonstance, présentant généralement des schémas de soutien différents ;
- la variété des opérations, allant de l'engagement d'un contingent en soutien de la paix jusqu'à la participation comme nation-cadre, au titre d'un engagement de haute intensité ;
- l'absence de continuité géographique entre la métropole et les théâtres d'opérations, qui impose de mettre sur pied une organisation de soutien ad hoc au niveau du théâtre ;
- la génération de forces, selon le principe de modularité, dans un cadre interarmées, avec des moyens qui perdent alors leur soutien organique d'origine.
La présente instruction définit les principes, le rôle des acteurs et les modes d'organisation qui régissent le soutien des opérations telles qu'elles sont définies dans le concept d'emploi des forces.
Elle intègre les impératifs de ce concept ainsi que les cadres doctrinaux de l'Organisation du traité Atlantique Nord (OTAN) et de l'Union européenne (UE), validés par la France, garants de l'interopérabilité avec les alliés. Elle s'inscrit résolument dans une logique d'opérations multinationales, tout en identifiant les procédures nationales mises en œuvre dans ce cadre.
Elle fixe les principes généraux qui doivent servir de guide au soutien d'une force dont la taille peut varier du plus petit contingent au corps expéditionnaire de plusieurs dizaines de milliers de combattants.
Les évolutions récentes liées à la mise en œuvre de la LOLF (1) (création du budget opérationnel de programme dédié aux opérations / BOP OPEX) et la répartition des attributions des chefs d'états-majors (2) ont été prises en compte dans ce document.
L'instruction relative au soutien interarmées des opérations s'applique dès la phase de conception d'une opération jusqu'au retour des forces. S'appuyant sur un système d'information permettant le suivi permanent et en temps utile des flux, le soutien des forces se caractérise par le souci de satisfaire la totalité des besoins du théâtre en recourant à l'anticipation, à l'adaptation permanente et à l'optimisation des moyens et des ressources déployées.
Cette instruction traite des niveaux interarmées de la conduite des opérations, c'est-à-dire ceux du commandant de l'opération (stratégique) et du commandant de la force (opératif).
Cette instruction sera mise à jour en fonction des enseignements tirés des premiers mois de fonctionnement des structures de soutien interarmées, le centre interarmées de coordination de la logistique des opérations (CICLO) et le centre multimodal des transports (CMT).
1. PRÉSENTATION DU SOUTIEN INTERARMÉES DES OPÉRATIONS.
1.1. Généralités.
Le soutien interarmées des opérations consiste à mettre en place au profit d'une force un système pour lui fournir les moyens et les services permettant de maintenir sa capacité opérationnelle et son autonomie au niveau fixé par le commandement. La logistique constitue une partie de ce système.
La logistique est l'ensemble des activités qui visent, en toutes circonstances, à :
- donner aux forces armées, au moment et à l'endroit voulus, en quantité et en qualité nécessaires, les moyens de vivre (3), de combattre et de se déplacer ;
- assurer la mise en place des moyens nécessaires à la prise en charge médicale et au soutien santé ;
- assurer la maintenance des matériels.
La logistique recouvre les douze domaines suivants :
- soutien administratif ;
- soutien juridique ;
- soutien financier ;
- soutien santé ;
- soutien de l'homme ;
- condition du personnel en opérations ;
- soutien des matériels (y compris le ravitaillement en munitions) ;
- soutien pétrolier ;
- acheminements ;
- soutien au stationnement ;
- hygiène et sécurité en opérations ;
- protection de l'environnement.
À l'échelon tactique, l'organisation des états-majors qui découle de cette typologie est variable.
Le soutien logistique des opérations ne comprend pas les dispositions permanentes visant à générer les capacités et les moyens du soutien, activées avant la décision de lancer une opération.
Il s'appuie sur deux boucles logistiques et l'établissement d'un stock de théâtre :
- la boucle opérative, sur le théâtre, assure la cohérence du soutien interarmées et multinational au regard de l'activité opérationnelle ;
- la boucle stratégique, en amont du théâtre, maintient la capacité de la force déployée au niveau requis par le commandant de la force ;
- le stock de théâtre, fonction de l'infrastructure disponible sur le théâtre et des délais de ravitaillement stratégique et tactique des unités, est adapté qualitativement et quantitativement à l'intensité de l'opération afin de limiter l'influence de la boucle stratégique sur le soutien direct.
L'organisation du soutien doit permettre de préserver les intérêts nationaux.
1.2. Cadre des opérations.
L'organisation du soutien logistique d'une opération diffère selon que l'opération est nationale ou multinationale.
1.2.1. Opération multinationale.
On appelle opération multinationale tout engagement dont la direction et la conduite sont assurées par une chaîne de commandement multinationale [ OTAN, UE, Organisation des Nations Unis (ONU), coalition de circonstance,....]. Le volume de forces engagées permet de prévenir une crise régionale, voire de maîtriser cette crise. Parallèlement aux structures multinationales déployées, coexistent des structures strictement nationales.
On peut alors identifier deux modèles :
- une organisation internationale prend en charge le soutien de l'opération dont son financement, les pays contributeurs étant des fournisseurs de moyens. C'est le principe adopté par l'ONU ou l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ;
- la logistique est une responsabilité collective, partagée par une organisation et des nations. Ces dernières, qui supportent directement le coût du soutien de leur contingent, en restent responsables en dernier ressort. C'est le modèle retenu par l'OTAN, l'UE et les opérations en coalition.
Dans le cadre de la NATO response force (NRF), les moyens logistiques mis à disposition par la France peuvent être mis sous LOGCON (contrôle logistique) (4) d'un commandement OTAN. Le contrôle logistique correspond, sauf arrangement particulier, au seuil maximum d'intégration consenti par la France. Il correspond également au minimum d'intégration du soutien requis par l'OTAN.
En vertu du MC 319/2, la France n'accorde pas la possibilité au commandeur OTAN d'avoir la visibilité sur l'ensemble de ses ressources nationales. En revanche, pour les moyens engagés sur les théâtres, cette dernière est accordée au commandeur.
1.2.2. Opération nationale.
On appelle opération nationale tout engagement dont la conduite est assurée par la chaîne de commandement nationale. Le volume de forces permet de maintenir ou rétablir la souveraineté dans un département ou territoire d'outre-mer, voire de porter assistance à un pays auquel la France est liée par un accord de défense.
Le commandant de l'opération est le Chef d'état-major des armées (CEMA) qui assure la conduite des actions militaires décidées par le gouvernement. Le commandant de la force (COMANFOR) (5), désigné par le CEMA, assure le contrôle opérationnel (OPCON) des forces engagées. Des renforcements alliés peuvent être placés sous OPCON français. Une ou plusieurs nations hôtes peuvent contribuer au soutien des forces.
Le représentant de l'armée pilote du soutien (APS) (voir points 3.2.1, 5.6 et 6.2.2) peut être le COMANFOR ou éventuellement le commandant de composante de l'APS (COMTERRE, COMAR, COMAIR). Il assure le contrôle administratif (ADCON) (6) des forces engagées, pour les fonctions déléguées par les autorités organiques et les directeurs de service. Toutefois, notamment dans le cas d'une opération de moyenne ou grande ampleur, l'ADCON peut être délégué à l'adjoint soutien interarmées (ASIA) du COMANFOR.
Certaines opérations menées à l'étranger par la gendarmerie nationale, sans engagement des autres armées, peuvent également entrer dans le champ du présent document.
1.3. Organisation générale du soutien des opérations.
1.3.1. Principes.
Trois fondements (7) majeurs régissent la logistique :
a) il n'existe pas de manœuvre logistique indépendante. Le soutien fait partie de la manœuvre d'ensemble et doit donc en adopter les principes d'organisation. Cette assertion a deux corollaires :
- les divisions ou bureaux plans/opérations et soutien doivent travailler en commun ;
- il n'existe pas de solution immuable en ce qui concerne l'organisation du soutien. Chaque opération représente un cas d'espèce qui doit être traité dans le respect des principes arrêtés et qui repose sur un système de soutien adapté, tenant compte de la notion de rapport coût/efficacité ;
b) la logistique n'a pas le pouvoir de déterminer les modes d'action (MA), mais elle peut en condamner certains. Seuls les modes d'action dont la faisabilité du soutien a été validée sont donc présentés au commandeur pour décision ;
c) pour être efficace, la logistique nécessite l'anticipation : il faut rechercher le temps d'avance. Ceci n'est que la traduction logistique du principe de liberté d'action ou d'initiative.
La nécessité de cohérence conduit par ailleurs la fonction logistique à s'appuyer sur les principes classiques de liberté d'action, de concentration des efforts et d'économie des moyens.
Ainsi, la liberté d'action se traduit en terme de soutien par un certain degré d'autonomie, appelé autonomie initiale (AI) en matière de ravitaillement. Cette autonomie doit être suffisante pour à la fois ne pas être un frein à l'action en cours mais également ne pas peser sur la manœuvre.
Ce principe est complété par deux corollaires :
- l'arrière soutient l'avant ;
- la continuité de la chaîne de soutien, du territoire national jusqu'au théâtre d'opérations. Le soutien repose sur une chaîne qui va des établissements de métropole ou des fournisseurs primaires, voire des forces pré positionnées agissant comme base avancée, aux formations tactiques engagées.
1.3.2. Dispositions générales.
Bien que l'organisation logistique soit propre à chaque opération, il existe des dispositions communes qui visent à garantir l'exercice de l'ensemble des domaines logistiques nécessaires sur le théâtre d'opérations.
Elles se traduisent par la définition :
- des fonctions à assurer en volume, en intensité, en qualité et de manière inter opérable ;
- des capacités requises par domaine ;
- des moyens à mettre en œuvre pour les exécuter ;
- des zones où s'exercent les opérations logistiques statiques ;
- des flux d'approvisionnement et d'évacuation.
Elles comportent trois volets :
- l'organisation sur le territoire national ;
- l'organisation des flux vers les théâtres ;
- l'organisation propre du théâtre.
1.3.2.1. L'organisation sur le territoire national.
Destinée à la constitution de la ressource, elle est placée aux ordres ou sous la coordination du commandement national interarmées (8). Il s'agit de :
- créer, stocker et gérer l'ensemble des ressources nécessaires à la force ;
- effectuer la mise en condition de la force ;
- construire l'architecture d'ensemble du soutien de l'opération ;
- rassembler et acheminer la force entre les garnisons et la (les) zone(s) d'embarquement ;
- exécuter les réparations à caractère industriel des matériels ;
- contrôler la qualité du soutien fourni et la régularité de l'usage des moyens matériels et financiers.
1.3.2.2. L'organisation des flux vers les théâtres.
Il s'agit d'assurer les transports vers et depuis le théâtre, sous les ordres ou la coordination du REPFRANCE dans le cas d'une opération multinationale ou du commandant de l'opération pour une opération nationale. Il s'agit d'établir et d'assurer les trois flux indispensables au soutien de l'opération :
a) flux physiques :
- flux de personnel : mise en place, relève, redéploiement, désengagement de la force, évacuation des blessés, rapatriement des dépouilles mortelles ;
- flux de matériels, d'ingrédients ou d'équipements : mise en place, relève, mise à niveau et retrait ;
b) flux financiers (avances de solde, dépenses d'alimentation, de fonctionnement et d'investissement) ;
c) flux d'information : assurer les échanges de données permettant de suivre la situation logistique et d'exprimer les demandes, donner les ordres et envoyer les comptes-rendus.
1.3.2.3. L'organisation propre du théâtre.
Sous l'autorité du commandant de théâtre ou du commandant du contingent français, un soutien est déployé sur ou à proximité du théâtre des opérations, pour donner à la force son autonomie (9). Cette organisation repose sur un dispositif évolutif, tenant compte du déroulement de l'opération. Ce dispositif, qui doit être en mesure de s'adapter à l'évolution du besoin, comprend des zones de déploiement où s'exercent des activités de soutien, entre lesquelles s'organisent les flux logistiques de théâtre, ainsi qu'une architecture de commandement et de contrôle de la fonction soutien. Il comprend la définition du rattachement hiérarchique des différentes unités de soutien, au vu de l'analyse des besoins. Il s'agit de faire face aux demandes du dispositif soutenu qui peuvent aller bien au-delà des seuls besoins de la force. Il doit prendre en compte l'ensemble du dispositif national (y compris les détachés, insérés, isolés,...), les populations en fonction de la mission reçue (RESEVAC, volet humanitaire) et les forces alliées.
Le soutien logistique est assuré par une combinaison de logistique projetée et de logistique locale relevant du soutien des nations hôtes ou de l'exploitation des ressources du marché local.
Il revient au commandant de la force d'exprimer des besoins en termes de soutien, de coordonner les moyens déployés et de suivre le potentiel des composantes. L'établissement des flux, la mise à disposition des ressources et le suivi administratif demeurent en dernier ressort de la responsabilité des Nations.
2. LES DOMAINES DU SOUTIEN.
Il s'agit de faire face aux besoins de la force et, le cas échéant, d'assurer une part de soutien humanitaire en liaison avec les actions menées dans le cadre de la coopération civilo-militaire (CIMIC), au titre d'un certain nombre de domaines dont le nombre est susceptible d'évoluer. Il est impératif de conserver à l'esprit que l'inventaire fonctionnel ne décrit pas l'organisation à mettre en place, celle-ci variant d'une opération à l'autre, voire en cours d'opération.
2.1. Le soutien administratif.
Le soutien administratif des éléments français est une responsabilité nationale.
2.1.1. Cadre général.
Le soutien administratif en opération recouvre les domaines suivants :
- administration de la force et de ses unités :
- création, modification et dissolution des détachements et organismes (foyers…) du théâtre ;
- achats, marchés et contrats ;
- gestion des ressources d'alimentation ;
- contrôle et audit ;
- administration des individus :
- suivi des effectifs ;
- gestion des droits des individus (rémunération, déplacement, imposition, pension) ;
- service de l'état civil et affaires mortuaires ;
- embauche, emploi et rémunération du personnel civil recruté localement ;
- gestion administrative des prisonniers de guerre et des réfugiés ;
- administration des équipements :
- affectation et aliénation ;
- comptabilité ;
- prises à l'ennemi.
2.1.2. Mise en oeuvre.
Les détachements sont régis par les règles d'administration de leur armée d'appartenance. La responsabilité de la mise en œuvre de ces règles échoit au commandant du détachement qui est tenu d'exercer un contrôle interne pour s'assurer de leur bonne exécution.
Le COMANFOR est responsable du contrôle de l'application des règles d'administration au sein des détachements sur lesquels il exerce son commandement organique.
Ce contrôle comporte deux volets :
- la surveillance administrative et technique (10), dont l'objet est de vérifier l'efficacité, l'opportunité et la régularité des actes d'administration et de gestion, qui est assurée par le commandant de la force pour une opération nationale ou l'ADCONFRANCE sinon qui peut déléguer cette responsabilité au DIRCOM (11)(voir point 4.1.7.2) ;
- la vérification des comptes (12), dont la finalité est de vérifier la régularité comptable, qui est exercée au nom du ministre de la défense par le DIRCOM, auprès de tout détachement engagé dans l'opération.
La DIRCOM fait l'objet d'une surveillance administrative et technique exercée par la direction centrale du commissariat de l'armée pilote du soutien quand elle existe, sinon par chaque direction centrale.
2.2. Le soutien juridique.
2.2.1. Cadre général.
Le soutien juridique consiste à établir la base juridique du soutien de l'opération et à procéder au règlement des affaires juridiques. Dans l'environnement multinational, avant l'engagement, il porte essentiellement sur la négociation d'accords intergouvernementaux ou d'arrangements techniques (point. 3.2.4.2).
Pendant les opérations, le soutien juridique comporte deux volets :
- le contentieux et règlement des dommages ;
- la mise en œuvre des procédures financières, fiscales et douanières.
Il est à noter que la fonction juridique sur un théâtre d'opération prend également la forme du conseil juridique au commandement (13) qui ne relève pas du soutien des opérations mais peut y contribuer, notamment au regard du droit applicable et de la nature des accords et arrangements à mettre en place dans le but de fixer les procédures décrites précédemment. Pour mémoire, elle couvre les domaines suivants :
- définition du droit applicable à l'opération ;
- interprétation et application du statut des forces ;
- expertise pour la définition des règles relatives à l'usage de la force (règles opérationnelles d'engagement, ciblage, etc.) ;
- détention extra-judiciaire d'individus ;
- coopération avec la justice locale, nationale et internationale.
2.2.2. Mise en oeuvre.
En matière de contentieux, la compétence du théâtre est fonction des directives de la direction des affaires juridiques (DAJ). En principe, cette compétence est limitée aux dommages contractuels et extra-contractuels, causés à des tiers (14). La répartition des compétences entre les autorités de théâtre et la DAJ est, en outre, limitée par des seuils financiers prédéfinis par type d'indemnisation.
Pour chaque opération, la mise en place du contentieux fait l'objet d'instructions de la part de la DAJ décrivant le dispositif mis en place localement, son fonctionnement, les compétences à respecter et les procédures à suivre. Elle se traduit par une délégation de pouvoir du ministre accordée au responsable du contrôle administratif (15) pour le règlement des dommages. En principe, cette compétence est déléguée au DIRCOM qui met sur pied, pour ce faire, un bureau local du contentieux.
Le DIRCOM est également responsable du traitement des questions fiscales et douanières qui affectent les forces sur le théâtre.
2.3. Le soutien financier.
2.3.1. Cadre général.
Le soutien financier consiste à :
- mettre à disposition de la force les ressources financières lui permettant de pourvoir à ses besoins dans les différents domaines du soutien (versement des 1res fractions de solde, alimentation, dépenses de fonctionnement et d'investissement, etc.) ;
- exécuter les dépenses sur les théâtres ;
- effectuer un suivi comptable satisfaisant aux exigences des règles des finances publiques ;
- assurer les contrôles et vérifications comptables.
2.3.2. Mise en oeuvre.
2.3.2.1. Financement des opérations.
La majeure partie des dépenses relatives aux opérations extérieures (16) est imputée sur un budget opérationnel de programme (BOP) dédié à cet effet, le BOP 178 62C, communément appelé « BOP OPEX », dont le responsable (RBOP) est le sous-chef opérations (SC OPS) de l'EMA. Les autres dépenses liées aux OPEX sont supportées par les armées et services interarmées, à la mesure de leur engagement sur les théâtres (17).
Sous l'égide du R-PROG 178, le R-BOP 178-62C, appuyé conjointement par le CPCO/J8 et le bureau budget et finances de l'EMA, assure les travaux de construction et de suivi budgétaire du BOP. Compte tenu de la sous-dotation du BOP, les modalités d'abondement du BOP sont déterminées par le R-PROG en cours de gestion, en liaison avec les armées et les services interarmées.
Les modalités d'imputation des dépenses couvertes par le BOP OPEX diffèrent selon la capacité des armées et services à identifier au préalable les dépenses liées aux Opérations extérieures (OPEX) :
- dans le cas où cette identification est possible lors de l'engagement de la dépense, l'imputation est directement effectuée sur le BOP ;
- dans le cas contraire où l'identification de ces dépenses nécessite des traitements extracomptables, l'imputation se fait a posteriori sur le BOP OPEX, après accord du R-PROG sur l'éligibilité des dépenses au BOP.
Le financement des opérations dans un cadre multinational (OTAN, UE, ONU ou coalition ad hoc) obéit à des règles spécifiques et fait l'objet de directives particulières de l'EMA.
2.3.2.2. Mise à disposition des ressources financières.
Pour pouvoir être dépensés sur les théâtres par les trésoriers, les crédits budgétaires pour les OPEX doivent être rendus disponibles en fonds. La mise en place des fonds est décidée par chaque armée et peut être effectuée de plusieurs manières selon les circonstances opérationnelles :
- par délégation des crédits par le service gestionnaire auprès d'un ordonnateur secondaire projeté sur le théâtre Direction des communications (DIRCOM) ; mandatement des fonds auprès des différents trésoriers des détachements grâce aux fonds acheminés par la Trésorerie aux armées avec le déploiement d'un ou plusieurs bureaux payeurs ;
- par la mise en place de fonds directement auprès d'un organisme bancaire local dans lequel le détachement a ouvert un compte ;
- par la mise en place de fonds auprès de la paierie de l'ambassade ou du consulat, notamment en utilisant la procédure des avances consulaires pour les bâtiments de la marine nationale, les appareils de l'aéronautique navale, les appareils de l'armée de l'air faisant escale ou séjournant à l'étranger.
2.3.2.3. Suivi comptable et contrôle.
Pour tenir compte de leurs contraintes opérationnelles, les armées bénéficient d'un régime d'exécution de la dépense qui est, en partie, dérogatoire au droit commun des finances publiques. La contrepartie qui découle de cette facilité est une exigence accrue en termes de qualité du suivi comptable et de son contrôle. Dans tous les cas, même dans le cadre des procédures dérogatoires, les armées sont tenues de respecter les principes et règles de la comptabilité publique (18).
Les directives techniques pour le suivi comptable et la surveillance interne sont données par chaque armée pour ses détachements.
Le contrôle de l'application de ces directives est assuré dans les conditions décrites au point 2.1.2. (vérification des comptes, surveillance administrative et technique).
2.4. Le soutien santé.
2.4.1. Cadre général.
La sauvegarde des vies humaines et la limitation des séquelles potentielles des blessures et des maladies sont des objectifs permanents et prioritaires du commandement. Pour atteindre ces objectifs, le soutien santé met en œuvre, dans un cadre interarmées, l'ensemble des moyens qui concourent à la mise en condition sanitaire et à la conservation du potentiel humain [cf. instruction n° 12/DEF/EMA/OL5 du 5 janvier 1999 (n.i. BO)].
Le soutien santé comprend (19) pendant l'engagement :
- la prévention sanitaire ;
- les soins médicaux courants ;
- le conditionnement médical primaire des blessés, la prise en charge des urgences médicales et psychiatriques, le triage médico-chirurgical, le traitement et les évacuations sanitaires ;
- le ravitaillement en médicaments et produits de santé.
2.4.2. Mise en oeuvre.
Le dispositif santé en opérations est placé sous la responsabilité technique de la direction centrale du service de santé des armées (DCSSA), qui désigne pour chaque opération un représentant appelé chef santé interarmées de théâtre (COMSANTE), qui est également conseiller du COMANFOR. Le COMSANTE exerce ses attributions conformément aux missions décrites dans la note n°1130/DEF/EMA/EMP/1 du 27 juin 2007 (n.i. BO) et entretient, par ailleurs, des liens opérationnels étroits et permanents avec l'ASIA et l'ADCONFRANCE.
Évoluant au rythme des critères propres à la société civile, le soutien santé a pour objet :
- de sauver le maximum de vies humaines ;
- de limiter les séquelles potentielles des blessures ;
- de contribuer à l'entretien du moral des combattants en leur assurant un suivi médical permanent et en leur donnant l'assurance d'être secourus rapidement ;
- de prescrire les mesures d'hygiène générale et de prophylaxie adaptées au contexte épidémiologique ;
- d'assurer l'approvisionnement en fournitures médicales.
Il s'appuie sur les principes suivants :
- médicalisation et réanimation - chirurgicalisation de l'avant, qui impliquent de porter au plus près des combattants des moyens mobiles et adaptés au traitement d'urgence et/ou à la mise en condition des blessés ;
- systématisation des évacuations sanitaires précoces (par voie aérienne médicalisée sauf exception) vers des installations d'infrastructure, si possible nationales, où sont pratiqués les traitements définitifs [cf. instruction n°208/DEF/EMA/OL5 du 28 janvier 1998 (n.i. BO)].
Les évacuations sanitaires aériennes stratégiques étant de la responsabilité nationale, que le cadre d'emploi soit national ou multinational, deux cas de figure sont à prendre en considération :
- les évacuations sanitaires aériennes occasionnelles dites centralisées sont organisées par la direction centrale du service de santé des armées (DCSSA), l'EMA/CPCO et exécutées sur décision du cabinet du ministre de la défense ;
- le pont aérien sanitaire est planifié par la DCSSA et les centres opérationnels interarmées, sous la responsabilité de l'EMA/CPCO. En fonction des accords techniques établis, des blessés ou des malades peuvent être pris en compte dans des formations de services de santé alliés ou dans des hôpitaux de la Nation hôte.
Le soutien santé des forces en opérations peut s'exercer par la mise en œuvre d'une chaîne strictement nationale ou s'intégrer dans une organisation multinationale (cf. OTAN MC 326/2 et AJP 4.10.) dont les modalités pratiques de mise en œuvre sont variées (colocalisation, insertion de personnel ou d'équipes…). La multinationalisation du soutien santé est à rechercher chaque fois que possible en s'appuyant sur une bonne connaissance réciproque des partenaires, et s'organise dans le cadre d'arrangements techniques particuliers.
2.5. Le soutien de l'homme.
2.5.1. Cadre général.
Le soutien de l'homme, responsabilité essentiellement nationale, consiste à maintenir la capacité opérationnelle du combattant par la satisfaction de ses besoins vitaux et par la mise à disposition de services et d'équipements. Il couvre les domaines suivants :
- l'alimentation, y compris les matériels de restauration collective d'infrastructure ou mobiles ;
- les effets d'habillement et de protection ;
- les matériels de couchage, d'hébergement de campagne et d'hygiène collective ;
- les matériels de bureau ;
- la chaîne mortuaire.
2.5.2. Mise en œuvre.
Le niveau des ressources mises en place sur le théâtre et les procédures d'approvisionnement sont définies par la DAL (20) et en particulier par l'OAL (21) rédigé par le CICLO ou l'armée pilote du soutien.
Sur le théâtre, sous l'autorité de l'ASIA/ADCONFRANCE, le bureau soutien de l'homme de la division logistique est ordonnateur répartiteur des matériels du soutien de l'homme. Il est également l'autorité d'emploi des unités spécialisées dans ce domaine.
La DIRCOM est responsable du contrôle de la bonne application des réglementations sur la gestion des matériels (comptabilité, réformes, etc.) et prononce les mouvements de sortie définitive des matériels (réformes, cessions, etc...).
2.6. La condition du personnel en opération.
2.6.1. Cadre général.
La condition du personnel en opération (CPO) (22) recouvre l'ensemble des actions contribuant à l'amélioration des conditions de vie sur les plans individuel et collectif, à la préservation du moral et à la cohésion de la troupe en opération. Sa finalité est le maintien en condition opérationnelle du personnel. Ainsi, le commandement conserve également la maîtrise des activités non liées par le service, sans remettre en cause les qualités foncières du combattant.
La CPO permet d'éviter l'usure des troupes provoquée par des conditions de vie difficiles sur une longue durée, même par une force aguerrie.
Elle n'inclut pas la satisfaction des besoins vitaux, qui sont pris en compte au titre du soutien de l'homme, ainsi que l'aide aux familles en base arrière.
La conception et la mise en œuvre de cet ensemble impliquent l'ensemble des acteurs, le CEMA en assurant le pilotage général.
2.6.2. Mise en œuvre.
La mise en œuvre de la CPO relève du commandement opérationnel, aux différents échelons de conduite des opérations.
Dans une opération multinationale, elle relève du commandement national, le REPFRANCE déléguant cette responsabilité à l'ADCONFRANCE.
De façon générale, les actions menées doivent chercher à :
- maintenir l'équilibre psychique et mental du personnel en contribuant au maintien du lien avec les familles et à la vie spirituelle ;
- faciliter l'accès à l'information et à la culture ;
- renforcer le sentiment d'appartenance ;
- permettre le déroulement d'activités de loisirs, de détente et sportives en complément de celle relevant du maintien de la capacité opérationnelle stricto sensu.
Elles visent à maintenir et à améliorer la qualité de l'environnement humain.
Les principes appliqués sont les suivants :
- intégration de l'organisation : la CPO s'inscrit dans le cadre de l'exercice du commandement en opération et chaque niveau doit l'intégrer dans ses ordres ou directives ;
- primauté de la mission : la CPO ne doit pas perturber l'exécution de la mission ;
- juste suffisance : la CPO ne doit pas générer d'inflation des demandes, ni de surenchère ;
- universalité : les mesures s'appliquent à toutes les catégories de personnel ;
- adaptation : les mesures relevant de la CPO sont adaptées à la situation de chaque détachement.
La CPO au sens strict regroupe les actions qui interviennent pendant le déploiement et sur les théâtres d'opérations au profit direct du combattant, les opérations conduites par la marine constituant un cas particulier dans ce domaine.
2.6.3. Le soutien psychologique.
La politique générale du soutien psychologique en opérations extérieures est définie par la PIA 01-301 [(lettre n°788/DEF/EMA/EMP1/DR du 9 juillet 1997 (n.i. BO)]. Sa mise en œuvre est du ressort de l'officier environnement humain pour l'armée de terre, du commandement pour la marine nationale et l'armée de l'air. Les difficultés sont globalement :
- d'ordre psychologique, spécifiques au militaire en situation opérationnelle ;
- d'ordre relationnel, comportemental, ou familial, relatives à l'individu ou à ses proches ;
- d'ordre organisationnel, liées à la nécessaire coopération d'individus et de groupes humains dans le cadre d'un système donné, face à un environnement particulier.
2.7. Le soutien des matériels.
2.7.1. Cadre général.
En opération, le maintien en condition des matériels comprend l'ensemble des interventions ayant pour but de conserver ou de replacer un matériel dans un état lui permettant de répondre au service pour lequel il a été conçu, voire d'améliorer ou de modifier techniquement ses capacités opérationnelles. Il consiste à :
- entretenir et réparer des matériels et des systèmes d'armes, ce qui inclut la réparation des dommages au combat (RDC) ;
- approvisionner, gérer, livrer et distribuer les stocks de ressources (notamment rechanges, matériels complets et munitions) ;
- récupérer et évacuer les matériels amis, éventuellement des matériels pris à l'adversaire ;
- éliminer des matériels et munitions (l'élimination locale de matériels peut s'avérer problématique dans les domaines de la réglementation douanière ou fiscale et de la protection de l'environnement).
2.7.2. Mise en oeuvre.
La maintenance est une fonction logistique spécifique à chaque armée ou nation (23). La responsabilité du commandant interarmées de théâtre consiste à faciliter le déploiement des unités et le déroulement des opérations exécutées au sein de chaque composante de la force. L'organisation du soutien des matériels est généralement déléguée à l'ASIA (ou ADCONFRANCE) qui organise le soutien des matériels sur le théâtre et dispose pour cela d'une cellule maintenance équipement chargée d'assurer la cohérence des actions de soutien sur le théâtre en liaison avec le soutien central.
2.8. Le soutien pétrolier.
2.8.1. Cadre général.
Le soutien pétrolier en opérations a pour objet de garantir à la force son autonomie au combat, en déplacement et en stationnement, dans les phases de mise en place, d'engagement et de désengagement. Il comprend la recherche de la ressource, l'approvisionnement, le contrôle de qualité, le stockage, le transport et la distribution des carburants et des autres produits pétroliers ainsi que la maintenance des matériels pétroliers spécifiques (24).
Le concept du soutien pétrolier est fondé sur les principes de recherche des produits au plus près de leur utilisation en privilégiant leur mise à disposition en base logistique interarmées de théâtre (BLIAT) et/ou sur les bases aériennes projetées, et de continuité du soutien pétrolier depuis l'acquisition des produits jusqu'à leur distribution aux forces.
Quand il est mis en œuvre par une chaîne strictement nationale, ce concept s'appuie sur les moyens du SEA (service des essences des armées) subordonnés à l'EMA, la base pétrolière interarmées (BPIA) constituant des détachements de soutien pétrolier destinés à être projetés et adaptés à chaque opération. Ce dispositif est généralement prolongé par les moyens organiques des armées.
La marine assurant le soutien pétrolier de ses bâtiments avec le concours du bureau logistique combustible de la Direction centrale du commissariat de la marine (DCCM), ce paragraphe se limite au soutien des unités terrestres et aériennes, y compris les appareils de l'aéronautique navale depuis la terre.
2.8.2. Mise en oeuvre.
Le soutien pétrolier des forces en opérations peut s'exercer par la mise en œuvre d'une chaîne strictement nationale ou s'intégrer dans une organisation multinationale dont les modalités pratiques de mise en œuvre sont variées. Dans la phase initiale de la projection, le soutien pétrolier d'une force est le plus souvent national, quel que soit son cadre d'emploi (national ou multinational). À l'issue de cette phase, le soutien pétrolier peut devenir partiellement multinational. L'interopérabilité peut être accrue en utilisant un carburant unique adapté aux besoins des forces terrestres et aériennes (single fuel concept -AC/112-D/241 révisé). Ce concept est défini dans une directive spécifique (25).
Le déploiement du dispositif de soutien pétrolier dépend de la localisation de la ressource et varie en fonction des théâtres d'opérations.
Deux niveaux de déploiement du soutien pétrolier relèvent du présent document (26) :
- le niveau stratégique (N 4) assure les approvisionnements. Il garantit la disponibilité et la qualité des stocks réservés et des stocks prépositionnés dont les volumes sont définis par l'EMA [lettre n°33/DEF/EMA/OL/SEA/CD du 22 novembre 2006 (n.i. BO)] pour assurer l'approvisionnement initial des opérations ;
- le niveau opératif (N 3) est chargé du soutien pétrolier interarmées de l'ensemble de la force. Il est assuré par les moyens du SEA. Dans le cadre des opérations multinationales, les moyens de ce niveau sont généralement intégrés aux éléments de soutien national (ESN).
2.8.3. Responsabilités.
À chacun des niveaux, le commandement opérationnel dispose d'une autorité du SEA responsable du soutien pétrolier et garante de l'emploi des moyens. Au niveau stratégique, cette autorité est le directeur central du SEA (DCSEA), dont la fonction s'exerce à travers les sous-directions de la direction centrale et les organismes extérieurs qui relèvent de son autorité. Un officier du SEA est inséré en permanence à l'EMA/CPCO. Le DCSEA prépare et met sur pied les moyens humains et matériels adaptés au soutien de l'opération. Il conçoit le dispositif technique, juridique et comptable, en suit le fonctionnement et l'adapte.
Au niveau opératif, le DCSEA désigne pour chaque opération l'autorité chargée de conseiller le commandement. Appelé adjoint interarmées soutien pétrolier (AISP), cet officier, qui est positionné auprès de l'ADCONFRANCE ou de l'ASIA, entretient une liaison technique directe avec la DCSEA (domaine pétrolier, questions liées aux marchés et au compte de commerce).
2.9. Les acheminements.
2.9.1. Cadre général.
Les acheminements consistent à assurer le déplacement et le transport des forces et de leurs soutiens :
- au niveau stratégique, depuis la métropole jusqu'aux théâtres d'opération ou en inter théâtre (27). Cela comprend les pré et post acheminements ainsi que la mise en œuvre de plates-formes de transit permettant la continuité des flux de mise en place, de soutien et de désengagement ;
- à l'intérieur des théâtres, au niveau opératif ou tactique, par voie de surface (routière, ferrée, fluviale ou lacustre), aérienne ou maritime, en utilisant des vecteurs militaires ou civils.
L'acheminement stratégique s'exerce durant les phases de projection des forces, pour leur soutien, leurs relèves et leur désengagement. Son organisation est interarmées et se conçoit dans une perspective multimodale ; elle comprend également la responsabilité du soutien du personnel et des matériels en transit. Le nombre de vecteurs de transport et la capacité des structures d'accueil pour les opérations de transit constituent souvent une limitation dans l'organisation des acheminements.
L'acheminement des ressources repose sur une chaîne interarmées continue depuis les dépôts jusqu'aux unités. Cette chaîne est constituée d'une succession de moyens de transport (de surface, maritime, aérien) et de zones où le fret est identifié, entreposé, voire ré alloti et re conditionné, puis orienté vers son destinataire en fonction des priorités du commandement. L'acheminement de ressources particulières peut être externalisé partiellement ou en totalité (28). L'utilisation de moyens civils peut poser cependant des contraintes d'emploi : disponibilité, règles des marchés publics, couverture des risques….
La planification/programmation et la conduite des acheminements stratégiques relèvent du centre multimodal des transports (CMT) qui agit au profit de l'ensemble des forces armées, des autres départements ministériels et des alliés ou nations étrangères suivant les accords en cours.
L'exécution des missions d'acheminement ordonnées par le CMT est assurée par les armées ou par les organismes chargés de la coordination et l'exécution des transits et des transbordements.
Les missions de transports intra théâtres incombent encore essentiellement aux armées, sous l'autorité du COMANFOR, qui mettent en œuvre leurs moyens propres pour assurer ces missions et peuvent aussi avoir recours à des contrats d'externalisation.
2.9.2. Visibilité et suivi de la ressource.
L'emploi des forces armées se caractérise par des conditions d'engagement complexes, souvent différentes, qui rendent difficile l'appréhension de l'état réel du soutien et de la satisfaction du besoin de la force projetée. Le logisticien doit ainsi détenir en permanence une information précise sur la ressource disponible pour la force ainsi que sur les ravitaillements en cours. À cet égard, la qualité des systèmes d'information est cruciale en permettant la visibilité de la ressource, c'est à dire une connaissance et une localisation précises des ressources au sein du flux d'approvisionnement et d'évacuation dans toutes les phases d'une opération (préparation, engagement et désengagement).
La visibilité de la ressource est une capacité interarmées de la fonction logistique au profit du COMANFOR par l'intermédiaire du suivi de la ressource. La visibilité de la ressource est transverse à tous les domaines logistiques.
Le suivi de la ressource est un ensemble d'opérations consistant à suivre et à surveiller la ressource tout le long de la chaîne logistique. Ce suivi est obtenu au travers d'un système d'information adapté. Il doit s'intégrer pleinement dans une démarche forte d'interopérabilité nationale et multinationale.
Le système d'information logistique se compose aujourd'hui de SILCENT (29) (système d'information logistique central / poste nomade). Alimenté en données terrain par l'outil de conduite locale des flux (poste nomade) et les systèmes des directions de soutien, il suit les ressources expédiées et les localise pour répondre à toute demande de positionnement, sans discontinuité entre la métropole et les théâtres (30).
D'autres systèmes d'information interarmées ou interalliés sont utilisés dans le cadre de la planification et de la conduite de l'acheminement stratégique, en particulier le système ADAMS (allied deployment and movement system) de l'OTAN. L'interopérabilité entre l'ensemble de ces systèmes concourt à offrir aux COMANFOR la visibilité souhaitée de la ressource. À cet égard, plus généralement, la base de données de l'OTAN LOGFAS (31) donne aux nations l'opportunité d'utiliser des outils communs tels LOGREP (32), EVE (33), ACROSS (34) et CORSOM (35).
Aujourd'hui, la recherche d'interopérabilité entre les alliés repose encore principalement sur la mise au point de passerelles entre les systèmes d'information.
2.10. Le soutien au stationnement.
2.10.1. Cadre général.
Le milieu, les nécessités de la logistique, le bien-être et la sécurité des militaires et des populations, ainsi que la durée de la mission impliquent de rendre les zones d'action aptes au stationnement et à la circulation des unités et des populations concernées dans des conditions acceptables d'hygiène et de sécurité.
Dans le cadre du déploiement à venir de la force sur le théâtre, il peut être nécessaire de procéder préalablement à des opérations de déminage, de dépollution et de réaliser des ouvrages et des dispositifs de protection indispensables à la sécurité. Il faut donc maintenir, adapter, restaurer ou créer l'infrastructure nécessaire :
- aux hommes (locaux de travail et de vie), aux matériels (dépôts, ateliers, hangars, parkings…) et à leur protection ;
- à la production d'eau (forage, désalinisation, épuration, potabilisation, stations d'épuration) et à sa distribution ;
- à la fourniture ou à la production d'énergie (électricité, produits pétroliers, gaz,......) ;
- à la mobilité (infrastructures routière, ferroviaire, portuaire, et aéroportuaire) ;
- aux réseaux de communication et d'information ;
- au traitement et à l'élimination des déchets, ainsi qu'à la protection de l'environnement.
La réalisation de travaux de consolidation, d'adaptation, de gestion et d'amélioration pour l'installation dans la durée peut aller jusqu'à la construction de bâtiments et à l'installation d'équipements d'infrastructure (centrales électriques, stations de production ou d'épuration d'eau), incluant les travaux liés au redéploiement et à la restitution des emprises.
2.10.2. Mise en oeuvre.
Au titre de ses attributions, le service infrastructure de la défense (SID) pourvoit aux besoins des forces en opération en participant au soutien de l'infrastructure dans les deux domaines de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'œuvre. Pour assurer ce soutien au stationnement des forces projetées dans le cadre de leur contrat opérationnel, il doit pouvoir déployer les personnels nécessaires à cette mission.
À cet effet, il met en place, de façon permanente ou à la demande, des conseillers auprès des états-majors et est représenté en permanence au niveau du centre de planification et de conduite des opérations (EMA/CPCO). En particulier, il renforce dès le début de la projection, l'armée pilote de soutien et l'ADCONFRANCE, et adapte ses détachements techniques en fonction de la spécificité du déploiement. En particulier, pour planifier, coordonner et conduire des travaux importants, un coordinateur national de l'infrastructure de théâtre (CNIT) doit être mis en place dès la phase initiale de déploiement, éventuellement à titre temporaire.
Toutes ces actions sont placées sous la responsabilité de l'ADCONFRANCE par délégation du REPFRANCE et mises en œuvre par les spécialistes infrastructure du SID insérés au sein des état- majors, au titre de la chaîne de soutien logistique nationale.
Dans ces conditions, lorsque des travaux ou des prestations sont réalisées avec la participation d'unités relevant organiquement des composantes, la maîtrise d'œuvre en est assurée par le chef du service local constructeur (SLC) concerné, l'emploi des éléments en charge du soutien au stationnement est confié par le chef génie de la force au chef de la cellule soutien au stationnement de l'état-major du soutien national, sous OPCON.
Dès la phase de planification, des plans de stationnement opérationnel (PSO), fondements indispensables à toute installation rationnelle des forces, doivent être élaborés dans le cadre du soutien au stationnement avec l'expertise technique du service d'infrastructure de la défense (SID). Ces PSO se déclinent en schémas directeurs d'infrastructure (SDI) qui sont mis en œuvre dès que les conditions d'engagement le permettent. Ces SDI mettent en application les prescriptions du concept de stationnement d'une force en opération.
En vertu d'accords ou d'arrangements officiels établis avec la nation hôte, le soutien au stationnement est effectué en faisant appel, dans toute la mesure du possible, aux entreprises civiles locales, avec le concours éventuel des moyens d'aide au déploiement qui peuvent être détachés ou affectés selon les besoins.
L'élimination des sources de contentieux doit être un souci permanent dans ce domaine. Il est donc indispensable que soit mis en place un dispositif de prise en compte initiale, de surveillance et de restitution des zones ou installations. Le stationnement de longue durée doit de plus chercher à se désengager dès que possible des infrastructures civiles nécessaires au fonctionnement administratif et économique du pays.
Dans cette perspective et lorsque la situation tactique le rend possible, la maîtrise d'œuvre de certaines prestations, liées au fonctionnement courant des emprises de stationnement, peut être externalisée.
2.11. L'hygiène et la sécurité en opération.
2.11.1. Cadre général.
En OPEX, hors cas de guerre déclarée, conformément aux orientations prises par l'inspecteur du travail dans les armées (CGA/IT) et dans la limite où les conditions du moment le permettent, les membres des forces françaises doivent respecter la réglementation défense hygiène/sécurité/condition de travail (HSCT) selon les modalités prévues par le décret 85-755 du 19 juillet 1985 modifié (application du titre III, livre II du Code du Travail) (36).
La prévention des accidents comprend l'ensemble des méthodes et actions de toute nature mises en œuvre pour éviter la survenue d'accidents et protéger la santé du personnel. Elle doit permettre :
- l'anticipation : faire l'analyse des risques potentiels ;
- la prévention : prendre les mesures limitant les risques identifiés ;
- la gestion : traiter la crise / accident / incident ;
- la réparation des conséquences.
2.11.2. Mise en œuvre.
La démarche mise en œuvre dans le cadre des risques technologiques se décline en plusieurs étapes :
- l'anticipation ;
- l'analyse : identification et contrôle de la réalité de l'exposition ;
- l'évaluation de l'exposition : stratégie de mesures, interprétation et exploitation des résultats ;
- la détermination de l'acceptation du risque : définition du seuil d'exposition tolérable ;
- l'adoption de mesures de prévention (plans technique et médical), traçabilité des expositions.
2.12. La protection de l'environnement.
2.12.1. Cadre général.
La protection de l'environnement [(cf. PIA 05-302 - n° 514/DEF/EMA/EMP/5 du 17 mai 2004 (n.i. BO)] est la mise en œuvre de procédés, pratiques, matériaux ou produits qui empêchent, réduisent ou contrôlent les atteintes à l'environnement. Elle peut inclure le recyclage, le traitement, les mécanismes de contrôle, l'utilisation des ressources et la substitution de matériaux. Ce facteur est pris en compte lorsque le stationnement des forces s'inscrit dans la durée.
L'assainissement, par la collecte et l'épuration des eaux usées, des eaux pluviales et des eaux de drainage ainsi que par la collecte et le traitement des déchets, y compris les déchets médicaux, permet de maintenir la salubrité publique et de protéger la santé des troupes en opérations et de la population locale.
2.12.2. Mise en œuvre.
Les règles applicables doivent être recherchées dans le droit national français. Il convient de vérifier que l'État d'accueil ne s'est pas doté de normes opposables en matière de protection de l'environnement, car si les États pourvoyeurs de forces sont responsables de la détermination des procédures applicables en la matière, leur droit national n'a pas vocation à se substituer au droit local.
Le droit communautaire n'a pas vocation à s'appliquer en dehors des frontières de l'UE.
La France est liée par le MC 469 qui définit la doctrine environnementale de l'OTAN et fournit des orientations pour les activités militaires, posant des obligations de moyens.
3. LES MODES D'ACTION ET LES PROCÉDÉS LOGISTIQUES.
Certains domaines logistiques sont spécifiques à une composante de la force. Pour les autres domaines, à défaut d'une organisation interarmées ou interalliés préexistante, le soutien potentiellement commun ne le devient qu'après concertation entre toutes les parties prenantes. Ainsi, chaque fois qu'une force interarmées ou interalliés est constituée, une organisation rationnelle du soutien est recherchée et mise au point au préalable lors des réunions de planification ou de mise sur pied du système de soutien.
Les modes d'action de la logistique interarmées ou multinationale ont en commun de reposer sur la conclusion d'arrangements techniques ou de protocoles de soutien, formels ou implicites (37) fixant le partage des tâches, la limite des responsabilités de chaque partenaire et les conditions du partage des coûts éventuels.
Les formes que peut revêtir la coopération logistique entre les armées ou les nations participantes peuvent se décliner différemment.
3.1. Les modes d'action logistiques.
3.1.1. Soutien autonome
Les déploiements initiaux réalisés fréquemment dans l'urgence imposent la plupart du temps de mettre en œuvre un dispositif strictement national. Dans ce cas, chaque nation est responsable du soutien de ses unités positionnées dans le dispositif de la force.
Toutefois, dès qu'une stabilisation de la situation est avérée et après évaluation des coûts en hommes en moyens et en ressources, le recours à une solution multinationale, devra généralement être privilégié lorsqu'il présente des avantages majeurs, notamment dans la perspective d'économies de moyens. Même si des nations contributrices choisissent alors de rester en mode purement national, le commandant de l'opération conserve la responsabilité de coordonner l'effort logistique général.
3.1.2. Soutien mutuel.
Le soutien mutuel est un procédé recherché dans les opérations multinationales qui permet une mutualisation des opérations de soutien. Il repose sur des arrangements particuliers le plus souvent entre deux nations. Celles-ci conviennent de partager des responsabilités ou d'en confier la totalité à l'une d'entre elles. Dans ce cas, le soutien est considéré comme faisant partie des chaînes nationales. La coordination des opérations de soutien mutualisées est assurée par le commandement multinational.
3.1.3. Soutien multinational.
L'évolution de la nature des opérations a conduit les nations au développement du concept de soutien multinational. En effet, le soutien multinational est de plus en plus prégnant dans les opérations qui mettent en œuvre des coalitions issues d'organisation comme l'ONU, l'OTAN ou l'UE. Ce mode de soutien présente des avantages avérés : gain de réactivité et de souplesse pour le COMANFOR, rationalisation des empreintes logistiques ou encore préservation des ressources locales. En outre, bien mené, il peut participer à la réduction des coûts nationaux et permet de partager équitablement les charges de soutien entre les nations.
Toutefois, des difficultés demeurent dans la mise en place de telles solutions, liées aux différences de normes et de standard, aux dispositions légales propres à chaque état, aux responsabilités financières ou encore aux barrières psychologiques.
3.2. Les procédés logistiques.
3.2.1. Armée pilote du soutien lors des opérations.
Les armées et les organismes interarmées sont, en principe, responsables du soutien de leurs éléments engagés en opérations au sein de la composante qu'elles sont chargées de mettre sur pied. Toutefois, dans le cas d'un besoin commun identifié, une armée peut se voir confier la responsabilité du soutien d'éléments de plusieurs armées, services interarmées et de la gendarmerie. L'armée désignée pour assumer cette responsabilité est qualifiée d'armée pilote du soutien (APS) (38). Les modalités de désignation sont traitées au point 5.6.
Le concept APS a pour but de rationaliser l'organisation du soutien et d'en limiter les coûts, tant en effectifs que financiers. Il s'accompagne de mesures de coordination et de coopération logistique interarmées.
Le représentant de l'armée pilote du soutien peut être le COMANFOR ou éventuellement le commandant de composante de l'APS (COMTERRE, COMAR, COMAIR). Il assure le contrôle administratif (ADCON) (39) des forces engagées, pour les fonctions déléguées par les autorités organiques et les directeurs de service. Toutefois, notamment dans le cas d'une opération de moyenne ou grande ampleur, l'ADCON peut être délégué à l'adjoint soutien interarmées (ASIA) du COMANFOR ou à l'ADCONFRANCE.
3.2.2. Appui sur le dispositif pré-positionné.
Lorsqu'une opération se déclenche dans la zone de responsabilité d'un commandant interarmées, il convient d'éviter la création de structures de circonstance dans lesquelles les attributions de chacun ne sont pas clairement définies. Dans la phase initiale de préparation à l'engagement, l'appui sur le dispositif pré positionné est généralement une option à privilégier. Le but est de créer un environnement propice à l'exercice du soutien de la force, tant en métropole que sur le théâtre.
Toutefois, pendant l'engagement, le recours au soutien d'une force ad hoc par les forces prépositionnées doit être limité aux cas d'urgence ou au soutien de petits détachements.
3.2.3. Soutien contractuel.
Lorsque le commandement choisit un mode d'action relevant du faire-faire plutôt que de faire, la contractualisation est un mode d'action de plus en plus utilisé.
Il s'agit de confier au secteur marchand, local ou non, une partie du soutien des forces.
Ce mode d'action recouvre trois types d'opérations :
- l'achat de services ou de prestations ;
- la sous-traitance ;
- l'externalisation (40).
La différence entre les deux dernières tient à l'attribution de la responsabilité de la maîtrise d'œuvre. Celle-ci reste du ressort du militaire dans le cas de la sous-traitance et est confiée au contractant dans l'externalisation.
Le recours à ce mode d'action doit s'accompagner au préalable d'une étude de faisabilité puis d'opportunité. Il s'agit en particulier d'estimer le niveau de risque lié au recours à la contractualisation. D'une manière générale, ce mode d'action est généralement activé une fois la situation relativement stabilisée.
Lors des études préalables, il est nécessaire de vérifier que les accords de stationnement (SOFA) fournissent un statut juridiquement acceptable pour le « personnel à la suite des forces ».
La contractualisation se décompose en fait en plusieurs segments :
- la définition du besoin et la rédaction du cahier des charges en liaison avec le pouvoir adjudicateur ;
- la passation du marché, puis son administration, comprenant la gestion financière ;
- la réception des travaux et le contrôle des résultats.
À l'échelon opératif, seul le segment central relève des services de commissariat, les autres sont des activités relevant d'autres spécialistes du soutien.
Le contrôle de résultat s'accompagne souvent d'une analyse financière (qui participe de la gestion financière) qui viendra compléter la perception des spécialistes et des bénéficiaires sur le degré de satisfaction de la prestation.
Dans le cadre de la recherche de la performance, il convient de bien intégrer l'analyse financière visant à maîtriser les coûts pour une même prestation en qualité et en quantité.
3.2.4. Soutien par la nation hôte.
3.2.4.1. Cadre général.
Le soutien par la nation hôte (SNH) est l'aide civile ou militaire fournie par un État hôte, en temps de paix ou dans le cadre d'une opération, à des forces et organisations étrangères implantées, en mission ou en transit sur son territoire ou dans une zone opérationnelle dont il a la responsabilité. Il repose sur un arrangement préalable bi ou multilatéral entre celui-ci et les pays participants. À ce titre, l'élaboration d'un SOFA (status of forces agreement) traitant du statut des forces dans le pays hôte s'impose.
3.2.4.2. Environnement juridique.
a) Accords intergouvernementaux
Il s'agit d'accords de coopération, de niveau interministériel, en matière de défense, sur le stationnement ou le statut des forces, relatifs aux exercices et activités conjointes, de soutien logistique mutuel,... La convention entre les États parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, dite « Convention de Londres » ou « SOFA OTAN » est un accord intergouvernemental multilatéral réglant l'ensemble des questions statutaires dans la zone du traité de l'Atlantique Nord. La Convention entre les États parties au traité de l'Atlantique Nord et les autres États participant au Partenariat pour la Paix, dite « SOFA PPP », étend les dispositions de la convention de Londres aux États du Partenariat pour la Paix.
b) Arrangements techniques
L'arrangement technique est juridiquement de portée inférieure à l'accord intergouvernemental. Il est conclu au nom du ministre de la défense et signé par ce dernier ou une autorité à laquelle il a accordé sa délégation de signature.
c) Cas particulier du mémorandum
Le mémorandum d'entente (MOU : memorandum of understanding) ou d'accord (MOA : memorandum of arrangement), issu d'une pratique anglo-saxonne répandue au sein de l'OTAN, est un engagement à portée politique non susceptible de conduire à la mise en œuvre d'une responsabilité juridique entre les parties. En revanche, dans le cadre des engagements de l'ONU, ces MOU sont assimilables à des arrangements techniques et impliquent des conséquences juridiques contraignantes (41).
3.2.4.3. Mise en oeuvre.
La planification du SNH fait partie intégrante de la planification opérationnelle et de la planification correspondante du soutien logistique. Les nations négocient ensuite individuellement avec la Nation hôte un arrangement technique bilatéral (TA) de mise en œuvre du SNH. La signature de cet arrangement par le ministère de la défense constitue l'officialisation de l'accession au MOU.
La procédure de mise en œuvre du soutien de la nation hôte se décompose en 5 phases décrites dans la PIA 04-001 [lettre 1909/DEF/EMA/SLI/4 du 29/10/2007 (n.i.BO)- Principes et dispositions applicables au soutien fourni par la France en tant que nation hôte].
3.2.5. Nation pilote.
Après mise en œuvre d'accords intergouvernementaux, une nation peut assurer la responsabilité de l'acquisition et de la fourniture d'une large gamme de soutien logistique pour tout ou partie d'une force multinationale et/ou d'un état-major (cf. MC 319/2).
Ce concept de nation pilote (LLN : Logistics Lead Nation) repose sur un ensemble d'accords bi ou multilatéraux élaborés lors du processus de génération de force, dans les domaines financier, juridique,…Ces accords doivent inclure des arrangements et des procédures détaillées en ce qui concerne la fonction commandement, ainsi que les procédures de compensation ou de remboursement.
L'utilisation d'une nation pilote permet de lui confier l'organisation et la conduite d'une partie, voire de la totalité du soutien. Le commandant multinational du niveau considéré exerce au minimum le contrôle tactique. Il peut également exercer le LOGCON.
Le financement est une responsabilité de la nation pilote (fourniture des avances dans le domaine dont elle a la charge). Le financement partagé a posteriori des dépenses engagées par la nation pilote en est la règle habituelle. Cependant, la nation pilote peut être chargée de négocier avec les nations soutenues.
3.2.6. Nation spécialisée dans un rôle.
L'appel à une nation spécialisée dans un rôle (LRSN : Logistics role specialist nation) permet de confier l'organisation et l'exécution d'une fonction à l'un des pays participants disposant d'un savoir-faire spécifique ou engagé dans une zone particulière. Celui-ci se charge de l'organisation de la fonction et fournit une partie des moyens d'exécution. Les unités chargées d'un soutien de ce type appartiennent à la logistique de leur nation, le commandant multinational exerçant alors au moins le contrôle tactique (TACON).
Le financement est une responsabilité de la nation spécialisée, responsable de la fourniture des avances dans le domaine dont elle a la charge. Elle doit négocier avec les nations soutenues au titre des remboursements/compensations (STANAG 2034).
3.2.7. Multinational integrated logistic unit.
Les multinational integrated logistic unit (MILU) (42) (unité logistique multinationale intégrée) représentent une forme de soutien multinational dans lequel l'intégration des nations est la plus achevée. Elles ne peuvent fonctionner que dans un environnement très stabilisé. Les MILU peuvent être utilisées pour optimiser et rationaliser le déploiement logistique dans le cadre du dispositif global. Cette option combine les éléments logistiques de plusieurs nations regroupées dans une seule structure. Elle permet aux petits contingents de participer à une plus grande unité. Cette multinationalité se caractérise par le fait que ces unités sont sous contrôle opérationnel du commandant multinational.
Le concept de MILU est intéressant dans le cadre des générations de forces au titre d'opérations de basse intensité, ou des opérations qui se prolongent dans la durée et pour lesquelles la constitution d'une force logistique serait délicate sans coopération multinationale.
Le rôle de ces unités multinationales ne diffère pas de celui que les unités nationales sont coutumières de tenir. Cependant, la fonction commandement s'avère plus compliquée : il faut y adjoindre des officiers de liaison supplémentaires, ainsi que des équipements additionnels de communication.
La mise sur pied de véritables unités multinationales, en dehors des questions liées à leur commandement, pose un certain nombre de difficultés dans le domaine du soutien.
Sur le plan juridique se pose en particulier la question du statut de ces unités, lié à leur capacité à être administrées (budget de l'unité, propriété des équipements, …). Ces questions doivent faire l'objet d'un arrangement juridique entre les différents Etats participants.
Sur le plan financier, la principale question tient à l'imputation des dépenses tant d'investissement que de fonctionnement. Il faut distinguer trois postes de coût : les dépenses liées à l'état-major de la formation considérée, les dépenses liées à la mise en œuvre de la formation et les dépenses liées à son stationnement.
4. LA CHAINE DE COMMANDEMENT LOGISTIQUE EN OPÉRATION.
L'engagement des forces françaises se conçoit de manière prioritaire dans un cadre multinational mais des opérations purement nationales demeurent possibles et doivent être envisagées.4.1. Les structures de commandement du soutien interarmées.
4.1.1. EMA/CPCO/J1.
Le bureau personnel du CPCO est chargé globalement :
- de la constitution de la participation nationale aux états-majors opérationnels ;
- des études et de la négociation lors des réunions de génération des effectifs « manning conference » ;
- de l'orientation des armées et services sur la ressource quantitative et qualitative nécessaire, du calendrier des relèves, du suivi de la participation française aux opérations de relèves ;
- du suivi du personnel (adéquation de la ressource) ;
- de l'administration du personnel ;
- de l'administration des prisonniers de guerre ;
- de la chancellerie et de la discipline ;
- de l'archivage des participations aux OPEX (journal des opérations…).
4.1.2. EMA/CPCO/J4.
Agissant en qualité de maîtrise d'ouvrage stratégique pour la logistique des opérations, le bureau logistique du CPCO assure la cohérence logistico-opérationnelle en dirigeant, en amont, les travaux de planification logistique et en contrôlant, en aval, l'exécution des opérations logistiques.
Le CPCO/J4 assure les tâches générales suivantes (43) :
- conduite du processus de planification logistique stratégique national ;
- participation au processus de planification logistique stratégique multinational ;
- rédaction des paragraphes logistiques des OPLAN et SUPLAN ;
- rédaction des directives administratives et logistiques (DAL) ;
- coordination de la rédaction des documents de coopération logistique bilatérale et/ou multinationale (arrangements techniques, MOU, SOFA) ;
- pilotage de la performance logistique interarmées des opérations ;
- contrôle de l'exécution des opérations logistiques en cours ;
- participation à l'arbitrage entre les maîtrises d'ouvrage déléguées ;
- conduite du processus d'analyse logistique stratégique.
Le CPCO/J4 est l'autorité de coordination logistique stratégique. À ce titre, il définit précisément pour chaque opération les modalités particulières de coordination à observer.
Selon les directives du chef planification et logistique et du chef conduite, les actions du CICLO et du CMT sont fonctionnellement coordonnées par le CPCO/J4 chargé d'assurer la cohérence stratégique d'ensemble du soutien logistique interarmées des opérations dans les domaines de la planification et de la conduite (44) pour la totalité des fonctions logistiques.
Agissant en coordination avec les armées et les directions centrales interarmées, ces dernières étant représentées au sein du CPCO/J4, le bureau logistique du CPCO procède à la désignation de l'armée pilote du soutien (APS) pour chaque opération.
4.1.3. EMA/CPCO/J8.
Il agit essentiellement dans le domaine financier et assure :
- la planification et l'estimation des coûts des options stratégiques militaires ;
- l'élaboration des directives et ordres relatifs à la prise en charge des dépenses ;
- le suivi du coût des forces assignées aux opérations ;
- la facturation des prestations des armées imputables à d'autres ministères ou nations ;
- le suivi de l'instruction des dossiers concernant les dépenses communes partagées (OTAN, UE) ;
- le suivi des remboursements multinationaux et bilatéraux, y compris dans le cadre de l'ONU.
4.1.4. Centre interarmées de coordination de la logistique en opération.
Créé en juin 2007, le centre interarmées de coordination de la logistique en opération (CICLO) sera progressivement opérationnel à compter du deuxième semestre 2008.
4.1.4.1. Mission du centre interarmées de coordination de la logistique en opération.
Subordonné à l'EMA/CPCO, et agissant en liaison étroite avec les théâtres, les armées et les services interarmées, le CICLO est maître d'ouvrage délégué (45) pour la conduite du soutien des opérations extérieures.
À ce titre :
- il est tenu informé du niveau des ressources (46) des théâtres et des risques de rupture d'approvisionnement ;
- il rationalise la satisfaction des besoins ;
- il coordonne le soutien des opérations et de la montée en puissance des dispositifs d'alerte.
Il exerce son action du déclenchement d'une opération à son désengagement, et sera en mesure, à partir de 2009, de l'étendre au soutien des exercices interarmées nationaux et multinationaux ainsi qu'à celui des forces interarmées pré positionnées.
4.1.4.2. Tâches du centre interarmées de coordination de la logistique en opération.
Au profit du CPCO, le CICLO :
- est associé aux travaux de planification ;
- rédige et diffuse aux armées et aux services interarmées les ordres de niveau interarmées ou participe à leur rédaction ;
- exploite les informations émanant des théâtres ;
- participe à l'élaboration des comptes-rendus logistiques de niveau interarmées ;
- propose les évolutions des dispositifs logistiques des théâtres ;
- prépare les éléments nécessaires à une prise de décision ;
- peut participer à des missions d'audit.
En liaison avec les armées, les services interarmées, le CMT et les théâtres, le CICLO :
- recueille et exploite l'information relative aux ressources disponibles sur les théâtres ;
- identifie les risques de rupture d'approvisionnement, alerte et propose les mesures appropriées ;
- instruit les demandes exceptionnelles (47) des théâtres et les demandes relatives aux capacités mutualisables ;
- s'informe en tant que de besoin des autres demandes ;
- s'assure de la cohérence des actions de soutien impliquant conjointement plusieurs acteurs ;
- fixe au CMT les priorités d'acheminement ;
- relève les dysfonctionnements et fait prendre les mesures correctives aux armées ou services interarmées concernés ;
- saisit toute opportunité de rationalisation ou de mutualisation ;
- rédige et diffuse des ordres de conduite aux armées et services interarmées dans son périmètre de compétence.
Le CICLO assure une veille permanente. Il poursuit sa montée en puissance.
4.1.5. Le centre multimodal des transports.
Créé le 1er juillet 2007, le centre multimodal des transports (CMT) sera progressivement opérationnel et atteindra ses pleines capacités opérationnelles à l'été 2009.
4.1.5.1. Missions du centre multimodal des transports.
Il est chargé de la planification/programmation et de la conduite des acheminements stratégiques (AS) au profit de l'ensemble des forces armées, des autres départements ministériels et des alliées ou nations étrangères, suivant les accords en cours.
Son champ d'application couvre les opérations extérieures ou intérieures, dans leur phase de projection des forces, de soutien, de relèves et de désengagement, les exercices et le soutien des forces pré positionnées. Il agit dans une perspective multimodale afin d'offrir les meilleures solutions d'acheminement à ses différents clients.
4.1.5.2. Tâches du centre multimodal des transports.
Au profit du CPCO, le CMT est principalement chargé des tâches suivantes [cf. note 749/EMA/SLI/4/ du 9 mai 2007 (n.i.BO)] :
- centralisateur de demandes (48) ;
- organisateur de l'AS ;
- arbitre fonctionnel (hors opérations) ;
- expert financier ;
- responsable de l'emploi des crédits ;
- expert technique ;
- arbitre technique ;
- organisateur de transit ;
- gestionnaire de containeur et des palettes spécifiques.
4.1.6. Les états-majors opérationnels d'armées.
Les états-majors opérationnels (EMO) et les divisions (ou bureaux) opérations des directions de services interarmées sont les points d'entrée des armées pour la planification et la conduite des opérations.
4.1.7. Le responsable du soutien (ASIA/ADCONFRANCE/COM SNF).
Le COMANFOR dispose d'un adjoint soutien interarmées ASIA dans le cas d'une opération nationale, et d'un ADCONFRANCE dans le cas d'une opération multinationale. Dans les deux cas, cette autorité est responsable (49) du soutien national France (SNF).
4.1.7.1. ADCONFRANCE / COM SNF.
Le chef d'état-major des armées désigne une autorité, dénommée ADCONFRANCE, voire COM SNF, pour rationaliser l'emploi des moyens des différentes armées et services et sauvegarder les ressources nationales, en optimisant le soutien des unités françaises.
Cette responsabilité peut être confiée au REPFRANCE auprès du commandant de la force, à son conseiller soutien intégré dans son cabinet ou à une autorité française, en fonction du volume de force engagé, du nombre de composantes d'armée qui participent à cette force, de la durée prévisible de l'opération ou de tout autre facteur (50). Dans les opérations importantes, l'ADCONFRANCE dispose d'un PC particulier (51) pour remplir sa mission.
La mission de l'ADCONFRANCE consiste à :
- optimiser et rationaliser le soutien administratif et logistique national ;
- assurer la coordination du soutien avec la force et les alliés ;
- exercer, au niveau du théâtre, les responsabilités découlant des missions de nation pilote du soutien ou de nation spécialiste de rôle, lorsque la France les assume.
Le REPFRANCE auprès du commandant de la force (52) est autorité de coordination nationale (53). À ce titre, l'ADCONFRANCE lui est subordonné. Le REPFRANCE lui délègue la responsabilité d'autorité de coordination nationale dans le domaine du soutien. Par ailleurs, il reçoit délégation des autorités organiques dans certaines fonctions (ou sous-fonctions) de soutien.
Pour cela :
- il veille à la prise en compte du besoin des unités françaises et à la préservation des moyens nationaux de soutien employés au profit de la force, en liaison avec l'état-major du commandant de la force (CJ4), qui est autorité de coordination du soutien logistique, et le centre de coordination et de mise en oeuvre (MJLC) ;
- il coordonne les actions de soutien conduites au profit des forces françaises, ou par les unités de soutien françaises, dans le cadre de nation pilote du soutien, de nation spécialiste dans un rôle, du soutien mutuel ou des unités logistiques multinationales, en liaison avec la force (CJ4 et MJLC, voire CJ8) et les autorités administratives et logistiques des autres contingents ;
- il est responsable du soutien apporté par la nation hôte aux forces françaises dans le cadre des arrangements bilatéraux (SOFA), en liaison avec la force multinationale, dont le commandant est autorité de coordination ;
- il assure le contrôle administratif (54) des unités françaises déployées sur le théâtre, dans les fonctions (ou sous-fonctions) de soutien (55) pour lesquelles il a reçu délégation des autorités organiques ;
- il assure, au titre de sa responsabilité d'autorité de coordination nationale du soutien, la coordination du soutien administratif et logistique des unités françaises, entre les armées et services, dans les fonctions pour lesquelles il n'a pas reçu de délégation (56) des autorités organiques. Il peut exiger que les représentants des armées ou services se consultent et doit s'efforcer d'obtenir un accord par la discussion. Au cas où cet accord s'avère impossible, il rend compte au REPFRANCE ;
- il assure généralement, par délégation du REPFRANCE, le contrôle opérationnel (OPCON) des éléments de soutien national (ESN).
Bien que des liaisons directes autorisées (57) permettent aux unités déployées de traiter avec les structures de soutien de métropole des affaires courantes relatives au soutien (dans les fonctions qui restent de la responsabilité de chaque armée ou service), l'ADCONFRANCE est tenu informé en permanence de la situation administrative et logistique de ces unités et des demandes pouvant avoir une incidence sur les flux.
L'ADCONFRANCE dispose généralement d'un état-major et de structures interarmées dont l'articulation et le volume sont fonctions des missions à remplir. Y sont insérés des adjoints ou experts aux niveaux requis. L'état-major de l'ADCONFRANCE s'articule généralement autour des fonctions de soutien et des sous-fonctions décrites plus haut. L'ADCONFRANCE et ses services ont, dans le cadre de leurs attributions, une liaison fonctionnelle directe avec l'EMA/CPCO, le CICLO, les armées (pilote du soutien ou non) et les services interarmées.
Sur le théâtre d'opération, ils oeuvrent en étroite relation avec le commandant de la force (J4), le REPFRANCE auprès du commandant de la force, les commandants de composante (J4 et MNLC), la nation hôte et toutes les unités nationales présentes sur le théâtre.
Ces relations impliquent l'existence de réseaux protégés « spécial France » et de moyens SIC appropriés entre les éléments français, et d'une liaison avec la force (CJ4 et MJLC) par l'intermédiaire d'un réseau spécifique ou plus généralement de mise en place d'éléments de liaison.
4.1.7.2. L'adjoint du soutien interarmées.
Dans le cadre d'une opération nationale, le COMANFOR dispose d'un adjoint soutien interarmées (ASIA), désigné par le CEMA. Adjoint direct du commandant de la force, il a rang sur le chef d'état-major (à moins que les deux fonctions ne soient cumulées). Il est chargé, en particulier, de veiller à la coordination des actions de soutien menées par les forces pré-positionnées, et les unités projetées. En fonction de la situation, le COMANFOR peut lui déléguer l'OPCON des unités de soutien.
L'ASIA peut disposer d'une DIV LOG et d'une DIRCOM dont les caractéristiques sont semblables à celles dont dispose l'ADCONFRANCE.
4.1.7.3. Le soutien pétrolier.
La cellule est placée sous la responsabilité technique du directeur central du SEA (DCSEA), représenté sur le théâtre par l'AISP (placé auprès de l'ADCONFRANCE ou de l'ASIA).
Ce soutien est organisé autour de trois domaines :
- gestion des marchés ;
- comptabilité et facturation des produits pétroliers ;
- transport, stockage, distribution, contrôle de qualité, maintenance.
4.1.7.4. Le soutien santé.
Cette cellule est placée sous l'autorité technique du COMSANTE, adjoint santé auprès de l'ADCONFRANCE. Elle a pour mission de conduire la manœuvre santé et de veiller à la cohérence du dispositif sanitaire.
4.1.7.5. Le directeur du commissariat à vocation interarmées.
4.1.7.5.1. Cadre général.
Le directeur du commissariat à vocation interarmées (DIRCOM) est un commissaire désigné à cet effet sur un théâtre. Il est responsable sur le théâtre d'opération des missions de son service au profit de l'ensemble de la force. Son action s'intègre dans le cadre juridique et organisationnel des forces projetées et regroupe l'ensemble des activités visant à satisfaire les droits individuels et collectifs tout en garantissant le respect du cadre légal et réglementaire. Elle intègre la fonction financière (58), la fonction marchés (à l'exception des marchés de fourniture de produits pétroliers qui sont de la responsabilité du SEA), la fonction contentieux et la fonction juridique.
Les DIRCOM sont soumis à une double subordination :
- au plan fonctionnel, soit à l'autorité exerçant le commandement du soutien national en opération multinationale soit directement au commandant de la force en opération nationale (COMANFOR) dont il est le conseiller administratif, juridique et financier ;
- au plan organique, en fonction de l'armée pilote du soutien, au directeur central de leur commissariat d'appartenance pour les commissaires de l'armée de terre et de la marine, au directeur central du service de l'administration générale et des finances de l'armée de l'air (DC-SAGF AA) pour les commissaires de l'air.
Le DIRCOM est assisté de représentants des différentes armées présentes sur le théâtre. Il est en relation avec ses homologues de la Nation hôte ou des armées alliées participant à l'opération.
4.1.7.5.2. Soutien administratif.
Le directeur du commissariat en opération extérieure assure :
- pour le compte du ministre, la vérification des comptes des formations et la préservation des droits individuels en matière de rémunération, d'imposition et de pension du personnel militaire ;
- par délégation de l'ADCONFRANCE, les opérations prévues par les dispositions en vigueur dans chaque armée en matière de surveillance administrative et technique (SAT) ;
- sur délégation, au titre de la directive administrative et logistique (DAL) :
- le règlement des affaires juridiques, des questions fiscales et douanières de sa compétence ;
- l'administration du personnel civil local (contrats, rémunérations et charges sociales) ;
- les formalités liées aux affaires mortuaires ;
- sur délégation du SGA/DAJ, le règlement du contentieux extracontractuel ;
- sur désignation du COMANFOR ou de l'ADCONFRANCE (59), la direction du service de l'état civil de la force.
4.1.7.5.3. Soutien financier.
En matière financière, le DIRCOM est :
- ordonnateur secondaire pour l'ensemble des crédits mis à disposition du théâtre. Il est le correspondant unique du comptable public auprès duquel il est accrédité (60) et le responsable de la vérification des comptes des formations. Il mandate les crédits qui lui sont délégués par les services gestionnaires pour les dépenses effectuées sur le territoire ;
- le pouvoir adjudicateur (PA) pour les marchés passés par les forces françaises, et les contrats passés en la forme.
Il assure le suivi des compensations et des remboursements entre nations.
4.1.7.6. Le chef de la division logistique.
L'ADCONFRANCE ou l'ASIA dispose de structures interarmées dont l'articulation et le volume sont fonction des missions à remplir. Y sont insérés des experts aux niveaux requis. La division logistique est chargée des opérations de conduite du soutien et de transports interarmées, et de faciliter le soutien spécifique à chacune des armées.
L'organisation de la division logistique peut s'appuyer sur les domaines suivants.
4.1.7.6.1. Soutien de l'homme et condition du personnel.
Pour la satisfaction des besoins des formations en approvisionnements du commissariat.
Pour le suivi des crédits et la mise en œuvre de la CPO sur le théâtre.
4.1.7.6.2. Maintenance et munitions.
Pour la mise en place et la gestion des matériels et des munitions auprès des unités déployées.
Pour la maintenance des équipements.
4.1.7.6.3. Soutien au stationnement.
La cellule soutien au stationnement a pour mission de conduire la manœuvre infrastructure. Ce domaine s'articule autour des pôles suivants :
- étude et maîtrise d'œuvre (l'assistance à la maîtrise d'ouvrage est assurée par le CNIT - coordinateur national de l'infrastructure de théâtre, subordonné à l'ADCONFRANCE) ;
- administration-budget ;
- gestion des infrastructures (dossiers d'immeubles) et conduite des travaux ;
- étude et suivi des schémas directeurs ;
- maintenance des installations techniques d'infrastructure.
La cellule soutien au stationnement est placée sous l'autorité technique du CNIT quand il est mis en place (travaux d'infrastructure visant à installer la force dans la durée).
4.1.7.6.4. Acheminements.
Les mouvements, transits et transports (MTT) sur le théâtre ainsi que la coordination des mouvements inter théâtre avec le CMT sont du ressort du CCITTM (61), rattaché généralement à l'ASIA ou à l'ADCONFRANCE.
4.1.7.6.5. Autres domaines.
Les domaines transverses de la protection de l'environnement et de l'élimination des déchets sont coordonnées au niveau du chef de la division logistique.
4.1.8. La base logistique interarmées de théâtre.
Organisme interarmées déployé sur le théâtre dans une aire géographique à caractère national ou multinational, la BLIAT (62) (63) soutient toutes les composantes de la force française dévolues au théâtre d'opération, voire certaines unités alliées selon les accords établis.
La BLIAT relais entre la métropole et le théâtre d'opération, est un échelon logistique fixe chargé de la conduite de la manœuvre logistique au niveau du théâtre. Pouvant être subordonnée à l'ADCONFRANCE ou à l'ASIA, la BLIAT est chargée de mettre en œuvre les moyens et les ressources de son niveau nécessaires au soutien des formations des niveaux opératif et tactique. La BLIAT assure également la continuité entre les organismes chargés du soutien et des transits sur le territoire métropolitain et le dispositif logistique de théâtre.
4.2. Opérations nationales.
L'action autonome en national n'est qu'un cas particulier dont l'organisation du soutien dérive des structures adoptées dans le cadre des engagements multinationaux. Elle peut se caractériser par la fusion des deux chaînes de commandement. C'est pourquoi il convient de disposer d'une structure suffisamment souple permettant de passer d'une organisation nationale à un dispositif multinational et inversement.
4.2.1. Organisation du commandement logistique en opération : niveau stratégique.
La définition des objectifs du soutien, l'emploi des services interarmées et, plus généralement, la cohérence et la coordination générales du soutien relèvent de l'EMA/CPCO qui exerce la permanence et la continuité du commandement de l'opération. Ses décisions sont élaborées en concertation avec le CICLO, le CMT, les états-majors d'armée et les directions des services interarmées, notamment pour les sujets relevant de leurs attributions organiques. Elles peuvent se traduire par des ordres de conduite logistiques en liaison avec le CICLO, voire des modifications au plan d'emploi des transports demandées au CMT. Ces fonctions impliquent la chaîne de commandement opérationnel et les chaînes organiques, dont les actions se conjuguent au sein de la force constituée et projetée.
Les états-majors d'armée et les directions des services interarmées conduisent les opérations de montée en puissance et de mise sur pied de la force et de ses éléments logistiques, puis communiquent à l'EMA la composition des éléments à acheminer. Les commandants des plates-formes choisies pour le soutien de proximité recensent leurs moyens et font état des besoins éventuels de renforcement. Le commandement des opérations spéciales (COS) et la direction du renseignement militaire (DRM) assurent leur préparation spécifique et expriment vers l'EMA/CPCO leurs besoins de soutiens non spécifiques.
4.2.2. Organisation du commandement logistique en opération : niveau opératif.
Sur le théâtre d'une opération nationale coexistent une responsabilité opérationnelle exercée par le COMANFOR et une responsabilité organique propre à chaque armée et service interarmées. Le niveau opératif, interarmées, est dirigé depuis le PC du COMANFOR. Les cellules composant ce dernier mettent en œuvre les fonctions opérationnelles (J1 à J9), le cas échéant avec le concours des centres de mise en œuvre spécialisés.
4.2.2.1. Le commandant de la force.
Le commandant de la force est responsable de la mise en œuvre des moyens logistiques de l'échelon opératif pour remplir sa mission et maintenir au niveau requis le potentiel des différentes composantes tactiques.
Chargé de la planification, de la conduite et du soutien de l'ensemble des actions menées sur le théâtre, il est responsable de :
- la coordination des forces qui agissent ou transitent dans sa zone de responsabilité. Il assure le contrôle et la sécurité des mouvements de mise en place et de désengagement ;
- l'application des règles d'engagement et le respect du cadre juridique défini ;
- la conduite du soutien interarmées de théâtre ;
- la relation avec la (les) nation(s) hôte(s).
Les responsabilités organiques de chaque armée et service interarmées sont exercées par les commandants de composante d'armée (terre, marine, air) et les directeurs de services interarmées du théâtre.
4.2.2.2. Le poste de commandement de force.
Lorsqu'il est activé, le rôle majeur d'un poste de commandement (PC) de force consiste alors à planifier et conduire les opérations interarmées d'un théâtre, coordonner les opérations des composantes, mais également assurer la conduite des actions de ce niveau qui en découlent : relations locales avec les instances politiques et diplomatiques, relations avec les organisations internationales, avec les médias. Sa structure est calquée sur les standards de l'OTAN.
Les attributions du J4 sont les suivantes :
- conception logistique du niveau théâtre ;
- planification de la manœuvre logistique interarmées, rédaction des annexes R et S de l'OPLAN ;
- rédaction des directives particulières aux différentes armées ou services interarmées ;
- conduite du soutien par domaine et par armée, ou interarmées (cas du SSA, du SEA et du SID) ;
- recueil, suivi, exploitation et synthèse des comptes-rendus logistiques ;
- conception/suivi de l'organisation des flux des mouvements (air, mer et surface) sur le théâtre ;
- étude des besoins supplémentaires en régulation, transit, transport et appui -mouvement ;
- relation avec la (les) nation(s) hôte(s) en terme de soutien (HNS).
4.3. Environnement multinational.
4.3.1. Principes.
Dans les opérations OTAN/UE, la responsabilité du soutien étant partagée, il existe une chaîne multinationale de commandement chargée de coordonner la logistique et les mouvements et une chaîne nationale de commandement, partant du CEMA (EMA/CPCO), représentée par :
- le commandant de l'opération (COPER) est une autorité disposant d'un état-major permanent (voire spécifiquement désigné), ou ad hoc dans le cadre d'une coalition de circonstance, qui assure la planification et la conduite de l'opération au niveau stratégique ;
- le commandant de la force (COMANFOR) relève directement du commandant de l'opération, et assure la conduite des opérations sur le théâtre au niveau opératif. L'engagement français est assorti d'une participation française à tous les niveaux de planification, de décision et de conduite des opérations ;
- le REPFRANCE auprès du COMANFOR dont le rôle politico-militaire est de contrôler la conformité de l'emploi des forces françaises mises à la disposition du commandement multinational. Le REPFRANCE auprès du COMANFOR détient l'OPCON sur les éléments de soutien national déployés sur le théâtre ;
- l'ADCONFRANCE (64) (65) : désigné par le CEMA, subordonné au REPFRANCE auprès du COMANFOR, il est chargé par délégation du REPFRANCE du contrôle administratif des forces françaises engagées. Il a de ce fait autorité sur l'ensemble des formations de soutien françaises, intégrées ou non à la force multinationale, la logistique demeurant en dernier ressort une responsabilité nationale ;
- des REPFRANCE (representative France) sont normalement désignés auprès du COMANFOR et du COPER. Sauf accord explicite, chaque nation est responsable de la projection et de la remise à niveau des moyens dont elle est détentrice (unités logistiques et ressources). Par défaut de moyens propres, le soutien des services et des organismes interarmées incombe aux formations bénéficiaires ou à des unités désignées.
Les unités françaises, dénommées « éléments de soutien national » (ESN), ont pour mission de soutenir les forces françaises et les personnels insérés. Ce soutien reste sous contrôle opérationnel national du REPFRANCE auprès du COMANFOR (ou de l'ADCONFRANCE, par délégation). Ces unités peuvent participer au soutien d'unités étrangères (cadre d'accords bilatéraux).
Dans les deux cas, le REPFRANCE auprès du COMANFOR assure l'ADCON sur les unités françaises, pour les fonctions déléguées par les autorités organiques et les directeurs de service. L'ADCON peut être délégué à l'ADCONFRANCE
Les modalités particulières de soutien sont définies dans le cadre de règles nationales, par des accords de soutien ou des arrangements multilatéraux préalables à l'engagement. Sauf décision contraire, la fourniture de prestations entre armées alliées (transport, ravitaillement,...) s'effectue à titre onéreux. Le règlement de ces prestations peut intervenir sur le théâtre ou au niveau central, par remboursement ou prestations réciproques. Le commandant d'une force multinationale peut être autorisé à redistribuer certaines ressources françaises à d'autres contingents nationaux (cf. MC 319/2 dans un cadre OTAN) selon des conditions précisées par la déclaration de TOA (transfer of authority).
4.3.2. Les structures de commandement logistique multinational à l'échelon stratégique.
Les autorités des pays et de l'organisation concernée (OTAN, UE) ont une responsabilité collective en matière de soutien logistique des opérations. Le commandant allié est chargé de l'organisation générale du soutien, de la définition des niveaux de stocks, de la coordination des moyens de soutien des chaînes logistiques nationales en cherchant à favoriser les solutions les plus économiques par la multinationalité, et de la mise en œuvre des moyens mis en commun par les nations (66). Toutefois, en dernier ressort, il incombe à chaque pays d'assurer le soutien logistique de ses forces affectées (OTAN, UE).
Un état-major multinational et interarmées intégrant un bureau logistique est mis sur pied. Il est chargé des questions de planification et émet des directives de coordination logistique, conformément au concept logistique de l'organisation concernée (OTAN, UE).
Dans le cas d'une opération commandée par l'OTAN, deux cellules, dont le rôle est d'assurer la coordination entre le commandant de l'opération et les commandants stratégiques nationaux, sont activées :
- l'AMCC (allied movement coordination centre) qui coordonne les plans nationaux de déploiement, transport et ravitaillement pour ce qui concerne l'acheminement stratégique ;
- le MNJLCC (multinational joint logistic coordination centre) qui assure la coordination logistique. Son rôle devrait être prépondérant dans les phases initiales de la planification (phase de consultation). Il traite des questions du niveau stratégique ainsi que des difficultés qui n'ont pu trouver de solution sur le théâtre.
4.3.3. Le commandement logistique multinational à l'échelon opératif.
Le partage des responsabilités logistiques entre les nations participantes et la ou les nations hôtes conditionne la définition des attributions de chacun. L'organisation générale peut varier selon la taille du théâtre et la complexité de l'opération.
Le commandant de la force (COMANFOR) exerce, par délégation du COPER, le contrôle opérationnel (OPCON) des composantes de la force. Il est responsable de la planification, de la conduite et du soutien de l'ensemble des actions menées sur le théâtre. La logistique est traitée au sein du PC de force par le CJ4 (Combined Joint 4, bureau logistique interalliés interarmées), chargé de la planification et de la conception de ce niveau, et par un MJLC (centre de coordination et de mise en œuvre logistique). Ces deux organismes peuvent être fusionnés. Le MJLC peut avoir autorité sur une base logistique multinationale (MNLOG base) englobant ou non les bases nationales, et a autorité sur les MILU lorsqu'elles existent. Dans le cadre de la NRF (NATO response force) les fonctions du MJLC sont accomplies par un Joint Logistics Support Group (JLSG) pour les fonctions de soutien interarmées de niveau théâtre.
La chaîne nationale, constituée des éléments de soutien national (67) (ESN) ou « national support element » (NSE), est chargée du soutien des unités françaises et du soutien fourni par la France à l'ensemble de l'opération. Sous couvert d'arrangements particuliers, les unités relevant de cette chaîne peuvent être chargées du soutien de contingents étrangers, voire d'une partie du soutien de la force. Les unités relevant des ESN sont sous contrôle opérationnel national (ADCONFRANCE sur délégation du REPFRANCE), mais peuvent être mises sous contrôle ou commandement tactique de commandants multinationaux
La coordination logistique des composantes aérienne et terrestre est faite au niveau du MJLC. La composante maritime peut bénéficier d'une organisation particulière [MNLC (M) : multinational logistic command], chargée de la mise en œuvre du soutien et en particulier des ravitaillements. Ces actions doivent être coordonnées avec le MJLC.
Les échelons de conduite opérationnelle alliés sont informés de la situation des éléments français à travers la chaîne opérationnelle (cf. MC 319/2). En ce qui concerne les comptes-rendus de situation logistique ou les ressources, la France rend compte de la situation des unités positionnées dans la chaîne multinationale ou exerçant un soutien multinational d'ensemble (LN et RSN). Les unités relevant du soutien national ne font pas de comptes-rendus, sauf arrangements particuliers.
4.3.4. La chaîne de soutien national en milieu multinational.
4.3.4.1. Principes.
La France, comme ses alliés, déploie une chaîne nationale de soutien. L'architecture générale de l'organisation logistique de l'opération et la définition de la contribution française sont validées par le CEMA dans le cadre du processus d'approbation du plan d'opération.
L'EMA/CPCO participe aux conférences de planification. Il est pilote national pour la rédaction des textes juridiques nécessaires et approuve l'emploi des forces françaises tel qu'il est prévu par l'ordre d'opérations interalliés. Il diffuse les ordres nationaux correspondants. Un plan national, complément du plan interallié, définit les particularités de l'engagement français.
Dans le cas des opérations conduites par la gendarmerie nationale sans engagement des autres armées, la DGGN participe aux conférences de planification en liaison avec l'EMA/CPCO et le CMT.
4.3.4.2. Le commandement du soutien français.
L'ADCONFRANCE est désigné par le CEMA. Il reçoit par délégation du REPFRANCE placé à l'échelon opératif la responsabilité de la conception et de l'exécution du soutien administratif et logistique national de théâtre. Il doit s'assurer de l'adéquation du soutien dont il a le contrôle, en termes de qualité, de quantité et d'interopérabilité, aux forces françaises et étrangères déployées (en fonction des accords conclus) conformément aux intentions du COMANFOR et du REPFRANCE.
Pouvant assurer l'OPCON des ESN par délégation du REPFRANCE auprès du COMANFOR, l'ADCONFRANCE est chargé d'assurer dans les mêmes conditions le contrôle administratif (ADCON) de l'ensemble des éléments français sur le théâtre. Certaines compétences peuvent lui être directement déléguées par les autorités organiques et les directeurs de services français. Il œuvre en liaison avec le commandant de la force et les commandants des forces opérationnelles françaises au travers des structures de coordination mises en place.
Les domaines d'action de l'ADCONFRANCE sont les suivants :
- satisfaction des besoins des commandants opérationnels français dans le cadre des allocations consenties, et ceux du commandement multinational en assurant, au niveau théâtre / opératif, le soutien propre (68) du contingent français dans les différentes fonctions ;
- mise en œuvre des protocoles de soutien entre armées et services interarmées ainsi que les arrangements techniques au profit des contingents étrangers et de la force multinationale ;
- garantie du contrôle national des ressources déployées sur le théâtre.
Responsable de l'exécution du soutien administratif et logistique sur le théâtre, il gère :
- les soutiens;
- les flux de personnel ;
- l'emploi et la mise en œuvre des ESN ;
- la coordination interarmées et multinationale des opérations logistiques ;
- les relations avec la Nation hôte.
Pour ce faire, l'ADCONFRANCE est en liaison :
- avec la chaîne organique de soutien en métropole, les ESN, les USN (unités spécifiques nationales) et les éléments français de la force déployés sur le théâtre ;
- avec le REPFRANCE ;
- directe autorisée (LDA) avec le PC du COMANFOR, le MJLC, les organismes logistiques spécifiques de la force et les commandants de composantes soutenues.
Il peut avoir sous ses ordres la base logistique interarmées de théâtre (BLIAT) (voir point 4.1.9. et 6.1.3.2.) et reçoit des directives de coordination des organismes multinationaux de même niveau (CJ4/MJLC), notamment dans les domaines mouvement, stationnement et déploiement.
Pour remplir ces différentes fonctions administratives et logistiques, l'ADCONFRANCE dispose d'une direction du commissariat à vocation interarmées (DIRCOM) et d'un état-major de conduite du soutien (DIVLOG) dont l'articulation et le volume sont fonction de l'effectif des forces à soutenir et des missions à remplir (cf. point 4.1.7. et 4.1.8).
4.3.4.3. Schéma de synthèse.
5. PLANIFICATION ET ÉLABORATION DES ORDRES.
Il convient de définir les capacités nécessaires au soutien de l'opération envisagée et de concevoir une organisation capable de conduire et d'adapter, en nature, en volume et selon des priorités, les flux nécessaires à l'entretien des forces sur le théâtre.
5.1. Le processus décisionnel national.
Il ne peut y avoir d'anticipation que si le soutien est pris en compte dès le début des travaux de planification.
5.1.1. La planification prédécisionnelle.
Les travaux de préparation de la planification militaire peuvent débuter dès la perception d'une situation de crise ou d'une menace qui intéresse ou qui concerne la France. Si nécessaire, les moyens de renseignement nationaux sont orientés afin de préciser les indices de la crise, compléter ou mettre à jour les bases de données « renseignement », recueillir les éléments nécessaires à d'éventuels travaux de planification. La planification prédécisionnelle se conclut, le cas échéant, par la rédaction d'une ou plusieurs directives initiales de planification. Chaque directive initiale de planification (DIP) est bâtie autour d'une option stratégique qui traduit la forme de l'engagement militaire envisagé. Une fois la DIP validée, les travaux de planification opérationnelle peuvent débuter.
Le soutien d'un théâtre d'opérations est analysé lors de la planification prédécisionnelle, préalable à la décision d'engagement. Ces travaux de planification sont utilisés comme support pour le choix de l'organisation générale du soutien qui sera arrêtée une fois la décision d'engagement prise.
5.1.2. La planification opérationnelle.
La planification logistique intervient dès la phase d'orientation :
- temps 1 : étude de faisabilité et recensement des potentialités et limites logistiques ; étude des caractéristiques logistiques (données juridiques, socio-économiques, géographiques,….) ;
- temps 2 : conception de l'organisation logistique ; appréciation des forces et faiblesses logistiques de chacun des modes d'action en contribuant ainsi à leur hiérarchisation.
Le principe d'anticipation se décline alors de la façon suivante : organisation des formations, définition des moyens logistiques, puis élaboration des ordres pour mise en place en premier échelon d'un accueil des unités.
Les adaptations ultérieures, tenant compte du déroulement des opérations sur le théâtre, constituent la conduite du soutien.
Chaque fois que cela sera possible, les travaux de planification et la mise au point de l'organisation du soutien seront précédés de missions de reconnaissance qui complètent l'expertise initiale de théâtre. Elément essentiel de la manœuvre, le soutien constitue un critère majeur de faisabilité des modes d'action envisagés. L'organisation du soutien et la mise en place d'une partie des moyens nécessaires doivent, sauf exception, précéder l'engagement des forces.
Dans un cadre général d'emploi, le soutien demeure en dernier ressort une responsabilité de chaque nation.
Dans un souci de cohérence avec le concept d'emploi des forces, le soutien de la force doit être conçu dès la phase de planification, dans un cadre interarmées, voire multinational, permettant d'emblée un engagement d'une durée de l'ordre de 30 jours (69). Ce délai doit permettre de mobiliser les ressources et d'organiser des flux adaptés à la durée réelle et aux spécificités de l'opération.
Le processus de planification du soutien logistique comprend cinq actes [cf. INS 1000/DEF/EMA/EMP1 de septembre 2002 (n.i.BO) - PIA 00-200] :
- la définition d'une organisation du soutien adaptée à l'opération ;
- la diffusion des ordres pour doter la force de capacités logistiques permettant un fonctionnement efficace sur le théâtre ;
- la définition de l'autonomie initiale permettant de préserver les capacités opérationnelles jusqu'à l'établissement d'un flux de soutien régulier ;
- la mise en place, puis le désengagement de la force ;
- le dimensionnement des flux permettant de garantir en permanence la capacité opérationnelle de la force.
5.2. La planification logistique dans un cadre multinational.
Les grandes étapes de la planification logistique [INS n° 4000/DEF/EMA/EMP3 du 12 juin 2002 (n.i.BO) PIA 05-200] sont les conférences de planification initiale (ILPC : initial logistic planning conference), de planification principale (MLPC : main logistic planning conference), de planification finale (FLPC : final logistic planning conference) et éventuellement de révision (OLRC : operations and logistic review conference).
Le processus de planification opérationnelle est coordonné, au niveau national, par l'EMA/CPCO/J4.
5.2.1. Conférence initiale de planification.
L'conférence initiale de planification (ILPC) se situe au niveau stratégique. Elle est normalement programmée par le COPER dès que le concept d'opération (CONOPS) est approuvé. Cette conférence permet au COPER de définir les grandes lignes logistiques spécifiques à l'opération planifiée (afin de développer les annexes de l'OPLAN relatives au soutien) et de fournir aux Nations les premiers éléments qui initialiseront leur propre planification logistique.
5.2.2. Conférence principale de planification logistique.
La conférence principale de planification logistique (MLPC) se situe également au niveau stratégique mais doit comprendre la participation du niveau opératif (COMANFOR). Elle est programmée par le COPER dès que le premier projet d'OPLAN est disponible. Elle a pour but :
- d'informer et de discuter du plan d'opération ;
- d'identifier les points clés dans le domaine logistique, les grandes fonctions et procédures spécifiques (domaines juridique et financier, relations avec la Nation hôte) ;
- d'initier le processus d'équilibrage des forces dans le domaine logistique ;
- de résoudre les éventuels problèmes restés en suspens après l'ILPC.
Cette conférence doit permettre la rédaction de l'OPLAN et de ses annexes soutien, le lancement des négociations avec la nation hôte et le règlement des problèmes juridiques et de financement.
5.2.3. Conférence finale de planification logistique.
La conférence finale de planification logistique (FPC) peut se situer au niveau opératif. Elle se tient après l'engagement formel des Nations mais avant la diffusion de l'ACTORD (activation order). Elle finalise et coordonne l'ensemble des planifications logistiques et de soutien.
5.2.4. Conférence de révision des opérations logistiques.
La conférence de révision des opérations logistiques (OLRC) n'est planifiée qu'en cas de changement important ou de problème.
5.3. Les ordres logistiques du niveau stratégique.
5.3.1. Cas d'une opération multinationale.
L'état-major multinational du COPER rédige les annexes logistiques de l'OPLAN multinational. À partir de ces informations, l'EMA/CPCO rédige une directive administrative et logistique (DAL) pour les forces françaises, qui peut intégrer certains accords avec des Nations alliées, et qui peut être jointe au SUPPLAN français de l'opération. Cette directive précise en outre la liste des articles critiques à suivre pendant l'opération.
5.3.2. Cas d'une opération nationale.
L'EMA/CPCO rédige les annexes logistiques de l'OPLAN stratégique.
5.4. Les ordres logistiques du niveau opératif.
5.4.1. Cas d'une opération multinationale.
Le paragraphe IV de l'OPLAN, traitant du concept de soutien, est rédigé par le CJ4 du PC du COMANFOR. Pour cela, le CJ4 prend contact avec les ADCON nationaux de théâtre et peut préciser comment les différentes chaînes logistiques nationales devront exercer leur action. A partir des directives multinationales stratégiques et opératives, et des directives nationales stratégiques, l'APS française rédige un OAL de théâtre. L'ADCONFRANCE, tenu d'appliquer la DAL française, coordonne en conduite son action avec le MJLC.
5.4.2. Cas d'une opération nationale.
Le COMANFOR dispose d'un adjoint soutien interarmées (ASIA). Le CJ4 du PC du COMANFOR rédige les annexes logistiques de l'OPLAN, l'APS rédige l'OAL de théâtre.
5.5. Expertise logistique de théâtre.
« Dans le cadre d'une analyse pré décisionnelle, il s'agit de l'ensemble des connaissances et des compétences destinées à apporter une aide supplémentaire au CEMA lors de l'élaboration des options stratégiques envisageables et lors du choix d'une ou de plusieurs de ces options. Prolongée à la planification opérationnelle, l'expertise de théâtre sert à faciliter la planification et l'engagement des forces sur le théâtre d'opération concerné »[cf. PIA 05-200 du 29 septembre 2003 (n.i.BO)].
La constitution d'un réseau d'experts est un élément essentiel qui permet :
- de s'appuyer sur les structures militaires existantes (forces prépositionnées, attachés de défense, ...) ;
- de faire appel à toutes les compétences (universitaires, industrielles…) ;
- d'envoyer éventuellement du personnel sur le théâtre (équipes de reconnaissances logistiques) ;
- de créer une banque de données des personnes dotées d'une expérience opérationnelle et /ou de compétences particulières, cette démarche capitale s'inscrit bien au-delà du périmètre de la défense.
Les possibilités d'accueil de la zone sont mises à profit afin de limiter le volume des matériels de soutien à déployer. Ainsi, l'infrastructure existante sera utilisée pour satisfaire le besoin des forces dans leur installation, dans le cadre du HNS (infrastructures telles que les zones portuaires). Le ravitaillement en produits de consommation courante peut être satisfait localement.
L'analyse doit prendre en considération les structures et équipements disponibles sur le théâtre ou à proximité, les sources de ravitaillement possibles, les modes d'action multinationaux à envisager. Pour ces derniers, le choix de se porter volontaire pour les rôles de lead nation (LN) ou de role specialist nation (RSN) doit faire l'objet d'une comparaison des avantages à attendre en terme de positionnement avec les charges induites, en particulier capacitaires et financières.
5.6. Désignation de l'armée pilote du soutien.
Dès le début des travaux de planification du soutien d'une opération, l'EMA/CPCO/J4 procède à la désignation de l'armée (ou des armées), chargée de piloter le soutien. Ces travaux sont menés en concertation avec les états-majors d'armées les directions centrales de service interarmées [direction du service de santé des armées (DCSSA), direction du service des essences des armées (DCSEA)] et, le cas échéant la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), la direction du renseignement militaire (DRM), le commandement des opérations spéciales (COS).
Ce choix est principalement conditionné par l'identification d'un besoin commun de soutien. Il est influencé par la répartition géographique des forces sur le théâtre et le volume de forces engagées par chaque armée.
Il peut y avoir pour une opération et un théâtre donnés une ou plusieurs APS. Dans ce cas, il peut s'agir, par exemple, d'une armée pilote par domaine ou fonction de soutien ou d'une armée pilote par zone géographique, voire d'une combinaison de ces deux logiques.
La désignation de l'armée (ou des armées) pilote(s) du soutien est prononcée par le CEMA et est inscrite dans l'ordre d'opération. Les domaines du soutien dont la mise en œuvre est confiée à l'armée pilote du soutien sont précisés dans la directive administrative et logistique (DAL) de chaque opération.
6. LES DÉPLOIEMENTS ET LA CONDUITE DU SOUTIEN.
6.1. L'échelonnement du dispositif de soutien logistique.
Le dispositif de soutien s'appuie sur trois échelons allant de la métropole au théâtre.
6.1.1. Le soutien métropolitain.
Le dispositif de soutien métropolitain reste de la responsabilité de chacune des armées. Il s'achève sur les zones d'embarquement. Le fret et le personnel en transit sont gérés par un échelon à vocation interarmées.
6.1.2. Les acheminements stratégiques.
Le domaine acheminement stratégique est décrit au point 2.9. Il est précisé que ce dispositif interarmées relève du niveau stratégique lors de la phase de mise en place. Le dispositif de transit projeté par l'EMA est placé sous contrôle tactique des autorités de théâtre puis, en période stabilisée, le transit sur la plate-forme d'arrivée devient une responsabilité du théâtre.
Les transits sont exécutés dans un cadre interarmées sous la responsabilité du CMT. La conception, la conduite et la coordination des transits relèvent du CMT qui ordonne l'activation des districts et des escales. L'exécution des transits est assurée par les armées (70) qui mettent en œuvre :
- des districts de transit interarmées (air, mer et/ou de surface), permanents ou temporaires, sur le territoire national ;
- des détachements de transit (air, mer et/ou de surface) temporaires sur le théâtre de projection.
Avant la mise sur pied des districts et des escales décidée par le CMT, l'activation des zones de regroupement et d'attente (ZRA) est ordonnée par l'EMA/CPCO. Le SEA approvisionne en carburant les ZRA et les directions de service mettent à disposition la ressource à acheminer.
6.1.3. Sur le théâtre.
6.1.3.1. Le réception, stationnement, mouvement, intégration.
Le réception, stationnement, mouvement, intégration (RSMI) (71) est mis en œuvre dans la phase d'une opération qui suit le déploiement stratégique des unités. Ce processus consiste à organiser l'accueil du personnel, des matériels et des ressources sur un théâtre. Sa mise en œuvre facilite le déploiement et l'intégration des unités à une force prête à remplir sa mission sous un commandement unique. Le processus RSMI comprend 4 phases :
- la réception sur les points d'entrée de théâtre. Cette phase se conclut par le regroupement des unités en zone de regroupement et d'attente de théâtre ;
- le stationnement en zone de déploiement initial qui vise à rendre la force opérationnelle ;
- le mouvement des unités vers leur zone de déploiement opérationnel ;
- l'intégration des unités à la force. L'intégration peut intervenir avant le mouvement.
Avant le transfert d'autorité au commandant de la force, celui-ci exerce néanmoins le TACON sur les unités projetées.
Le processus national est compatible avec le concept RSOM (reception staging onward movement) de l'OTAN (72) et de l'UE.
La mise en œuvre du processus repose sur une bonne synchronisation des flux entrant sur le théâtre.
Par ailleurs, des unités doivent être dédiées à la protection des cibles potentielles que représentent les concentrations importantes de personnels et de matériels sur les zones de stationnement en entrée de théâtre.
Le premier élément du dispositif est la plate-forme d'arrivée. Ce dispositif de transit est sous l'autorité du COMANFOR, même lorsqu'il est mis en œuvre par une Nation pilote.
La BLIAT participe à la mise en œuvre du RSMI.
6.1.3.2. La base logistique interarmées de théâtre.
La BLIAT (73) est la zone de déploiement des moyens logistiques du niveau théâtre. Interarmées même si elle est mise en œuvre par une armée pilote, cette zone peut avoir des configurations différentes en fonction de la situation. Elle peut même être divisée en plusieurs échelons.
La marine et l'armée de l'air peuvent s'affranchir du passage par la BLIAT. Les flux s'établissent directement des dépôts de métropole, via les escales, sur le dispositif logistique de composante : base aérienne pour l'armée de l'air, points d'appui, FLS, ALSS ou port d'escale (voire bâtiment à la mer) pour la marine.
Ces modalités sont également transposables aux déploiements de forces navales pour conduire une opération à prédominante maritime n'impliquant pas la mise sur pied systématique d'une BLIAT.
La relative autonomie des forces navales, liée à l'existence de moyens spécialisés qui leur sont intégrés (pétroliers ravitailleurs, bâtiments de soutien logistique) et au volume des stocks de combat et lots d'autonomie, leur permet en effet d'opérer pendant une durée déterminée sans recourir à une aide extérieure. L'interopérabilité des procédures et de certains matériels ou combustibles permet d'accroître cette autonomie en mer, grâce aux capacités de ravitaillement auprès des bâtiments alliés présents sur le théâtre.
6.2. La conduite du soutien.
6.2.1. Principes.
Le soutien de l'opération, conduit à partir de l'ordre d'opérations (OPO), est aménagé au vu :
- des comptes-rendus de synthèse émis par le commandant de la force exposant son appréciation de la situation dans le domaine du soutien et faisant état des besoins nouveaux ou non satisfaits ;
- des comptes-rendus périodiques des armées ou organismes chargés d'assurer le soutien ;
- des comptes-rendus d'événements logistiques graves affectant le soutien des opérations.
Le soutien médical fait l'objet d'une conduite centralisée par la DCSSA, en liaison avec le CPCO.
Les états-majors d'armée et les directions de services interarmées doivent pouvoir envoyer sur le théâtre d'opérations, sur la demande de l'EMA ou avec son accord, les missions nécessaires au contrôle et à l'évaluation du soutien des éléments dont ils ont la responsabilité.
En fin d'opération, lors du retrait, un élément post curseur assure le rembarquement. Son rôle est essentiel pour régler les affaires administratives, financières et contentieuses en suspens concernant la force et le HNS.
6.2.2. Rôle de l'armée pilote du soutien.
L'armée pilote du soutien (74) est chargée de la responsabilité entière ou partielle d'une ou plusieurs fonctions domaines de soutien communes à plusieurs armées, aux services interarmées et à la gendarmerie. L'APS peut également être chargée du soutien de détachements ou de personnels d'armées étrangères en application d'arrangements techniques bilatéraux ou multilatéraux.
À cet effet, conformément aux directives de l'EMA, l'APS exerce des responsabilités :
- de conduite, en participant à la constitution de l'ossature du système de soutien et à sa mise en œuvre (chaîne opérationnelle du soutien national) ;
- de mise en œuvre des mesures de coordination ou de coopération interarmées ;
- de mise en œuvre des mesures de coopération multinationales ou bilatérales.
La responsabilité de l'APS s'applique plus particulièrement aux domaines logistiques soutien de l'homme, infrastructure, maintenance des matériels communs, soutien administratif et financier. L'APS peut également sous conditions, mettre à disposition certains équipements.
Les aspects du soutien spécifique à chaque armée, service interarmées et à la gendarmerie, restent à la charge de ceux-ci. C'est notamment le cas de la maintenance des matériels spécifiques.
6.3. Rôle de la base logistique interarmées de théâtre.
6.3.1. Principes.
Les ravitaillements sont exécutés à partir d'un stock de théâtre dont le niveau a été défini par la directive administrative et logistique (DAL). Les directives concernant le fonctionnement de la BLIAT sont fixées dans l'OAL de théâtre. La BLIAT dispose de ses stocks jusqu'à concurrence du seuil minimum fixé. Elle adresse ses demandes de recomplètement à l'ADCONFRANCE en fonction des niveaux atteints et des consommations prévisibles. Il en est de même pour toutes les demandes exceptionnelles. Pour remplir ses missions, la BLIAT s'articule autour d'un PC, d'un ensemble d'infrastructures de transit incluant ports, gares, et aéroports, ainsi que d'un ensemble de dépôts et de moyens de soutien.
6.3.2. Mission.
La mission de la BLIAT comprend la constitution, l'entretien, la distribution et la gestion de la ressource. Cette mission s'exerce au profit de toutes les composantes (terrestre, aérienne, maritime) des forces françaises. Elle peut s'exercer également au profit d'armées alliées. Dans le cas où la France est pilote pour la mise en œuvre d'installations multinationales portuaires ou aéroportuaires, les unités dédiées sont subordonnées au MJLC pour cette fonction.
7. PROCÉDURES PARTICULIÈRES.
7.1. Financement des opérations multinationales.
7.1.1. Cadre de l'organisation du traité de l'Atlantique Nord.
Le principe de base est que les coûts sont supportés par celui qui les crée, c'est à dire celui qui effectue la dépense que ce soit à son profit ou à celui d'un tiers (« cost lie where they fall »). Le financement d'une opération est une responsabilité partagée entre le commandement de celle-ci et les nations participantes.
Dans les opérations multinationales de type OTAN, on distingue ainsi trois catégories de coûts :
- les coûts communs, qui sont supportés par l'ensemble des participants ;
- les coûts partagés qui représentent des dépenses financées en commun par une partie des contributeurs à l'opération, réglant entre eux les modalités de leur participation :
- ils sont conjoints si les crédits transitent par la structure multinationale ou une de ses agences ;
- ils sont multinationaux si les nations prennent en charge la gestion ;
- les coûts nationaux qui sont supportés individuellement par chacune des nations participantes et qui représentent l'affectation par défaut des dépenses.
Les coûts communs sont associés à des dépenses qui profitent à l'ensemble de la force (75). Ils ne descendent pas en dessous des niveaux opératif et tactique (échelon des composantes). Ils couvrent principalement l'infrastructure, l'équipement et le fonctionnement des états-majors des niveaux considérés, les SIC associés, et l'infrastructure dite stratégique (APOD, SPOD, MSR, dépôts de théâtre). Une bonne élaboration des SOR (Statement of Requirements) peut permettre de basculer des coûts nationaux en coûts commun et vice versa.
Les coûts multinationaux couvrent des besoins partagés par plusieurs nations pour le fonctionnement et le soutien d'unités multinationales ou le stationnement sur une même plate-forme. C'est le régime de financement des unités multinationales de niveau tactique. La réglementation française pose certaines difficultés dans le domaine de la mise en place d'une trésorerie multinationale ou de l'acquisition partagée des moyens nécessaires, ces entités étant dépourvues d'existence juridique.
Les autres coûts étant nationaux, il s'agit de transférer les fonds nécessaires du Trésor public vers le responsable financier du théâtre. Il est possible de choisir un mode de gestion centralisé (les dépenses sont réglées à partir du territoire national) ou décentralisé. Dans ce dernier cas, les dépenses sont réglées sur le théâtre et plusieurs modes d'action sont possibles, allant de la mise en place de liquidités auprès du commandant du soutien à la mise sur pied auprès du commandant du soutien français d'un bureau payeur militaire (BPM : élément sous statut militaire du Trésor public.). Il existe des modes d'action intermédiaires qui s'appuient, soit sur l'ambassade de France et son payeur / régisseur, soit sur le réseau bancaire local.
7.1.2. Cadre de l'union européenne.
L'article 28-3 du traité sur l'union européenne ne permet pas le financement des dépenses « afférentes à des opérations ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense » à partir du budget communautaire. Ces dépenses sont donc à la charge des États membres.
Le financement par les États ayant engagé des troupes ou des équipements est généralement la règle. Ce mode de financement, comme pour les financements otaniens, est résumé par la formule « cost lie where they fall ».
Par dérogation à ce principe, certaines dépenses font l'objet d'un financement en commun, elles sont ainsi supportées par l'ensemble des États membres de l'union européenne en fonction de leur richesse nationale, qu'ils participent ou non à l'envoi de troupes à l'opération.
Par la décision 2004 /197/PESC du 23 février 2004, le Conseil a mis en place un mécanisme de financement des coûts communs des opérations de l'Union ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense, dénommé ATHENA. Cette décision fait l'objet d'une révision périodique. Sa dernière version est la décision 2007/384/PESC du 14 mai 2007.
La décision ATHENA établit la liste des coûts en opération considérés comme communs, c'est-à-dire dont le financement est mutualisé. Le périmètre d'éligibilité varie toutefois selon les situations. Selon la situation particulière d'engagement (phase de planification/approbation du CONOPS, phase d'engagement, ou désengagement), ATHENA ne prendra pas en charge les mêmes dépenses.
D'un point de vue opérationnel, il est intéressant de noter qu'ATHENA peut prendre en charge des coûts liés à la protection de la force, aux campagnes d'information, au déminage, ou encore à la lutte NRBC.
Par ailleurs, certaines dépenses font l'objet d'un préfinancement par le mécanisme ATHENA, bien que n'étant théoriquement pas éligibles à un financement en commun. Elles sont par la suite remboursées à ATHENA par les États participants à l'opération, et sont in fine supportées par ces derniers. Ces dépenses sont appelées Nation Borne Costs (NBC). Il s'agit de dépenses de soutien de l'homme, gérées pour des raisons d'économie d'échelle par le mécanisme ATHENA. Chaque État participant à une opération verse une provision au mécanisme pour qu'il soit en mesure de faire face aux dépenses de ce type.
7.2. Engagements sous mandat de l'organisation des nations unies.
Dans ce cadre, le soutien des forces est organisé en deux temps :
- initialement, les forces sont projetées avec la capacité d'assurer leur soutien de manière autonome, voire avec un renfort temporaire de moyens nationaux destinés à faciliter la phase initiale de l'opération jusqu'à l'établissement du système logistique ONU ;
- puis l'ONU pourvoit au soutien des contingents grâce à une combinaison de prestations logistiques civiles et militaires. L'approvisionnement en articles de ravitaillement spécifiquement nationaux s'effectue par le canal administratif de l'ONU qui passe les commandes correspondantes aux Nations.
Le principe général est que l'ONU assume le soutien complet de l'opération, essentiellement par le biais du financement de prestations assurées par les Nations ou le secteur marchand. Cependant, la fonction « gestion, administration et soutien santé du personnel » demeure une responsabilité nationale, et des moyens nationaux, en plus des moyens fournis sous contrat, sont parfois déployés. La préservation des intérêts financiers nationaux impose de suivre au plus près les fournitures contractuelles françaises.
Pour faire face à l'ensemble des besoins spécifiques du contingent français, une structure nationale réduite, répondant aux mêmes finalités que celles de l'ADCONFRANCE, est mise en place pour assurer les liens organiques avec la métropole. Contrairement aux opérations conduites sous commandement de l'OTAN, cette organisation n'est pas acquise de plein droit. Son existence et son statut sont donc à négocier dans le cadre de l'accord de participation.
Autonomie initiale des unités (AI) : l'AI imposée par I'ONU lors du déploiement d'une force est généralement de 60 jours, le commandement de la force se déployant au mieux en même temps que les premières unités, alors que la mise en place des circuits d'approvisionnement nécessite plusieurs semaines. Ce niveau d'autonomie peut ensuite être réduit. Cependant il reste généralement à 30 jours pour tenir compte des délais d'acheminement et des stocks de sécurité à entretenir.
Conduite centralisée du soutien : la conduite du soutien est assurée par l'état-major de la force. Le détachement adresse ses demandes à l'état-major de la force, les niveaux intermédiaires étant servis « pour information » afin de pouvoir suivre la disponibilité opérationnelle de l'unité et intervenir à son profit. Cette règle générale peut toutefois subir des adaptations.
Exécution du soutien de l'arrière vers l'avant : l'unité logistique de la force assure toutes les livraisons directement aux unités, ainsi que l'évacuation des matériels détruits ou devant être réparés à un niveau dépassant l'unité. Cependant, l'affaiblissement des capacités de transport ou la tension de la situation peuvent imposer des ruptures de charge (constitution de dépôts intermédiaires) ou l'obligation pour les unités de récupérer avec leurs propres moyens leurs approvisionnements à la base logistique de la force.
Séparation des fonctions : conduite du soutien et finances : si le soutien est conduit par la division logistique de l'état-major militaire de la force, les décisions financières, notamment pour l'achat de matériels complets ou de rechanges, sont prises au sein de la direction des affaires administratives (ONU/département des opérations de maintien de la paix).
Mixité civilo-militaire : cette mixité est une constante qui affecte tous les niveaux :
- le commandement de la force (liaison avec les financiers et les logisticiens civils) ;
- l'exécution du soutien, certaines fonctions pouvant être confiées à des sociétés civiles (transport…).
7.3. Soutien des actions en faveur des populations ou des ressortissants nationaux.
Une force peut avoir à assumer les rôles suivants :
- aide humanitaire d'urgence : apporter une aide aux populations en détresse (organiser et acheminer des secours) ou partager ce rôle avec des organisations non gouvernementales (ONG), des organisations humanitaires internationales et des organisations humanitaires d'État ;
- soutien de l'aide humanitaire : assurer le soutien de l'aide humanitaire effectuée par les ONG et les organisations internationales, conduire le transport des vivres ou de matériels, organiser les zones d'accueil, mettre à disposition des moyens, voire un soutien médical ;
- évacuation de ressortissants et de population : c'est une opération visant à mettre fin à une situation de péril imminent menaçant l'intégrité physique des populations, de façon à assurer leur survie (76). Le détachement d'intervention arrive par voie aérienne, avec une autonomie d'au moins 48 heures. Il active un centre de regroupement et d'évacuation de ressortissants (77) de dimension variable. Le soutien s'articule autour de l'inventaire des ressources locales en alimentation (vivres et eau), des capacités de réapprovisionnement en carburant (carburéacteur), de l'inventaire local des capacités dans le domaine santé (infrastructure, capacités opératoires, véhicules sanitaires, ravitaillement en sang....).
7.4. Soutien des opérations impliquant des unités de la gendarmerie nationale.
La gendarmerie nationale est la force armée destinée à prendre en compte, parfois à la suite d'une intervention militaire, la fonction de sécurité publique nécessaire à la restauration de l'État de droit. La problématique logistique est dépendante des conditions dans lesquelles s'effectuera l'engagement.
Trois catégories d'interventions sont envisageables :
- dans le cadre d'une opération militaire, les unités de la gendarmerie sont alors sous commandement opérationnel du CEMA ;
- dans un cadre civil de règlement de crise, en appui ou en complément d'une opération militaire, voire à proximité d'un dispositif des armées ; hors prévôté, les unités de gendarmerie ne sont normalement pas sous OPCOM du CEMA ;
- en dehors de tout dispositif militaire.
Du point de vue du soutien, la classification des opérations est liée principalement à l'existence ou non d'un dispositif des armées situé à proximité de la zone d'intervention.
Si un dispositif des armées existe, il prend en compte le soutien non spécifique des unités de gendarmerie. Dans le cas où les unités de gendarmerie ne sont pas sous OPCOM du CEMA, les coûts de leur soutien ne sont pas imputables au BOP OPEX. Le soutien fourni par les armées fait alors l'objet d'un protocole définissant notamment les conditions du remboursement des prestations effectuées.
Dans le cas contraire, le concept général de soutien agréé entre l'EMA et la DGGN (78) identifie les modes d'actions dans l'ordre de priorité suivant :
- recours aux capacités propres de la gendarmerie nationale ;
- externalisation (79) ;
- arrangements multinationaux avec d'autres contingents.
Seul le contexte opérationnel du moment permettra de choisir le mode de soutien le plus adapté.
Les prestations non couvertes font l'objet d'une intervention complémentaire des forces armées dans le cadre de protocoles permanents.
La question du statut du personnel des armées et des services doit être étudiée à chaque opération, l'expérience ayant montré qu'il peut y avoir des restrictions au déploiement de personnel militaire.
Dans tous les cas les armées assurent les prestations de transport stratégique, avec des moyens militaires ou affrétés, l'imputation budgétaire dépendant du cadre de l'opération.
8. TEXTE ABROGÉ.
L'instruction n° 1299/DEF/EMA/OL/5 du 4 juillet 1996 relative au soutien des opérations est abrogée.
Pour le ministre de la défense et par délégation :
Le général de corps d'armée,
sous-chef « organisation » de l'état-major des armées,
Jean-Pierre BANSARD.
Annexe
Annexe I. GLOSSAIRE.
ACM | Affaires civilo-militaires |
ACTORD | Activation order |
ADAMS | Allied deployment and movement system |
ADCONFRANCE | Administrative controller France |
AI | Autonomie initiale |
AISP | Adjoint interarmées soutien pétrolier |
ALSS | Advanced logistics support site (site de soutien logistique avancé) |
AMCC | Allied movement coordination centre |
APOD | Air port of debarkation |
APS | Armée pilote du soutien |
ASIA | Adjoint de soutien interarmées |
ASSESSREP | Assessment report |
BLIAT | Base logistique interarmées de théâtre |
BPIA | Base pétrolière interarmées |
BPM | Bureau payeur militaire |
CCITTM | Centre de coordination interarmées des transports, des transits et des mouvements |
CFLT | Commandement de la force logistique terrestre |
CICLO | Centre interarmées de coordination de la logistique des opérations |
CIMIC | Civil military co-operation |
CJTF | Combined joint task force |
CMT | Centre multimodal des transports |
CNIT | Coordinateur national de l'infrastructure de théâtre |
COMANFOR | Commandant de la force |
COMIGETRA | Commissariat général aux transports |
CONOPS | Concept d'opération |
COPER | Commandant de l'opération |
COR | Concept of requirements |
COS | Commandement des opérations spéciales |
COTIA | Centre opérationnel des transit interarmées aériens |
COTIM | Centre opérationnel des transit interarmées maritimes |
COTIS | Centre opérationnel des transit interarmées de surface |
CPO | Condition du personnel en opération |
CRER | Centre de regroupement et d'évacuation des ressortissants |
DAJ | Direction des affaires juridiques |
DAL | Directive administrative et logistique |
DCSEA | Directeur central du service des essences des armées |
DCSSA | Directeur central du service de santé des armées |
DéTIA | Détachement de transit interarmées |
DIRCOM | Direction du commissariat à vocation interarmées |
DiTIA | District de transit interarmées |
DRM | Direction du renseignement militaire |
EMA | État-major des armées |
EMA/CPCO | Centre de planification et de conduite des opérations |
EMA/CPCO/BTMAS | Bureau des transports maritimes, aériens et de surface |
ESN | Élément de soutien national |
FLS | Forwards logistic site (site logistique avancé) |
FHQ | Force headquarter |
FRI | Force de réaction immédiate |
GPO | Groupe de planification opérationnelle |
HNS | Host nation support |
HSCT | Hygiène sécurité condition de travail |
HSO | Hygiène et sécurité en opérations |
ILPC | Initial logistic planning conference |
ISSE | Indemnité de sujétion pour service à l'étranger |
FLPC | Final logistic planning conference |
LLN | Logistics lead nation |
LRSN | Logistics role specialist nation |
MJLC | Multinational joint logistics center |
MOE | Maîtrise d'œuvre |
MOA | Maîtrise d'ouvrage |
MOAD | Maîtrise d'ouvrage déléguée |
MOAFD | Maîtrise d'ouvrage fonctionnelle déléguée |
OAL | Ordre administratif et logistique |
RSMI | Réception stationnement mouvement et intégration |
SNH | Soutien par la nation hôte |