INSTRUCTION N° 211893/DEF/DGA/INSP/IPE fixant la politique en matière de munitions à risques atténués et ses modalités d'application.
Du 21 juillet 2011NOR D E F A 1 1 5 1 5 7 8 J
1. Introduction.
La présente instruction a pour objet de définir la politique française en matière de munitions à risques atténués (MURAT) et de préciser les modalités de son application au sein du ministère de la défense et des anciens combattants.
Elle constitue le document national de mise en application du STANAG (1) 4439 ratifié par la France et vise à augmenter la part relative des munitions à risques atténués dans les stocks des armées.
La présente instruction ne s\'applique pas aux armes nucléaires.
2. Généralités.
Les progrès technologiques dans le domaine des munitions ont permis le développement progressif d\'une large gamme de produits moins vulnérables aux accidents ou attaques délibérées que la majorité des munitions plus anciennes actuellement en dotation dans les forces armées. De telles munitions sont dites à risques atténués (MURAT).
Définition : selon les termes du STANAG 4439, une MURAT est une munition qui répond de façon fiable aux exigences en matière de performances, de disponibilité et de besoins opérationnels tout en réduisant au minimum la probabilité d\'initiation intempestive et la gravité des dommages collatéraux qui en résulteraient pour la plate-forme de lancement, les systèmes logistiques et le personnel quand ces munitions sont soumises à des menaces d\'accident et de combat choisies.
La cohérence d\'ensemble du concept MURAT avec les notions, proches, de sécurisation et division de risques ainsi que la justification du choix des agressions de référence sont précisées en annexe.
Les munitions à risques atténués apportent des plus-values opérationnelles réelles :
- amélioration de la sécurité et de l\'interopérabilité par la réduction des risques et conséquences associés aux phases de transport logistique, stockage, manutention et utilisation des munitions ;
- augmentation de la capacité opérationnelle résultant de la survivabilité accrue des personnels, plateformes et systèmes d\'armement.
3. Politique des munitions à risques atténués.
Le premier volet de cette politique vise à la prise en compte des exigences du STANAG 4439 dans tout processus d\'acquisition de nouvelles munitions par le ministère de la défense.
Le deuxième volet consiste en l\'évaluation systématique du niveau de réaction de toutes les munitions en service vis-à-vis des agressions accidentelles et malveillantes décrites dans cet accord de normalisation.
Cet inventaire des résultats d\'évaluation assure une vision plus complète des risques pyrotechniques encourus en opération extérieure, complémentaire de l\'approche traditionnelle centrée sur la notion de division de risque. Outil de dialogue au sein du ministère, il permet également l\'identification des priorités à donner pour les familles de munitions en service en matière de réduction des risques pyrotechniques.
4. Modalités d'application.
La politique MURAT au sein du ministère de la défense s\'articule autour des activités suivantes :
- expression du besoin MURAT pour toute nouvelle acquisition de munitions ;
- évaluation de la signature MURAT et sa validation ;
- mise à jour et gestion du recueil des signatures MURAT de l\'ensemble des munitions des armées.
Les procédures qui régissent les différentes activités ci-dessus font l\'objet de compléments techniques d\'information sous la forme d\'instructions techniques éditées par l\'inspecteur de l\'armement pour les poudres et explosifs (IPE).
La réponse de la munition vis-à-vis de l\'ensemble des agressions décrites dans le STANAG constitue la signature des dangers présentés par la munition et est appelée « signature MURAT ». Elle est exprimée au travers de niveaux standardisés, définis par le STANAG 4439 et l\'AOP 39 (2), et dénommés types de réaction.
Cette signature peut être concrétisée par l\'attribution d\'un label MURAT délivré par l\'IPE conformément à ses missions.
4.1. Expression du besoin en munitions à risques atténués pour toute nouvelle acquisition.
Toutes les expressions de besoin relatives à l\'acquisition de munitions conventionnelles par le ministère de la défense doivent intégrer le STANAG 4439 dans le référentiel des normes applicables au marché.
L\'expression de besoin MURAT doit être initiée au plus tôt dans le déroulement d\'une procédure d\'acquisition et doit être consolidée lors du passage de chaque jalon de cette procédure.
S\'il n\'est pas possible de spécifier en détail l\'ensemble des configurations du cycle de vie, les plus pertinentes à prendre en compte doivent être identifiées à partir de critères comme le pourcentage de la durée de vie passé dans ces configurations ou l\'étude des conséquences sur l\'environnement humain et matériel d\'une réaction de la munition dans ces configurations.
On distingue traditionnellement les configurations logistiques et opérationnelles.
Tout écart dans l\'expression finale du besoin par rapport aux critères définis dans le STANAG 4439 doit faire l\'objet d\'une proposition de traitement préparée par le responsable de l\'acquisition à l\'attention de l\'état-major à l\'origine du besoin.
L\'état-major concerné statue sur le traitement proposé, après avis de l\'IPE en cas de dérogation aux exigences du STANAG.
Cette étape doit permettre un audit clair des raisons avancées par le spécificateur pour justifier du non respect des exigences et critères relatifs à la présente politique. En particulier, outre la pertinence de ces exigences pour la famille de munitions considérée, il s\'agit de s\'assurer que l\'équilibre entre les impératifs opérationnels, les coûts et les risques est préservé.
La cohérence entre les exigences MURAT et celles relatives à la division de risque doit faire l\'objet d\'une attention particulière.
4.2. Détermination de la signature des munitions à risques atténués d'une munition.
Pour les nouvelles acquisitions, le programme de démonstration et les résultats d\'évaluation de la signature MURAT d\'une munition pour une configuration donnée doivent faire l\'objet d\'une présentation pour validation devant un comité d\'experts présidé par l\'IPE.
Pour les munitions ou familles de munitions déjà en service et ne disposant pas d\'une signature MURAT, la signature MURAT sera évaluée par les experts techniques de la direction générale de l\'armement (DGA) et fera l\'objet d\'une présentation pour validation devant un comité d\'experts présidé par l\'IPE. L\'IPE est chargé de piloter cette action, selon des priorités définies conjointement avec les armées.
Pour les munitions en service comme pour les nouvelles acquisitions, l\'évaluation MURAT doit permettre d\'apprécier la qualité de la démonstration apportée. Une estimation du niveau de confiance affecté à la signature MURAT doit être établie.
4.3. Inventaire et recueil des signatures des munitions à risques atténués des munitions.
Il est de la responsabilité de la DGA d\'assurer le suivi de l\'inventaire des signatures MURAT. Cet inventaire constitue un outil de pilotage et de dialogue armées - DGA pour la gestion des investissements à réaliser en recherche et développement sur les munitions à risques atténués. Il a également vocation à contribuer à l\'évaluation des risques pyrotechniques posés par les munitions dans les conditions de transport et stockage opérationnels et particulièrement dans le cadre des opérations menées au sein de l\'Organisation du traité de l\'Atlantique nord (OTAN).
5. Divers.
L\'instruction DGA/IPE n° 260 de juillet 1993 (3) relative à la doctrine française en matière de munitions à risques atténués est abrogée.
La présente instruction sera publiée au Bulletin officiel des armées.
Notes
Pour le ministre de la défense et des anciens combattants et par délégation :
L'ingénieur général de l'armement de classe exceptionnelle,
délégué général pour l'armement,
Laurent COLLET-BILLON.
Annexes
Annexe I. Concept des munitions à risques atténués, division de risque et sécurisation.
MURAT et division de risque.
Des liens étroits existent entre la signature MURAT, essentiellement une mesure de la sécurité intrinsèque de la munition, et les divisions de risque qui sont davantage un outil pour gérer les risques induits sur les personnels, plateformes et équipements lors des phases logistiques.
L\'utilisation de la division de risque pour l\'évaluation des risques pyrotechniques en opérations est limitée par le fait que les agressions retenues pour ce classement sont uniquement représentatives des conditions normales de transport en temps de paix [manuel des épreuves et critères de l\'Organisation des nations unies (ONU)].
La signature MURAT de la munition évalue son comportement sur un spectre plus large d\'agressions accidentelles et malveillantes et constitue donc une source d\'information complémentaire à la division de risque.
MURAT et sécurisation.
La sécurisation repose sur une analyse des menaces potentielles sur le cycle de vie de la munition et les agressions retenues pour l\'évaluation sont généralement spécifiques à une plateforme de combat donnée et peuvent différer des agressions de référence du STANAG 4439.
Ainsi la sécurisation peut se construire par le biais de démonstrations complémentaires à l\'évaluation de la signature MURAT de référence qui porte sur des agressions standardisées.
Elle ne permet pas de disposer d\'une base de comparaison pour les différentes munitions en service. Elle ne permet généralement pas non plus le classement en division de risque DR 1.6 ONU pour le transport et DR 1.2.3. pour le stockage à l\'OTAN, et de bénéficier des facilités logistiques associées.
Annexe II. Exigences des munitions à risques atténués.
L\'analyse de l\'OTAN confirme la pertinence des agressions de référence définies dès l\'origine du concept MURAT, notamment pour les échauffements, la réaction par influence et l\'impact de fragments légers à grande vitesse.
Les menaces de type impact de balle ont évolué avec des effets incendiaires et explosifs supplémentaires mais le retour d\'expérience n\'est pas suffisant pour remettre en cause des mécanismes réactionnels déjà établis pour les munitions vis-à-vis de cette agression.
Le contexte opérationnel actuel justifie une évaluation systématique du comportement de la munition à l\'agression charge creuse. En outre, le choix a été fait de conserver en France l\'agression de type éclat lourd grande vitesse qui n\'est pas une agression du référentiel OTAN mais qui peut d\'une certaine manière et avec les précautions d\'usage être représentative d\'une certaine classe d\'engins explosifs improvisés (EEI).
AGRESSION TYPE. | DOMAINE. | OBSERVATIONS. | NIVEAU DE RÉACTIONREQUIS (1). |
Incendie. | Domaine de température : température moyenne de l\'incendie entre 550 ºC et 850 ºC jusqu\'à ce que toutes les réactions de la munition soit achevées. Température de 550 ºC atteinte en au plus 30s à partir de l\'allumage du foyer. Les essais à échelle 1 seront menés conformément au STANAG 4240. |
| V. |
Échauffement lent. | Elévation régulière de température de 1 ºC à 30 ºC par heure à partir de la température ambiante, jusqu\'à ce que toutes les réactions de la munition soit achevées. Les essais à échelle 1 seront menés conformément au STANAG 4382. | La rampe de montée en température est restreinte ce qui améliore la représentativité de l\'agression sur l\'ensemble de la plage. | V. |
Impact par balles. | Domaine de vitesse : de 400 m/s à 850 m/s. Les essais à échelle 1 seront menés conformément au STANAG 4241. | La plage de vitesses est restreinte. Pas de tir en rafale. | V. |
Réaction par influence. | Détonation du donneur dans une configuration appropriée. Les essais à échelle 1 seront menés conformément au STANAG 4396. | Si moteurs à propergol solide ou charges propulsives d\'artillerie : amorçage du donneur par une source externe de type jet de charge creuse approuvée par l\'IPE. | III. |
Impact d\'éclat léger. | - fragment en acier de 15g à la vitesse de 2600m/s ; - fragment en acier de 65g à la vitesse de 2200m/s. Les essais à échelle 1 seront menés conformément au STANAG 4496. | Nota. Contenu du STANAG 4496 : procédure standard : éclat 18,6 g à vitesse 2530 m/s ; procédure alternative : même éclat à vitesse 1830 m/s. | V. |
Impact d\'éclat lourd. | 1 éclat parallélépipédique acier de 250g vitesse d\'impact de 0 m/s à 1650 m/s. | Exigence française. | III. |
Jet de charge creuse. | Domaine du jet de charge creuse : calibre allant jusqu\'à 85 mm. Les essais à échelle 1 seront menés conformément au STANAG 4526. | La charge creuse de référence retenue est la CCEB 62 mm ou équivalent. | III. |
Notes
Annexe III. Labels des munitions à risques atténués.
Les labels MURAT permettent de :
- faire un lien direct avec les classements en division de risque assurant un bénéfice logistique ;
- identifier rapidement, par un marquage simple de la munition, les méthodes adaptées à sa manutention et à sa neutralisation ;
- promouvoir le concept à l\'export.
Au nombre de trois, symbolisés par une, deux ou trois étoiles, ces labels correspondent à des exigences de signatures particulières définies ci-dessous :
LABEL. AGRESSIONS TYPES. | MURAT 1 ÉTOILE. | MURAT 2 ÉTOILES. | MURAT 3 ÉTOILES. |
Incendie. | IV. (1) | V. (2) | V. (2) (3) |
Échauffement lent. | III. | V. | V. (3) |
Impact par balles. | III. | V. | V. (3) |
Raction par influence. | III. | III. | III. (3) |
Impact d\'éclat léger. | I. | V. | V. (3) |
Impact d\'éclat lourd. | I. | III. | III. (3) |
Jet de charge creuse. | I. | III. | III. (3) |
Il est à noter une évolution de la définition des labels MURAT 2 étoiles et MURAT 3 étoiles pour les aligner respectivement sur les critères d\'inclusion en sous division de risque DR 1.2.3. pour le stockage OTAN et en division de risque DR 1.6. pour le transport ONU et stockage OTAN.